Intervention de le général Stéphane Mille

Réunion du mercredi 2 décembre 2020 à 10h00
Commission de la défense nationale et des forces armées

le général Stéphane Mille :

Les deux « franchises » terroristes sont physiquement en contact puisqu'elles se combattent, notamment dans le Gourma. Dans ce secteur, le RVIM profite de la faiblesse de l'EIGS pour tenter de regagner du terrain. La présence des terroristes qui étaient sur le point d'attaquer le poste de Boulikessi témoigne de la vigueur de l'engagement du RVIM dans la zone. Toutefois, bien qu'ils soient en conflit, on ne peut écarter quelques contacts pris localement entre eux pour s'opposer aux forces internationales. Ennemis, ils sont capables de s'unir pour mener une opération ponctuelle.

S'agissant de la question de la menace terroriste hors de la BSS, que vous avez même élargie au Mozambique, nous regardons bien au-delà de la zone du G5 en encourageant nos partenaires du Sud à prendre en compte cette possibilité. L'initiative prise à Dakar, le partenariat pour l'action en Afrique de l'Ouest (PAOA), vise à coordonner les actions de coopération des alliés en Afrique de l'Ouest, à partager le renseignement, en majeure partie de sources ouverte, avec nos partenaires africains et à les inciter à développer la culture du renseignement pour être plus forts si la menace se propageait sur leur terrain.

Une vaste opération d'adaptation du dispositif Barkhane a été engagée l'année dernière pour préparer l'arrivée du système Scorpion, mais nous en sommes pour l'instant au déploiement du réseau du système d'information du combat Scorpion (SICS). Scorpion sera visible sur le terrain en 2021. Je pourrai alors faire un retour d'expérience sur la mise en place du dispositif dans l'opération Barkhane.

S'agissant des trous dans la raquette capacitaire, certaines capacités sont effectivement critiques. Les hélicoptères lourds ont apporté une plus-value significative. Certes, on s'en passait auparavant, mais ils démultiplient notre capacité de projection de part et d'autre de la zone. Le renseignement est un autre élément important de protection et pour prendre l'initiative à l'encontre de groupes toujours actifs.

S'agissant de la cinématique de la Task Force Takuba, la première sortie a eu lieu au cours de l'été 2020 avec un bataillon franco-estonien, et Takuba atteindra sa pleine capacité à l'été 2021. Nous aurons alors un vrai dispositif reposant sur une Task Force associant des Français, des Estoniens, des Tchèques et des Suédois. Cela témoigne de la volonté de nos partenaires européens de s'engager dans la zone. Cela donne lieu également à beaucoup de discussions sur l'organisation et les moyens attendus. Les hélicoptères et le soutien médical sont des capacités critiques ; ils sont indispensables pour des engagements de combat. Nous démarchons nos partenaires alliés avec l'oreille attentive de certains pays. J'ai cité la Suède. La démarche est positive et dynamique et laisse augurer de belles perspectives de montée en puissance pour Takuba.

Nous avons défriché les règles de fonctionnement de la coalition lors de la montée en puissance des détachements étrangers dans Barkhane. Alors qu'il y a quatre ans, il était presque inimaginable d'y faire entrer un pays étranger, c'est devenu une réalité. Le plus important, et cela vaut pour un éventuel engagement allemand, est de s'accorder sur les objectifs de la campagne. Dès lors qu'une même unité ne fait pas deux campagnes distinctes, des limitations peuvent être imposées par tel ou tel partenaire. Par exemple, les hélicoptères danois ne font pas de poser poussière de nuit. Ils n'ont pas de caveat, pas d'opposition à l'emploi, mais ont fixé une contrainte technique. À partir du moment où l'on est d'accord sur l'objectif, il peut y avoir des restrictions d'emploi mais l'intégration de partenaires est simple.

Pour assurer la maîtrise de l'ouverture du feu dans une coalition, le plus simple est d'avoir des règles d'engagement (ROE) partagées par tous les partenaires. C'est bien ce qui est recherché pour Takuba, afin d'éviter des règles différentes en fonction de l'unité déployée, qui rendent complexe le commandement de l'opération. L'idée, et c'est le cas aujourd'hui, est d'avoir un dispositif de ROE commun pour la mission et partagé par tous.

Je partage vos interrogations sur le contexte politique au Mali après le coup d'État. C'est une question de nature politique que je regarde comme telle. Ma mission d'anticipation stratégique me conduit à préparer toutes les hypothèses, y compris celle d'une situation politique inacceptable à Bamako, pouvant entraîner une décision radicale. Je ne dis pas que celle que vous avez évoquée est envisagée, mais ce sont des options que nous examinons en permanence à l'état-major des armées.

Pour inverser le ratio, il faut d'abord des partenaires africains. C'est pourquoi j'ai insisté sur la programmation du retour des Maliens dans le Liptako. Les Africains doivent densifier leur présence sur le terrain ; ils prennent cet élément en compte. J'ai évoqué l'alignement de tous les responsables militaires sur la volonté de réinvestir la zone du Liptako.

Je peux attester de la qualité de la préparation des forces françaises avant le déploiement. Quatre ans de relève dans Barkhane me donnent la certitude que nos troupes sont entraînées et que les trois armées, puisque la marine nationale est également engagée, réalisent les efforts nécessaires avant de déployer leurs forces sur le théâtre de la BSS. Quelques particularités de théâtre nécessitent une adaptation. Je pense à quelques vols en ambiance sable pour les pilotes d'hélicoptère ou à des tirs de réglage pour des soldats prenant en main du matériel sur place. Mais ce n'est pas par défaut d'entraînement que sont faites ces opérations, qui durent le temps d'un ou deux vols ou une ou deux sorties, pour s'adapter aux conditions spécifiques du théâtre.

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