Intervention de Général Thierry Burkhard

Réunion du jeudi 15 octobre 2020 à 11h00
Commission de la défense nationale et des forces armées

Général Thierry Burkhard, chef d'état-major de l'armée de Terre :

Monsieur Ardouin, l'armée de Terre fait un fort usage des drones et nous disposerons, en 2023, d'environ 3 000 drones, toutes catégories. Le plus puissant est le Système de drone tactique (SDT) ; le plus petit est le nano-drone Black Hornet, utilisé par les groupes de combat.

La formation sur les SDT est longue et coûteuse, mais elle a été prise en compte et intégrée dans le budget – ainsi que le maintien en qualification. Mon souci, c'est le retard de livraison, qui m'oblige à maintenir en qualification les pilotes qui ont déjà suivi une formation, alors que le SDT n'arrive pas. Pour ce faire, nous utilisons des simulateurs. Mais j'ai un autre problème : je dois maintenir en qualification les soldats qui utilisaient le drone précédent, le Système de drone tactique intérimaire (SDTi), qui n'est plus en état de fonctionner. Nous sommes en contact étroit avec l'industriel, qui est bien conscient de ces difficultés, notre objectif commun étant de mettre en place un système de drone sûr et fiable. Le centre de formation forme à la fois les pilotes, les interprètes images et les opérateurs.

Par ailleurs, nous menons actuellement une réflexion sur une éventuelle mutualisation de la formation des pilotes de drones, même si l'armée de Terre et l'armée de l'Air et de l'Espace n'ont pas les mêmes attentes. Dans l'armée de l'Air et de l'Espace, tous les pilotes de drones sont des officiers, ce qui n'est pas le cas dans l'armée de Terre, où des sous-officiers sont formés au SDT. Nous devons donc, avant toute mutualisation, nous mettre d'accord sur les spécifications de la formation. Ensuite, nous devrons examiner la question des flux, l'armée de l'Air et de l'Espace ne disposant pas de flux extensibles à l'infini.

Monsieur Fievet, s'agissant des légionnaires, sachez que les propos que vous aviez tenus lors de votre visite au sein de la légion étrangère m'avaient bien été rapportés. J'ai donc entrepris des recherches, car je n'avais pas connaissance de ce sujet. Les légionnaires, vous l'avez dit, servent sous contrat. Ils ont un statut particulier, régi par le décret du 12 septembre 2008 relatif aux militaires servant à titre étranger. Tout légionnaire connaît le statut de la légion et ses dispositions. Contrairement à un militaire qui sert dans le reste de l'armée de Terre, un légionnaire ne peut pas devenir militaire de carrière.

De la même façon, un soldat de l'armée de Terre qui ne souhaite pas devenir sous-officier de carrière et qui préfère renouveler son engagement ne bénéficiera pas des mêmes droits qu'un sous-officier de carrière ; il ne touchera pas les mêmes primes. Mais, en contrepartie, il a la liberté de partir quand il veut et de renouveler ou non son engagement au service de la France. La différence de statut que vous notez n'est donc pas propre aux légionnaires : c'est toute la différence qu'il y a entre un militaire sous contrat et un militaire de carrière. Cela étant, tout légionnaire peut acquérir la nationalité française et demander à servir dans l'armée de Terre, dans le régime général, et alors faire carrière.

Monsieur Thiériot, il est vrai que tous les Griffon ne sont pas équipés d'un tourelleau télé-opéré : les 1 872 Griffon du programme Scorpion sont commandés avec un taux d'équipement de 75 % jusqu'en 2025, puis de 50 % au-delà. Cela n'a pas de sens, vous avez raison, mais nous ne disposons pas pour l'instant du budget nécessaire à l'équipement de l'ensemble des Griffon. Les 1 872 Griffon seront livrés d'ici à 2033 : nous avons donc le temps d'y remédier.

Le MGCS est un programme majeur franco-allemand, qui a pour objectif de remplacer le Léopard 2 et le Leclerc à l'horizon 2035. Puisqu'il s'agit, à ce stade, d'un programme industriel, je ne suis pas le mieux placé pour vous en parler, mais l'armée de Terre a déjà commencé à travailler sur le cahier des charges et alimente la Direction générale de l'armement (DGA), qui est en contact avec son homologue allemand pour lancer les études et les recherches. Deux officiers de l'armée de Terre se trouvent à Coblence et participent à la montée en puissance du programme MGCS avec les Allemands, sous le contrôle de la DGA.

Monsieur Jacques, il est vrai que les formations sont de plus en plus longues : nous devons donc revoir les programmes, afin de les ajuster aux besoins. Par ailleurs, il est important que les chefs au contact redeviennent les premiers instructeurs : leur légitimité s'en trouvera renforcée. Bien entendu, les formations très spécialisées doivent être dispensées en école, car nous ne disposons pas des outils nécessaires dans les régiments. Les centres d'entraînement spécialisés ont une importance capitale, car la qualité de l'entraînement tient au réalisme des simulations : le CENZUB et le CENTAC sont remarquables de ce point de vue. Peu de centres en Europe atteignent ce niveau d'efficacité, de réalisme.

Ces centres disposent de logiciels de simulation – l'entraînement étant fondé sur une manœuvre réelle sur le terrain – avec une instrumentalisation des hommes, des matériels et des armes, permettant de déterminer précisément qui tire et qui est atteint. Par ailleurs, il est procédé à une analyse après action ; tout est enregistré, et un spécialiste débriefe et explique chaque séquence de combat. J'ajoute que le système CERBERE, un nouveau système de simulation, est en train d'être mis en place, d'abord au CENZUB, puis au CENTAC : c'est une évolution importante.

Comment devons-nous faire évoluer nos centres d'entraînement spécialisés ? À court terme, nous devons diversifier les exercices. Actuellement, nous entraînons les sous-groupements tactiques, à savoir les compagnies d'infanterie ou les escadrons de cavalerie renforcés par le génie ou l'artillerie. Nous devons diversifier les exercices en confrontant les soldats aux menaces que nous identifions sur les nouveaux théâtres d'opérations, telles que les cyberattaques, la guerre électronique, les drones ou le NBC.

À plus long terme, nous devons évoluer dans quatre directions : l'intensité de l'entraînement, le volume des forces entraînées, le réalisme des combats et la formation des chefs. C'est la raison pour laquelle nous préparons des séances d'entraînement de trois semaines – elles sont de deux semaines, aujourd'hui – en vue d'éprouver les soldats et les chefs dans la durée, dans des situations plus complexes, où ils ne bénéficient pas de la supériorité tactique et technique dans tous les domaines. Nous devons par ailleurs contrôler les états-majors des régiments. Actuellement, des états-majors se déploient mais uniquement pour coordonner la manœuvre, et ils ne sont pas contrôlés.

L'enjeu est de pouvoir entraîner au plus tôt les brigades, ce qui nécessitera de combiner ce que nous ferons dans les centres d'entraînement spécialisés, mais la manœuvre se déroulera à l'extérieur du camp et avec un maximum de réalisme – nous utiliserons le système CERBERE, qui aura pour autre objectif d'aguerrir un peu plus les chefs. Chefs qui ont toujours un rôle déterminant dans les combats de haute intensité.

Monsieur Ferrara, s'agissant de l'ALAT, l'hélicoptère interarmées léger (HIL) doit être soutenable, tant à l'entraînement qu'en opération. Cela veut dire que le coût et le taux horaire de soutien doivent être acceptables. Par ailleurs, le plan de relance ne prévoit pas de commande d'hélicoptères pour l'armée de Terre. Concernant les roquettes à précision métrique, le stock est assez tendu. Nous travaillons actuellement à un nouveau missile. Une évolution qui se fera en parallèle du passage du Tigre au Tigre Standard 3 ; un programme qui doit être conduit en coopération avec l'Allemagne – et peut-être avec l'Espagne dans un second temps.

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