Intervention de Général Eberhard Zorn

Réunion du mercredi 17 mars 2021 à 9h30
Commission de la défense nationale et des forces armées

Général Eberhard Zorn, Generalinspekteur de la Bundeswehr :

S'agissant de la zone Indo-Pacifique, depuis plus de quinze ou vingt ans, les navires allemands n'étaient plus présents dans cette région. Nous avons décidé d'y retourner. En effet, notre gouvernement a publié des directives concernant notre présence dans la zone Indo-Pacifique. Je me suis moi-même rendu dans les différents États de la région, à savoir en Inde, au Pakistan et en Australie, et j'ai constaté que ces pays souhaitaient vivement un retour de l'Allemagne et sa participation à différents exercices.

Dans ce contexte, nous avons décidé d'être présents sur la durée, à savoir à partir du mois d'août 2021 et jusqu'au mois de février 2022. Ce navire s'arrêtera dans tous les pays de la zone Indo-Pacifique (Chine, Japon, Australie, etc.). Ce retour dans cette zone après autant d'années d'absence représente un défi important pour nous, mais les pays de la région ont formulé de grandes attentes.

Il convient que nous modernisions l'équipement de la marine. Malheureusement, nous avons pris du retard dans la livraison de nos grands projets, notamment les frégates, mais nous abordons progressivement la phase de réalisation des projets, dans le respect des quantités initialement commandées. Nos chantiers navals ont également mené des opérations de réparation. Afin de respecter les directives européennes, nous avons été obligés de renvoyer certains navires dans les chantiers et il est important pour nous de disposer de partenaires pour certains types de navires de sorte à planifier et à réaliser ces travaux de façon rapide. La marine est actuellement sur une bonne voie. Plusieurs de nos navires sont engagés dans des coopérations internationales. Dans l'ensemble des domaines dans lesquels nous sommes engagés, notre marine est tout à fait à la hauteur.

S'agissant des opérations Barkhane et Takuba, Barkhane est totalement française et Takuba est une mission internationale, menée par la France, à laquelle notre constitution ne nous autorise pas à participer. Si nous parvenions – et je souligne le conditionnel - à trouver une astuce juridique pour pouvoir participer à Takuba, nous collaborerions à cette mission. Néanmoins, actuellement, le contexte juridique ne le permet pas. « Être présents à titre complémentaire », telle est la recommandation formulée. C'est la raison pour laquelle nous avons donc décidé de poursuivre avec la mission Gazelle. Nous avons ainsi la possibilité de nous intégrer au cadre européen. Par ce biais, nous apporterons notre soutien aux forces situées dans le triangle constitué par le Mali, le Niger et le Burkina Faso. Nous souhaitons soutenir les opérations menées par la France avec les moyens dont nous disposons à l'heure actuelle, puisque nous ne pouvons pas participer à Takuba.

Notre Parlement est très vigilant quant aux opérations de la MINUSMA et à notre soutien aux opérations de surveillance. En effet, nous apportons notre soutien à la MINUSMA sous un contrôle parlementaire très scrupuleux. Les forces qui se trouvent sur place (Barkhane, Takuba, MINUSMA, G5 Sahel, etc.) échangent entre elles et il convient qu'elles ne se gênent pas sur le terrain. Il est donc important de veiller à protéger les troupes de façon mutuelle.

S'agissant des sujets nucléaires et de la dissuasion nucléaire, j'ignore quels sont les projets concernant le SCAF et son équipement éventuel en armement nucléaire. Je suppose que cela aurait du sens pour la France à plus long terme. À ce jour, l'Allemagne ne l'a pas envisagé. En attendant le Tornado, nous avons décidé de prendre le F-18 parce que nous avons pu procéder à la certification. Nous participons au parapluie nucléaire dans le cadre de l'OTAN.

En ce qui concerne la transition énergétique et les énergies vertes au sein de la Bundeswehr, il convient de distinguer nos actions quotidiennes, chez nous, en Allemagne, et la façon dont nous procédons en opérations, lorsque nos forces sont projetées sur le terrain. Nous nous efforçons de favoriser les énergies renouvelables dans nos exercices, dans les casernes, dans l'utilisation de nos véhicules, y compris les véhicules civils. Nous avons équipé de nombreux bâtiments de panneaux solaires. Nous utilisons également la géothermie. Nous veillons aussi à utiliser des véhicules « verts » en opérations, mais si l'on envoie ce genre de véhicules au Mali, par exemple, il importe de s'assurer que des sources d'alimentation existent. Les matériels que nous utilisons en Allemagne diffèrent parfois de ceux que nous nous utilisions en opérations à l'étranger. Nous travaillons à l'évolution de véhicules autonomes.

S'agissant de l'indépendance ou de la dépendance, la Bundeswehr doit être en capacité d'assurer des opérations majeures d'évacuation en totale autonomie. Ailleurs, nous sommes toujours impliqués dans des opérations que nous menons avec des partenaires et nous avons besoin de ces partenaires. Nous travaillons donc en coopération.

Vous m'interrogez à propos du matériel que nous achetons aux États-Unis. Selon moi, le point important consiste à disposer de capacités. Lorsque nous avons besoin de matériel, nous étudions ce qui existe sur le marché et ce que nous pouvons acheter chez nos voisins. Lorsque nous ne le trouvons pas, nous lançons éventuellement un projet de développement. Il convient d'être conscient que nous avons besoin d'acheter du matériel déjà existant, quasiment sur étagère, et nous le mettons immédiatement en service. Parfois, nous nous le trouvons aux États-Unis et quelques petits perfectionnements permettent que ce matériel soit véritablement sur mesure pour nous. À titre d'exemple, l'hélicoptère de transport lourd CH-53 donne des signes de faiblesse et j'ai besoin de le remplacer. Les États-Unis proposent deux modèles susceptibles de m'intéresser parce que je n'ai pas le temps d'attendre que nous développions chez nous un hélicoptère de ce type.

S'agissant du cyber, nous avons mis en place un cybercommando qui sera prêt à travailler dès l'automne. Ce cybercommando permettra, en période de crise, d'améliorer la coopération entre les ministères et les différents services des ministères. L'objectif consiste à traiter de façon transversale l'ensemble des aspects liés au cyber et à la cyberdéfense. Nous sommes bien sûr très intéressés par tout ce qui se passe à l'étranger dans ce domaine et nous avons des échanges à ce sujet. Nous avons également mis en place une agence chargée des questions relatives à la cyberdéfense.

La coopération franco-allemande fonctionne très bien dans la lutte contre le terrorisme. Nous procédons à des échanges d'informations, notamment entre chefs d'état-major des armées. Nous travaillons également dans le contexte international. Nous participons à un groupe de travail qui réunit treize chefs d'état-major et qui traite des questions de terrorisme à l'échelon international. C'est un lieu d'échange d'informations privilégié. Nous utilisons ces informations dans le domaine militaire ou nous les transmettons aux autorités des différents pays qui peuvent en faire bon usage. Nous sommes très satisfaits d'être engagés dans cette coopération qui nous aide beaucoup.

Je tiens à vous exprimer tous mes remerciements pour le soutien que nous avons reçu à Évreux, pour l'accueil que vous avez réservé aux familles allemandes qui sont arrivées à Évreux. Nos militaires et leurs familles sont très contents. Ce projet est innovant et je crois qu'il apportera toute satisfaction. Je ne doute pas qu'il fasse progresser la coopération entre forces spéciales. Je suis très satisfait du projet mené à Évreux et je vous exprime mes sincères remerciements.

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