Le concept d'opérations (CONOPS) stratégique de la force conjointe a fait l'objet de plusieurs révisions. La dernière, intervenue lors du Comité Défense et Sécurité (CDS) de Ouagadougou organisé du 24 au 25 janvier 2020, a entériné l'élargissement de la zone de poursuite de cinquante à cent kilomètres de part et d'autre de nos frontières, soit une profondeur de 200 kilomètres, suffisante pour manœuvrer. Ce CONOPS révisé offre davantage de flexibilité. Mieux, il consacre la possibilité de disposer, à terme, de capacité expéditionnaire entre les mains du COMANFOR.
Les dotations varient d'un pays à l'autre et sont fonction des concepts d'emploi qui y prévalent. Quant au niveau du financement, j'ai dit en introduction que la force conjointe recevait un soutien suffisant. En revanche, nous insistons sur le besoin de pérennité du soutien de la force elle-même. L'appui en équipements, services et infrastructures au profit de la force conjointe suit principalement deux axes : appui en bilatéral directement traité avec les structures nationales des cinq pays du G5S ; appui direct à la force, comme celui d'une partie des fonds de l'Union Européenne sur laquelle nous avons le plus de visibilité.
Le personnel de la force conjointe est composé de bataillons et de PC multinationaux. Avant leur projection, les bataillons reçoivent une formation de pré-déploiement, négociée en interne par les pays concernés auprès de certains partenaires. Ce sont les PC multinationaux qui, pour l'heure, sont concernés par la formation dispensée par l'EUTM Mali. L'école de guerre du G5 Sahel, qui assure les formations de niveau opératif, avait, pour le mandat 3, assuré la formation de pré-déploiement. Toutefois, en raison de la pandémie, nous avons été contraints d'organiser cette formation à Bamako, du 12 au 28 octobre.
Comme je l'ai dit, l'équipement de la force conjointe suit un processus assez fastidieux. Des promesses ont été faites notamment de l'Arabie saoudite, des Émirats arabes unis, de la Turquie et de la Chine. Ici, nous insistons surtout sur l'aide de l'Union européenne, sur laquelle nous avons une parfaite visibilité.
Notre partenariat avec la MINUSMA porte sur trois domaines essentiels : Il s'agit d'abord du projet du cadre de conformité ; Ensuite la gestion du soutien additionnel dont la MINUSMA a la responsabilité ; Et enfin, un partenariat de combat qui peine encore à se mettre en place. Sur les deux premiers volets, il faut le dire avec la solennité requise, la force conjointe s'est d'abord heurtée à une certaine difficulté de compréhension : entre ce que les juristes nous enseignaient et ce qu'ils faisaient, c'était le jour et la nuit. En lieu et place de communication préalable des allégations, ils s'étaient livrés sur des canaux à nos yeux inappropriés, ce qui avait entraîné un petit froid…
Le financement de l'appui additionnel est assuré par une enveloppe de 10 millions d'euros répartie en deux tranches dont la première a été consommée. Les difficultés rencontrées portaient sur les modalités de remise de ces ressources à nos bataillons. Pour vous donner un exemple, lorsque vous donnez un carton de rations de combat à Bamako, qu'il faut acheminer à Wour, à près de deux mille kilomètres de N'Djamena, ou à Madama, à 1 800 kilomètres de Niamey, les coûts de transport pour la force conjointe qui s'en charge… Nous avons dit à nos amis qu'il fallait revoir le mécanisme dès l'instant où ils détiennent la ressource nécessaire. Par respect pour le contribuable européen, j'ai demandé au comité d'état-major l'autorisation d'assumer ces dépenses sur le budget de fonctionnement de la force conjointe. En effet, il m'était arrivé à plusieurs reprises de payer un coût de transport supérieur à la valeur marchande de la ressource reçue.
Les capteurs de l'IFC (Intelligence Fusion Centre) sont la propriété de Barkhane. Nous ne disposons d'aucun capteur. Nos seules sources de renseignement sont humaines. C'est pourquoi nous avons classé le renseignement parmi nos faiblesses. Le partage du renseignement est assuré en parfaite fluidité. L'IFC mis en place dans le fuseau Centre associe les personnels de Barkhane et de la force conjointe, auquel nous avons ajouté un représentant de chacun des trois pays du centre. Il y a deux semaines, avec le COMANFOR Barkhane, nous avons convenu de prendre en compte, en complément du personnel du fuseau Centre, les éléments des armées nationales à insérer à l'IFC.
S'agissant de l'arrangement technique avec la MINUSMA, il convient de préciser qu'une réunion présidée par son excellence Mahamat Saleh Annadif, le 29 septembre, à Nouakchott et deux autres à Bamako, en bilatéral avec la MINUSMA, ont permis au dossier de progresser. Comme je vous l'ai dit, cela avance lentement, mais sûrement. Pour les 5 millions d'euros restants, les réunions techniques ont permis de trouver un mécanisme permettant aux deux parties (la force conjointe et la MINUSMA) de s'accorder sur les types de rations, les produits pétroliers, la fréquence et des lieux d'acheminement des ressources ; autant de sujets qui nous posaient d'énormes difficultés.
Nous entretenons des relations satisfaisantes avec tous nos partenaires. Avant le sommet de Pau, conformément à ce que j'ai indiqué, nous travaillions avec Barkhane. Pau est venu confirmer ce qui se faisait jusqu'alors sous forme de directives politiques. Barkhane est un allié indispensable de la force conjointe. Au-delà du partenariat de combat, nous agissons jusqu'au niveau tactique : vous trouverez sur le terrain des groupes mixtes d'une dizaine de soldats, français et sahéliens.
Au niveau du poste de commandement interarmées du théâtre (PCIAT), nous avons des officiers issus du collège de défense. C'est dire si nous apprécions à sa juste valeur la qualité de la formation. Bien que de création récente, cette école vient de décerner son premier master à ses stagiaires, ce qui montre l'efficacité de la formation dont les lauréats officiers représentent une incontestable valeur ajoutée pour nos armées.
Le terme de bancarisation concerne l'armée malienne dans le cadre des mesures d'accompagnement décidées par l'UE. Dans les autres armées, elle est entrée dans les faits depuis longtemps : au Niger, plus de 80 % des soldats ont un compte bancaire.
La composante aérienne a malheureusement été omise lors de la conception de la force conjointe. Les experts s'attachent à combler cette lacune. Nous avions appris que l'état-major de l'armée de l'air français initie un projet de partenariat militaire opérationnel (PMO) air. Au niveau du G5 Sahel, lors du comité défense et sécurité du 15 octobre dernier, présidé par l'état-major mauritanien, son chef d'état-major de l'armée de l'air s'est engagé, au nom de ses pairs, à relancer le processus de mutualisation des vecteurs aériens – la première réunion des chefs d'état-major de l'armée de l'air avait eu lieu en février 2018.
Quant aux tirs de Mirage, je peux vous assurer que toutes nos emprises disposent de personnels formés au guidage aérien tactique avancé (GATA) ; leur formation est assurée exclusivement par Barkhane par souci d'uniformité et pour nous prémunir d'erreurs de communication.
Il est difficile en l'état de parler d'uniformisation ou de standardisation du matériel car, je le répète, le concept d'emploi varie selon les armées. Le soutien dont dispose la force conjointe dans le domaine des capacités critiques provient de l'Union européenne. Il s'agit de quarante-six véhicules blindés de type Bastion, soit six à sept au maximum par bataillon, dont seulement quatre pour le transport de troupes, ce qui donne techniquement une capacité de transport d'un peloton par bataillon. C'est important mais cela doit être complété pour atteindre le niveau de l'unité élémentaire de combat.
L'avantage lié aux affrontements entre groupes armés terroristes n'est que de circonstance. Au gré des actions ponctuelles, nous apprenons que tantôt c'est l'État islamique dans le grand Sahara (EIGS) qui a pris le dessus, tantôt le Rassemblement pour la victoire de l'islam et des musulmans (RVIM). Les deux groupes armés n'obéissent pas à la même philosophie ; il est normal que, lorsqu'ils se rencontrent sur le terrain, le plus fort cherche à chasser l'autre, ce qui provoque ces combats meurtriers.
Les renseignements obtenus au niveau international font effectivement état de mouvements de mercenaires syriens ou turcs en direction de la Libye. Celle-ci constituant un déversoir, il est possible qu'ils poursuivent leur migration. Pour le moment, dans notre zone de responsabilité, nous n'avons pas constaté de présence étrangère. Il est possible que des mouvements de ce genre se soient produits, mais ils n'ont pas encore atteint notre zone d'opération.