De manière complémentaire, je rappellerai que, schématiquement, la coopération franco-britannique comporte deux axes : un axe opérationnel et un axe industriel.
En matière opérationnelle, nos deux armées sont étroitement liées, et nous partageons plus avec le Royaume-Uni qu'avec n'importe quelle autre puissance, si ce n'est peut-être les États-Unis, auxquels nous ne pouvons toutefois pas nous comparer tant nous ne jouons pas dans la même cour. Je me souviens que lorsque j'échangeais avec l'amiral Prazuck, alors chef d'état-major de la marine, celui-ci m'expliquait que nos marines étaient quasi jumelles, et que son homologue britannique était son premier interlocuteur. Cette proximité se retrouve d'ailleurs dans d'autres domaines.
En matière industrielle, les choses sont un peu différentes : nos bases industrielles et technologiques de défense se trouvent en concurrence directe, comme c'est d'ailleurs le cas avec d'autres pays européens. Il n'y a là que logique, dans la mesure où trois ou quatre pays réunissent environ 80 % de la BITD européenne. Il nous faut donc trouver les voies et moyens de ne plus être en concurrence, mais de renforcer la coopération. Je note d'ailleurs à ce sujet, en réponse à monsieur Gouttefarde, que s'agissant du futur de l'aviation de combat, nous avions d'abord coopéré, avant de voir deux projets divergents émerger – SCAF d'un côté, Tempest de l'autre. Nos difficultés sont parfois d'ordre purement calendaire, dans la mesure où il peut arriver que nous n'ayons pas besoin de renouveler nos capacités au même moment.
Enfin, j'ajouterai que l'alternance politique ne facilite pas la continuité de notre coopération. Ainsi, depuis la signature des accords de Lancaster House, se sont succédé trois présidents de la République – Nicolas Sarkozy, François Hollande et Emmanuel Macron – et trois Premiers ministres britanniques – David Cameron, Theresa May et Boris Johnson. Or, la dimension politique est cruciale en matière de coopération.
S'agissant plus précisément du projet Tempest, il nous semble qu'un rapprochement avec le SCAF relève du fantasme, bien que les Britanniques semblent d'être rapprochés des Italiens et des Suédois. Ils feront en effet d'abord face à un problème d'ordre budgétaire. Ensuite, si je me fie à mon expérience – j'ai longtemps travaillé avec les Britanniques – je pense qu'ils feront preuve d'une forme d'attentisme, et suivront les progrès du programme SCAF et de l'élaboration de son démonstrateur, attendu en 2026. D'après moi, ce n'est qu'à ce moment-là que les choses se clarifieront.