Intervention de Général Philippe Lavigne

Réunion du mardi 13 octobre 2020 à 17h30
Commission de la défense nationale et des forces armées

Général Philippe Lavigne, chef d'état-major de l'armée de l'air et de l'espace :

Madame Bureau-Bonnard, l'armée de l'air dispose d'une école destinée aux sous-officiers, l'École de formation des sous-officiers de l'armée de l'air de Rochefort, qui forme de nombreux jeunes dans différentes spécialités du domaine aéronautique. L'école de Rochefort forme d'ailleurs également les sous-officiers traitant du milieu aéronautique dans l'armée de terre et l'aéronavale. 3 650 jeunes aviateurs ont été recrutés en 2019. La cible pour 2020, crise covid oblige, est de l'ordre de 3000.

Selon une étude récemment publiée, l'armée de l'Air et de l'Espace est l'entreprise préférée des étudiants et jeunes diplômés, dans la catégorie « institutions et établissements publics ». Au classement final des 14 000 jeunes sondés, nous terminons à la trente-troisième place sur 179 entreprises françaises et internationales. L'armée de l'air et de l'espace jouit d'une très grande attractivité.

Pour recruter parmi les jeunes générations, il faut proposer des formations attractives, mais aussi des métiers attractifs. Le fait de disposer d'une armée de l'air et de l'espace qui se modernise et est toujours en action, participe de cette attractivité.

Madame Gipson, vous connaissez parfaitement la base aérienne d'Évreux qui accueille l'escadron franco-allemand. La première pierre de cet escadron a été posée le 17 septembre dernier, en présence de mesdames les ministres française et allemande. À terme, dix C130-J, six avions allemands et quatre avions français, ainsi que 260 personnels dont 130 Français et 43 Allemands, composeront ce nouvel escadron en juillet 2021. Le centre de formation devrait être opérationnel en 2023, pour participer à la formation des pilotes et des personnels non navigants. Voilà un superbe exemple de programme européen. Il s'agit de la première unité qui connaîtra une réelle intégration des personnels allemands et français.

Monsieur Marilossian, le « multi-domaines » désigne notre capacité à unir les trois grands milieux, mais également le domaine spatial et le domaine cyber. Comme pour le SCAF, il faut agir et penser ensemble, pour gagner en vitesse et en supériorité opérationnelle dans tous les domaines. Des études sont en cours au sein de nos armées. Aux États-Unis, il a été confié à l' US Air Force, le soin de mener les études sur le multi-domaines, notamment en ce qui concerne le commandement et contrôle, que nous appelons le « C2 ». Pour la France, le C2 est assuré par le Centre de planification et de conduite des opérations (CPCO), sous la responsabilité du chef d'état-major des armées. Le budget 2021 ne prévoit pas de crédits explicitement dédiés à ces études, mais les crédits alloués aux études pour le CDE ou le Commandement pour les opérations interarmées (CPOIA) participent à cette démarche. L'état-major des armées participe à cette réflexion sur l'intégration du multi-domaines.

Madame Mauborgne, vous m'avez interrogé sur la lutte anti-drones et les radars sol-air, que nous partageons avec l'armée de terre. Le sol-air très courte portée, comme le Mistral, est mis en œuvre par l'armée de terre. Le sol-air courte portée et moyenne portée est confié à l'armée de l'air et de l'espace, pour sa capacité à être intégré à la troisième dimension. Lorsqu'un dispositif particulier de sûreté aérienne est mis en œuvre, le CDAOA a la responsabilité de gérer la lutte anti-drones, grâce à un ensemble de capacités de très courte, courte et moyenne portées. Comme déjà abordé, la modernisation de ces radars est un réel enjeu opérationnel. La LPM en cours prévoit douze nouveaux radars de basse et moyenne altitude, trois radars d'approche et quatre radars tactiques, les GM 200. L'année 2021 verra le traitement de l'obsolescence du radar Giraffe, radar basse altitude que nous avons déployé en Arabie-Saoudite. La modernisation est réalisée dans une démarche interarmées, au profit du domaine interarmées.

Madame Mirallès et Monsieur Lachaud, concernant les crédits de la dissuasion, le PLF 2021 porte le budget à 4,97 milliards d'euros, ce qui représente une hausse de 5 % par rapport à 2020 et correspond à l'augmentation globale du budget de la défense, qui augmente de 1,7 milliard d'euros. La dissuasion représentera 12,6 % des crédits de la mission « Défense » en 2021, contre 12,7 % en 2020. Il s'agit d'une stabilité voulue, maîtrisée sur l'ensemble de la LPM, car nous ne souhaitions pas créer d'effets d'éviction financière sur les moyens conventionnels des armées, qui eux aussi bénéficient d'une certaine stabilité. Le domaine conventionnel représente environ 78 % de l'agrégat « Équipement » et reste donc stable par rapport au volume global du budget. Pour la composante nucléaire aéroportée, l'enjeu est la poursuite de la rénovation à mi-vie du missile ASMPA, et, bien évidemment, la préparation de son successeur l'ASN4G. Des crédits sont aussi dédiés à la poursuite de l'adaptation des moyens de transmission qui représente un réel enjeu, et au MCO des moyens de dissuasion et des infrastructures, soit environ 650 millions d'euros, incluant les moyens de la composante océanique ou aéroportée.

Monsieur Thiériot, j'ai déjà évoqué la question des Rafale vendus à la Grèce en réponse aux questions sur l'aviation du combat et à la question de M. Chassaigne. Vous avez rappelé l'opportunité que représente la vente de ces dix-huit Rafale en Europe. Douze seront d'occasion. L'État français travaille actuellement avec la Grèce, son armée de l'air et Dassault Aviation. J'ai reçu mon homologue il y a une petite dizaine de jours ; nous avons examiné ses besoins, eu égard au contexte actuel et au fait que nous connaissons ce partenaire depuis longtemps, partenaire qui détient des Mirage, qui connaît les avions de Dassault Aviation et les moteurs produits par Safran, et dispose d'un très bon niveau opérationnel. Les négociations sont en cours. Nous pourrions suivre la démarche suivante : une première livraison d'appareils d'occasion en 2021, une deuxième en 2022 et une troisième en 2023, et une commande à réaliser au plus tôt pour que la France dispose des douze nouveaux avions en compensation. Les Mirage 2000 sont, pour certains, en bout de potentiel et ne pourront être maintenus. En revanche, nous travaillons de manière active sur la disponibilité des Rafale, qui nous permettra de minimiser cette réduction temporaire de capacité.

Monsieur Thiériot, vous avez aussi parlé de masse et de format. Je souhaite que notre aviation de combat soit effectivement modernisée, grâce aux commandes et aux livraisons de Rafale. Mme la ministre a confirmé le jalon de 2025, avec 129 Rafale pour l'armée de l'air, qui verra la livraison de cette tranche dite 4T2 de 28 appareils. L'ambition 2027-2030 inclut 30 Rafale, mais aussi la modernisation du Rafale avec un standard F4 qui apportera des capacités majeures d'engagement (armement), de survivabilité (protection), de connectivité (communications satellitaires), essentiels au maintien de la supériorité opérationnelle. La masse, à terme, sera décuplée par le combat collaboratif connecté qui fonde le principe du SCAF.

Madame Ballet-Blu, la question de l'interopérabilité est tout à fait pertinente. Je distinguerai l'interopérabilité technique et l'interopérabilité opérationnelle. Concernant la première, nous travaillons par exemple sur une feuille de route sur la connectivité entre l'Allemagne, l'Espagne et la France. Nous n'attendons pas le déploiement du SCAF. La France disposera ainsi de versions améliorées de son Rafale, comme l'Allemagne et l'Espagne de leurs Eurofighters. Nous essayons de faire converger les feuilles de route pour la connectivité de ces avions de combat, pour que nos appareils puissent discuter plus facilement ensemble, et pour que nous puissions nous rejoindre à l'horizon 2040.

L'interopérabilité est également opérationnelle ; outre les opérations menées en coalition, nous menons régulièrement des entraînements de manière conjointe.

S'agissant de la Suisse, le Rafale présente des capacités de protection de l'espace aérien adaptées à un pays montagneux, comme l'est également la France. La Suisse recherche également des capacités de souveraineté aérienne, que le Rafale peut offrir grâce à son radar, qui détecte en basse comme en haute altitude, et à son missile, qui assure une supériorité aérienne. Par ailleurs le pod TALIOS permet d'identifier tout ce qui se passe au sol. Le Rafale peut aussi intervenir très rapidement.

Madame Pouzyreff, votre question, très pertinente, porte sur l'hypersonique, ou hypervélocité. Il va falloir faire face à cette nouvelle capacité, et en disposer. Tel est l'enjeu des études et travaux en cours sur le remplaçant de notre ASMPA, l'ASN4G, qui vise un équilibre entre allonge et vélocité. Nos missiles doivent aussi être manœuvrables et furtifs. Nos institutions, comme l'ONERA, et les industriels mènent des études poussées sur le sujet. Des expérimentations sont déjà en cours dans des grands pays comme la Chine, la Russie et les États-Unis.

Madame la présidente, je crois avoir répondu à l'ensemble des questions.

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