Intervention de le général Daniel Menaouine

Réunion du mercredi 10 février 2021 à 9h30
Commission de la défense nationale et des forces armées

le général Daniel Menaouine, directeur du service national et de la jeunesse :

Madame la présidente, mesdames et Messieurs les députés, j'ai le plaisir de m'exprimer devant vous dans ces circonstances particulières afin de vous présenter la politique menée par le ministère des armées en faveur de la jeunesse française. J'en profite pour vous remercier, Madame la présidente, ainsi que tous les parlementaires œuvrant auprès de vous, pour l'action déterminante que vous menez dans les territoires au profit de la politique en faveur de la jeunesse, dont Mme Darrieussecq, la ministre déléguée, est garante au sein du ministère des armées.

Après avoir rappelé les bases institutionnelles de notre politique jeunesse, je présenterai ses objectifs et ses principaux programmes d'action. Je conclurai mon propos en exposant les implications de la crise sanitaire sur cette politique en faveur de la jeunesse et la montée en puissance du SNU.

La politique en faveur de la jeunesse française menée par le ministère des armées est singulière en Europe, dans la mesure où notre pays a choisi d'institutionnaliser une rencontre entre les jeunes Françaises et les jeunes Français, leurs armées et la gendarmerie. Le principe de cette rencontre obligatoire est inscrit à l'article 34 de la Constitution, disposant que la loi fixe les règles concernant notamment « les sujétions imposées par la défense nationale aux citoyens en leur personne et en leurs biens ». Cela se traduit par l'existence de la journée défense et citoyenneté, rendez-vous obligatoire, donc institutionnalisé, entre la jeunesse, ou plutôt les jeunesses, et les armées. Les modalités de mise en œuvre de l'institutionnalisation de la JDC sont précisées par le code du service national, qui définit le service national universel en trois étapes obligatoires : le recensement, la journée défense et citoyenneté et l'appel sous les drapeaux. La sujétion au service national universel, spécificité française, unique en Europe, impose à tout jeune citoyen, âgé en moyenne de 17 ans et 4 mois, d'aller à la rencontre des armées et d'avoir, pendant une journée, le statut de l'appelé du contingent. Notre politique jeunesse est bien bornée par ces références institutionnelles.

Les finalités et les objectifs visés par notre politique jeunesse s'inscrivent dans la continuité de la revue stratégique de défense et de sécurité nationale de 2017 et la loi de programmation militaire 2019-2025, qui décrit le lien armées-nation comme un enjeu essentiel de la cohésion nationale, notamment par la volonté de forger chez les jeunes Français une conscience citoyenne. La principale finalité de notre politique en faveur de la jeunesse est bien le renforcement des relations entre les jeunes et les armées, fondement même du lien armées-nation et de notre politique de défense.

Sur cette base, la politique jeunesse du ministère vise trois objectifs stratégiques.

Le premier objectif est l'attractivité, de nature à assurer aux armées un recrutement de bon niveau en faisant découvrir aux jeunes Français le monde de la défense et ses multiples possibilités d'engagement, comme militaire ou comme civil. Le flux de recrutement représente annuellement 24 000 recrues militaires et près de 5 000 agents civils pour une classe d'âge d'environ 800 000 jeunes. Pour 2020, cette classe d'âge représentait 776 550 jeunes.

Le deuxième objectif stratégique est la citoyenneté, laquelle contribue au renforcement de la cohésion nationale. Il s'agit d'éveiller chez les jeunes l'esprit de défense et de résilience, de renforcer leur esprit d'appartenance à la communauté nationale en soulignant l'importance de l'engagement sous toutes ses formes. Ainsi, 9 % des jeunes qui effectuent un service civique en découvrent l'existence même au moment de la JDC.

Le troisième objectif stratégique est la justice sociale, en vue de favoriser l'insertion socioprofessionnelle et l'ascension sociale des jeunes qui en ont le plus besoin. En 2019, près de 46 000 entretiens ont été conduits lors de la JDC au profit des 34 000 jeunes décrocheurs par les collaborateurs de la direction du service national et de la jeunesse. La JDC est un moyen de détection des jeunes en difficulté de lecture. En 2019, c'était le cas de près de 12,4 % des jeunes que nous avons reçus.

La politique en faveur de la jeunesse s'appuie sur des moments de rencontre entre les armées et les jeunes, la JDC en étant le rendez-vous et surtout le centre de gravité obligatoire. La plupart de ces moments de rencontre sont intégrés dans le plan égalité des chances auquel participe activement le ministère des armées depuis 2008, qui bénéficie chaque année à près de 30 000 jeunes issus majoritairement des quartiers défavorisés et des établissements d'enseignement prioritaire.

La JDC s'appuie sur des présentations et des échanges interactifs avec des militaires, destinés à apporter à chacun de ces jeunes citoyens, âgés en moyenne de 17 ans et 4 mois, une information sur sa défense et les armées, ainsi qu'une sensibilisation à l'esprit de défense et de sécurité. Nos jeunes concitoyens peuvent effectuer leur JDC entre le moment du recensement et l'âge de 25 ans.

La JDC permet de détecter, au moyen d'un test, les jeunes en difficulté de lecture scolaire et de contribuer à leur insertion dans la société en les orientant utilement vers les organismes ad hoc. La moitié des jeunes qui se rendent dans des missions locales le font à l'issue de la JDC.

La JDC permet enfin, au moyen d'un questionnaire, d'identifier les jeunes intéressés par telle ou telle armée. Chaque année, la JDC, dispensée par les trente-trois centres du service national répartis en métropole et outre-mer, concerne 790 000 jeunes et assure l'orientation de 12 000 jeunes vers les partenaires pour l'insertion que sont notamment le service militaire volontaire (SMV), l'établissement pour l'insertion dans l'emploi (EPIDE) et le SMA. La JDC fournit plus de 200 000 demandes de contact aux services de recrutement des armées. Cette activité a été fortement touchée par la crise sanitaire.

Je tiens à souligner l'importance du travail des équipes de la direction du service national et de la jeunesse, qui réalisent la JDC avec les mêmes attendus à Paris, Marseille, Saint-Barthélemy ou, après trois jours de pirogue, au fin fond de la forêt guyanaise, sur le site des Trois-Sauts.

Avant leurs 17 ans et la réalisation de la JDC, en complément de l'enseignement de défense dispensé par les professeurs sous l'autorité du ministère de l'éducation nationale et du ministère de l'agriculture et de l'alimentation, en charge de l'enseignement agricole, et soutenue au sein du ministère des armées par la direction des patrimoines, de la mémoire et des archives (DPMA), certains jeunes se voient offrir des moments de rencontre dans le cadre scolaire et périscolaire. Tout jeune peut être l'un ou l'une des 9 250 élèves au sein de nos 370 classes de défense et de sécurité globales en métropole et outre-mer. Ces classes reposent sur un projet pédagogique et éducatif mené à l'initiative d'une équipe enseignante et en partenariat avec une unité militaire. Ces classes constituent l'une des priorités de la ministre déléguée et leur nombre est passé de 217 en 2017 à 370 à la fin décembre 2020, en progression de 70 %.

Chaque jeune peut également participer aux activités de l'un des trente et un centres des cadets de la défense qui proposent aux collégiens et aux lycéens des activités éducatives, citoyennes et sportives au sein d'une unité militaire durant quatorze demi-journées réparties sur l'année, suivies d'un mini-camp de cinq jours en fin de cycle.

Ces jeunes peuvent aussi effectuer des stages de découverte et d'observation au sein des unités et organismes de la défense. Un partenariat liant le ministère des armées et l'association Tous en stage propose des stages innovants à des jeunes issus des réseaux d'éducation prioritaire (REP) et d'éducation prioritaire renforcée (REP+), en région parisienne, mais aussi en province.

Ils peuvent participer aux rallyes citoyens organisés par les délégués militaires départementaux ou aux journées sport-armées-jeunesse au sein d'unité militaires sous l'égide de la commission armées-jeunesse. Ils peuvent faire partie des 2 100 jeunes bénéficiant du tutorat d'un élève d'une grande école de la défense dans le cadre des cordées de la réussite. Ce tutorat, qui fait partie du programme « une grande école : pourquoi pas moi ? », permet à des élèves officiers, polytechniciens, saint-cyriens, de l'école de l'air ou de l'école navale, ou à des élèves ingénieurs, de Supaéro, par exemple, de parrainer des élèves volontaires dont la capacité et le mérite sont reconnus mais dont le contexte familial ou social peut brider l'ambition scolaire.

Ces jeunes peuvent enfin s'investir dans une activité alliant sport, travail, mémoire et citoyenneté dans le cadre du programme « Aux sports, jeunes citoyens ! » s'inscrivant dans le cadre des Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024.

Toutes ces activités sont majoritairement conduites avant la JDC. Ensuite, tout jeune peut se lancer dans un parcours d'engagement et entamer une démarche volontariste vers les armées. Ce parcours d'engagement peut se traduire par des participations aux périodes militaires d'initiation et de perfectionnement (PMIP), auxquelles contribuent quelque 10 000 jeunes par an, offrant une première expérience de vie militaire. Des jeunes peuvent aussi rejoindre une formation militaire initiale du réserviste (FMIR) permettant, après acquisition des bases du savoir militaire, de souscrire un contrat d'engagement dans la réserve militaire opérationnelle. La mise en œuvre des PMIP et des FMIR relève de l'entière responsabilité des armées et des services.

Après la JDC, chaque jeune peut décrocher un stage, un contrat armées-jeunesse, un contrat d'apprentissage en alternance ou un contrat du service civique offrant une première expérience au sein du ministère des armées. Il peut également devenir boursier dans l'un des lycées de la défense ou intégrer une classe préparatoire à l'enseignement supérieur, passerelle entre la terminale et les classes préparatoires aux grandes écoles pour les élèves méritants. Ces jeunes peuvent rejoindre, dans le cadre d'une insertion socioprofessionnelle, les rangs du service militaire volontaire en métropole – accueillant environ 1 200 jeunes par an et dont la ministre des armées souhaite porter le nombre à 1 500 jeunes par an en 2022 – et du service militaire adapté outre-mer, représentant 6 000 jeunes par an, soit 15 % d'une cohorte pour nos concitoyens ultramarins.

Enfin, tout jeune peut pousser la porte d'un centre d'information et de recrutement des forces armées (CIRFA) et s'engager pour une carrière d'officier, de sous-officier ou d'engagé volontaire, ou bien rejoindre le ministère comme personnel civil.

Fin 2019, un plan handicap et inclusion a été promu au sein de la direction, en vue d'assurer une meilleure prise en compte des jeunes en situation de handicap. Ce plan prévoit une meilleure accessibilité grâce à la présence d'un site JDC pour personne à mobilité réduite à moins d'une heure de son domicile, objectif d'ores et déjà atteint, une meilleure accessibilité aux services téléphoniques et aux portails numériques de la direction, ainsi qu'un meilleur accueil des jeunes en situation de handicap par l'organisation de JDC dites exceptionnelles. Enfin, Mme Darrieussecq nous a demandé de développer une JDC e-learning à l'attention des jeunes Français à l'étranger, afin de permettre aux jeunes en situation de handicap d'effectuer la JDC depuis chez eux. Cette e-JDC sera opérationnelle cette année.

Menés avant et après la JDC, tous ces moments de rencontre, dont la plupart contribuent au plan égalité des chances mis en œuvre depuis 2008, touchent chaque année près de 69 000 jeunes, soit 10 % d'une classe d'âge.

La crise sanitaire n'a pas épargné la politique jeunesse du ministère des armées. Confronté à une suspension des JDC lors de la première période de confinement et à la mise en attente de près de 336 000 jeunes, le ministère des armées a mis en œuvre de nouvelles modalités d'exécution afin de permettre à chaque jeune Français de l'effectuer malgré la crise. Au cours de l'année 2020, la JDC s'est donc tenue selon trois modalités différentes. D'abord, la JDC classique, qui a bénéficié à 213 000 jeunes, du 1er janvier au 16 mars, ce qui était le cas l'an dernier, à la même époque. Ensuite, entre le 1er septembre et le 26 octobre, une JDC adaptée d'une demi-journée de trois heures trente, recentrée sur l'information sur la défense, ses métiers et l'orientation des jeunes, organisée dans le respect des mesures sanitaires, a concerné plus de 235 000 jeunes. Enfin, du 23 novembre au 23 décembre, la JDC en ligne a bénéficié à 165 000 jeunes. Nous voulions éviter des rencontres entre des lycéens qui étaient à l'école et des étudiants contraints de rester chez eux.

Au total, plus de 615 000 jeunes ont été accueillis en 2020 à l'occasion de la JDC. Ces deux adaptations nous ont permis de résorber progressivement la dette organique de 336 000 jeunes. Si vous le souhaitez, nous reviendrons lors des échanges sur l'expérimentation de ces différentes modalités et sur les enseignements tirés.

Les contraintes de la crise sanitaire ont réduit d'environ 30 % les activités des autres programmes de jeunesse. Il convient cependant de noter une très bonne progression du programme des classes de défense et de sécurité globales, avec la création de quarante nouvelles classes. Différents concours et activités ont animé ce réseau, dont la lettre CDSG. Pour 2021, nous espérons un déroulement presque nominal de toutes ces activités, y compris de la JDC, pour une classe de 794 000 jeunes, auxquels s'ajoutent, au 1er janvier, les 161 000 jeunes décalés de 2020.

Nos chiffres ne prennent pas en compte les recensements en retard, effet collatéral du COVID. Beaucoup de jeunes qui devaient se faire recenser en 2020 ne l'ont pas fait, ce qui aura des répercussions en fin d'année pour l'établissement des listes électorales en vue des échéances présidentielle et législatives de 2022.

Tourné vers l'engagement de tous les jeunes Français, le SNU comprend une phase obligatoire marquée par un stage de cohésion suivie d'une mission d'intérêt général réalisée entre 16 et 17 ans puis d'une phase d'engagement facultative. Au cours du stage de cohésion de douze jours, le ministère des armées organise une journée défense et mémoire nationales (JDM) appelée à terme à succéder à la JDC. La JDM, conçue en trois modules – défense, mémoire et résilience – fait appel à des jeux interactifs conçus par la DSNJ et l'office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONACVG). Je citerai le jeu Décision défense et le diorama « Explique-moi une cérémonie ». Le module résilience explique aux jeunes comment s'orienter avec une boussole dans la nature, se protéger et donner l'alerte.

Le ministère des armées est mis à contribution dans l'organisation de missions d'intérêt général défense ou mémorielles destinées à capter l'intérêt des jeunes volontaires en vue de leur recrutement éventuel dans les armées.

Le ministère agit directement pour la montée en puissance des centres SNU. Il participe, d'une part, à la formation des futurs cadres sur des sites mis à disposition – en 2019, à Brétigny, en 2020, à l'école navale – et, d'autre part, au recrutement de ceux issus de la réserve ou anciens militaires. Parmi les cadres du SNU, en 2019, 40 % d'entre eux étaient soit d'anciens militaires, soit des réservistes, ces derniers n'étant pas employés comme réservistes mais comme cadres du SNU.

Le SNU modifie, à travers le parcours proposé, l'équilibre général de la politique de jeunesse du ministère des armées. La JDM est effectuée vers la seizième année, soit en moyenne douze mois avant l'actuelle JDC et près de deux ans avant un possible engagement. Cette exposition plus précoce du jeune aux questions militaires, de nature à déclencher son intérêt pour l'engagement, nécessitera un suivi plus rigoureux pour ne pas le perdre en route, d'autant que le SNU offrira à chaque jeune un plus large éventail d'offres d'engagement dans le monde civil, lui ouvrant des perspectives nouvelles et diversifiées, voire moins contraignantes que celles offertes par le ministère des armées. Dès lors, si l'on n'y prenait garde, l'effet du SNU en termes de résilience et d'engagement pourrait générer pour les armées un effet contraire, voire un effet d'éviction et de relâchement du lien armées-jeunesse.

Lors de la montée en puissance du SNU, il conviendra de maintenir un tuilage entre la JDM et la JDC traditionnelle, afin de ne pas laisser de jeunes sans contact avec la défense et de ne pas les priver des informations sur l'insertion professionnelle. Un arrêt prématuré de la JDC en 2023 pourrait exclure plus de deux millions de jeunes concitoyens de ce rendez-vous avec les armées.

Le ministère devra estimer à la hauteur de son ambition le nombre de missions d'intérêt général à proposer par classe d'âge. Après la préfiguration réussie en 2019 et la suspension pour raison sanitaire de la séquence prévue en 2020, le stage de cohésion au profit de 25 000 volontaires devrait avoir lieu, en métropole et outre-mer, du 21 juin au 2 juillet. Le ministère des armées est déjà en ordre de bataille pour réussir ce rendez-vous et promouvoir ce projet de société dans lequel les armées ont toute leur place.

Pour conclure, la politique jeunesse menée par le ministère des armées est très active. Chaque année, 790 000 jeunes effectuent leur JDC et 69 000 autres sont concernés par le plan égalité des chances. Cette politique n'en est pas moins perfectible. Compte tenu du plan gouvernemental « Un jeune, une solution » et de la montée en puissance du SNU, cette politique sera, dès cette année, marquée par une nouvelle ambition des armées pour la jeunesse, dont les objectifs et les moyens seront promus et présentés par la ministre déléguée auprès de la ministre des armées, Mme Darrieussecq, comme vous l'avez annoncé en introduction, Madame la présidente.

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