La France est le deuxième espace maritime mondial, avec 11 millions de kilomètres carrés soit 20 fois la surface de la France métropolitaine. La moitié de son domaine maritime se trouve en océan Indien-Asie Pacifique. S'agissant des moyens dont la marine dispose pour surveiller ces zones, mon principal motif de préoccupation est la ressource en patrouilleurs ultramarins (POM). Un premier effort a été consenti ces dernières années s'agissant de la Guyane et des Antilles, pour laquelle trois unités ont été commandées. Ce sont ces PAG qui sont une vraie réussite industrielle et répondent à nos besoins opérationnels.
Le programme de livraison des POM, avec 6 unités commandées, est maintenant en cours de réalisation et sera bouclé d'ici la fin de la LPM, à raison de deux patrouilleurs livrés chaque année à partir de 2022, en commençant par la Nouvelle-Calédonie. C'est un réel motif de satisfaction de voir ce programme aboutir avec des navires bien dimensionnés pour assurer la protection de nos zones économiques exclusives ultramarines.
S'agissant du programme des patrouilleurs océaniques qui remplaceront à terme nos vieux avisos A69 ainsi que les patrouilleurs cherbourgeois, une réduction temporaire de capacités significative sera malheureusement effective durant toute la décennie, entre 2020 et 2029. La programmation prévoit des livraisons, à raison de deux navires par an, à partir de 2025, pour un total de dix unités.
La surveillance des espaces maritimes repose d'une part sur notre réseau de sémaphores et les CROSS reliés en réseau via le système SPATIONAV, et d'autre part, sur nos moyens navals et aériens déployés. Nous utilisons aussi des moyens satellitaires pour surveiller certaines de nos ZEE et nous poursuivons des expérimentations intéressantes en la matière. L'objectif est bien d'employer à bon escient nos moyens navals et aériens en les orientant avec le plus de précision possible vers leur zone d'intervention.
Concernant la possibilité d'un second porte-avions, le rapport annexé de la loi de programmation militaire 2019-2025 précisait que les études devront fournir les éléments relatifs à une éventuelle anticipation du lancement de sa réalisation et au format de cette composante pour garantir sa permanence. Disposer à terme de deux porte-avions annoncerait le retour à la permanence d'alerte, c'est-à-dire la capacité de disposer en permanence d'un groupe aéronaval en opérations ou prêt à partir dans un délai réduit, n'est pas un choix à conduire à ce stade du projet. Nous devrons nous poser cette question en 2025, dans le cadre de la prochaine LPM.
S'agissant des capacités outre-mer, sans revenir sur les patrouilleurs dont j'ai déjà parlé, la Marine s'appuie sur des bases navales qui contribuent à l'entretien des navires. Papeete dispose ainsi d'un dock flottant, récemment rénové, qui constitue une capacité essentielle et unique d'entretien pour la Marine dans le Pacifique. Avec un entretien régulier, la Marine compte maintenir en service ce dock jusque 2030, voire au-delà.
Vous avez évoqué les enjeux stratégiques associés au proche Orient et au détroit d'Ormuz. La Marine, vous le savez, participe à l'opération Agenor qui manifeste l'engagement de 8 Nations européennes, dont elle assure le commandement opérationnel depuis février 2020. Cette opération assure une présence permanente de moyens dans le détroit d'Ormuz et une coopération d'un très bon niveau avec des acteurs internationaux (Royaume-Uni, États-Unis) et régionaux (Émirats arabes unis/Oman, Qatar).
Concernant l'énergie nucléaire, elle reste, à ce stade et sans doute à l'horizon de la fin du 21ème siècle, la seule source d'énergie permettant à un sous-marin de naviguer plusieurs mois sous l'eau, à des vitesses élevées, sans refaire surface et donc de rester invulnérable. La propulsion navale nucléaire est donc un enjeu critique pour la crédibilité de notre dissuasion océanique stratégique. Il existe des interactions fortes entre nucléaire civil et militaire dans notre pays pour des raisons historiques, stratégiques et économiques. Par exemple, il a été décidé dans le passé que le combustible de nos réacteurs militaires proviendrait des mêmes circuits que celui des réacteurs civils.
Un autre enjeu majeur sera, et vous l'avez bien noté, le recrutement et la fidélisation du personnel de la Marine. Le recrutement tout d'abord, car la trajectoire de la LPM prévoit une augmentation des effectifs de la marine de 1030 ETP, dont 241 avant 2023. Les efforts faits en 2019 dans le recrutement ont permis d'atteindre les objectifs fixés, il devrait en être de même en 2020 malgré la crise COVID. Le seul segment de recrutement qui a été impacté par la crise COVID, c'est celui des quartier-maitres, mais à un niveau qui reste marginal. S'agissant de la fidélisation du personnel, la politique de la Marine s'appuie sur 3 piliers : le pilier indemnitaire avec l'attribution de primes encourageant l'allongement du temps de service et singulièrement le service à la mer, le pilier carrière destiné à améliorer la lisibilité des cursus de carrière et le pilier V2P (vie privée/vie professionnelle) qui doit renforcer l'attractivité des carrières embarquées par déclinaison du plan famille et la manœuvre B2E (double équipage). Le chantier indemnitaire de la nouvelle politique de rémunération des militaires (NPRM) est dans ce domaine un attendu fort des marins.
Sans vouloir revenir trop longuement sur l'interaction de la frégate Courbet avec la frégate turque, l'illumination par une conduite de tir en mer constitue une intention d'acte hostile car elle peut précéder d'une seconde un tir d'artillerie ou de missile. C'est l'équivalent du point rouge d'un sniper ! À l'évidence, un tel comportement génère une augmentation de la tension. D'un point de vue tactique, nos équipages sont entraînés et savent réagir avec sang-froid, en adoptant une réaction adaptée au contexte.
S'agissant des munitions, la LPM 19-25 nous donne les moyens de reconstituer les stocks des obus d'artillerie avant 2025 et d'engager une reconstitution de stocks de missiles. La route sera longue mais l'inflexion est bien là.
La LPM 2019-2025 prévoit aussi, après une première phase de renforcement des capacités et des moyens de MCO, de donner aux armées les ressources nécessaires pour augmenter l'activité des forces afin d'atteindre les normes de l'OTAN. Si, à l'heure actuelle, la disponibilité de certains types de navires (PHM ou SNA) ou de certains aéronefs (NH90 notamment) ne permet pas de satisfaire pleinement ces objectifs, nous attendons beaucoup des réformes organisationnelles et contractuelles actuellement mises en œuvre, notamment dans le domaine du MCO aéronautique.
Positionner et identifier des bateaux à l'échelle mondiale est primordial. Les satellites et les drones aéromaritimes offrent, par leur persistance et les zones qu'ils couvrent, des perspectives d'emploi qu'il convient de concrétiser. A titre d'exemple, concernant l'emploi de petits satellites, la Marine nationale a soutenu la société française Unseenlabs avec qui elle collabore activement depuis le début de l'année. En effet, cette start-up déploie des nano-satellites dont les capteurs contribuent à localiser des bateaux grâce à leurs émissions radars.
Concernant les drones et leur emploi au niveau d'une force navale ou d'un théâtre d'opérations, la Marine nationale a intégré la nécessité d'avionner sur ses drones aériens des interrogateurs AIS. À titre d'exemple, le système de mini-drone marine (SMDM) qui sera déployé sur les patrouilleurs de haute mer l'année prochaine, sera doté d'un interrogateur AIS. Il en sera de même pour le système de drones aériens de la marine (SDAM) qui équipera les frégates de premiers rangs d'ici la fin de la décennie. Toutefois, comme évoqué précédemment, les besoins de localisation et d'identification sont mondiaux et permanents, nous suivons donc avec intérêt le développement de plateformes de type HAPS .