Intervention de le général de division Éric Vidaud

Réunion du mercredi 13 janvier 2021 à 9h30
Commission de la défense nationale et des forces armées

le général de division Éric Vidaud :

Madame la vice-présidente, je vous remercie pour l'hommage rendu aux deux maîtres du commando Hubert. Vous me demandez si l'engagement plus important des forces spéciales n'entre pas en contradiction avec la volonté du général Burkhard de préparer l'armée de Terre à des conflits de haute intensité. Les forces spéciales sont des précurseurs, à travers le combat hybride ; si la désescalade n'a pu être obtenue et que le conflit a mué en haute intensité, elles peuvent venir en appui des forces conventionnelles sur des points spécifiques ou en intervenant dans des zones particulières. En Afghanistan, j'étais intégré à la Task force Lafayette et je menais des actions visant à faciliter les opérations des forces conventionnelles.

Monsieur le député Gouttefarde, ce sont les composantes, chacune dans leur domaine – l'armée de Terre pour les véhicules, la marine pour les petits engins nautiques par exemple –, qui équipent les opérateurs. Le COS fédère les innovations des composantes – elles peuvent être issues de Fuscolab ou de Marine lab ; il acquiert les matériels en un ou deux exemplaires afin de les tester et si les tests s'avèrent probants, les composantes passent à l'échelle, selon un processus bottom-up puis top-down. J'ai rencontré récemment Emmanuel Chiva, directeur de l'AID : des synergies sont en œuvre avec le COS. Je vois l'AID comme un amplificateur d'innovations qui naissent au sein des unités de forces spéciales, mais aussi comme un organisme aux capacités complémentaires aux miennes : l'Agence de l'innovation peut financer des thèses et des projets de recherche – ce que mon budget ne permet pas.

Le SOFINS se tiendra du 29 juin au 1er juillet. Si les conditions sanitaires ne permettent pas sa tenue, je proposerai un report à l'automne 2021. Mon objectif est bien de maintenir ce salon car il permet des échanges essentiels entre les opérateurs et les concepteurs ; c'est dans le dialogue que nous pouvons exprimer nos besoins et que les TPE-PME peuvent les réaliser.

Monsieur le député Lejeune, l'exosquelette peut nous intéresser car il nous aiderait à transporter des charges plus lourdes encore, sur des distances d'infiltration plus longues. Le fly board est un objet expérimental et nous envisageons de développer avec l'entreprise Zapata, sur le même principe, un robot « mule » capable de transporter des charges importantes. L'AID est le principal interlocuteur de l'entreprise sur ce projet innovant labellisé par l'armée de Terre.

Pour poursuivre sur les innovations, monsieur le député Venteau, nous développons un concept de chirurgie vitale au plus près de l'action, avant l'arrivée à l'hôpital. Des équipes de chirurgiens s'entraînent à exercer en vol, à bord d'hélicoptères ou de petits avions augmentant ainsi les chances de survie d'opérateurs ou d'otages blessés.

Par ailleurs, nous développons avec Safran des calculateurs de tirs de haute précision et des caméras grand champ qui équiperont les NH 90 FS afin d'augmenter les capacités d'infiltration mais aussi d'éviter les risques de collision lors des opérations héliportées.

M. le député Blanchet m'a interrogé sur les réservistes, une capacité d'appui que le COS a développée depuis longtemps. Nos réservistes permettent de renforcer l'état-major. Ils travaillent au sein de l'état-major, arment des postes en opération et participent aux travaux d'anticipation stratégique. Je ne veux pas limiter ma réflexion à une vision militaro-militaire. Faire appel à des réservistes permet d'élargir mon champ de vision. De leur côté, les réservistes sont parfaitement intégrés et il est difficile, je crois, d'en rencontrer de malheureux dans nos murs. Je veux défendre auprès de l'EMA le budget consacré à la réserve, car celle-ci est très utile et fort efficace.

Mme la députée Trastour-Isnart, comme M. le député Blanchet, ont soulevé la question des objets connectés. J'ai lu l'article de Mediapart et je considère que l'utilisation par les militaires et les forces spéciales d'applications d'entraînement sportif, permettant leur géolocalisation en métropole et en opération, constitue un gros problème.

Ce sujet est problématique car nous nous situons, à plusieurs égards, sur une zone « frontière » :

- frontière en terme de responsabilité : je suis responsable de ces hommes, et de leur comportement, en opération. L'ensemble de mon état-major est également sous ma responsabilité, en tant qu'acteur du contrôle opérationnel des opérations spéciales. Les commandements organiques exercent quant à eux leurs prérogatives en métropole ;

- frontière en termes de droit : il est difficile, voire illégal, d'interdire en métropole, l'utilisation de certains logiciels. En opération mes prérogatives me le permettent ;

- frontière en termes générationnels : les liens numériques sont désormais « naturels » pour la plupart de nos concitoyens. Il devient de plus en plus difficile voire illusoire de couper ces liens en opération. La vie de la « base arrière » de chaque militaire continue, et la connexion ne peut être coupée en permanence.

Dans ce contexte, il s'agit pour le COS :

- de sensibiliser, en permanence, le commandement et les opérateurs sur les limites et les risques de l'utilisation des appareils connectés ;

- de limiter leur usage, en opération, en mettant à disposition des logiciels spécifiques pour certains usages ;

- d'interdire, lors de certaines opérations, l'usage et/ou l'emport d'appareils connectés ;

- de sanctionner les comportements contraires aux directives.

Tous ces éléments sont repris dans une directive de sécurité opérationnelle encadrant les règles de comportement en opération, complétée par une directive « objet connectés » encadrant l'emploi de ceux-ci.

M. le député Marilossian et Mme la députée Mauborgne ont soulevé la question du soldat augmenté et de l'intelligence artificielle. Comme je l'ai dit en introduction, je ne promouvrai jamais la transformation génétique de mes soldats. Je cherche à développer des capacités supplémentaires permettant de faciliter leurs actions, en phase avec les conclusions du comité éthique du ministère des Armées. Pour les opérateurs du COS, il s'agira de mieux se connaître grâce à des capteurs mais aussi de renforcer ses connaissances grâce à des dispositifs externes d'amélioration temporaire – outils de traduction, d'aide à la décision, intelligence artificielle. Il convient de rester maître de l'emploi de la force et de refuser les pratiques génétiques ou eugéniques. La maîtrise des risques de déshumanisation est essentielle.

Dans le domaine de l'intelligence artificielle, je suis en relation avec plusieurs sociétés. Leur capacité à analyser les images et à faire émerger les signaux faibles, additionnée à nos propres informations, permettra de retracer, peut-être, les déplacements de djihadistes, de déterminer les lieux de convergence, de détecter les endroits où auront été posés les IED .

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.