Intervention de Geneviève Darrieussecq

Réunion du mercredi 24 mars 2021 à 9h30
Commission de la défense nationale et des forces armées

Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée auprès de la ministre des armées, chargée de la Mémoire et des Anciens combattants :

Cette audition va effectivement nous permettre d'élargir les sujets liés au monde combattant et à la mémoire, que j'accompagne bien entendu avec beaucoup d'attention, et d'évoquer les autres politiques du ministère qui, si elles passent parfois sous les radars, sont très structurantes. Elles ont toutes un fil conducteur : le lien armée-Nation au sens large.

Le lien armée-jeunesse n'est pas récent, mais s'il a évolué au cours du temps, et notamment depuis la suspension du service national obligatoire (SNO) par le président Jacques Chirac, il constitue un nœud fort et naturel : nos armées sont jeunes, elles ont besoin de s'intéresser à la jeunesse et de lui transmettre les valeurs de notre ministère.

Les politiques en faveur de la jeunesse n'ont de sens que si elles sont adaptées aux attentes des jeunes générations, aux évolutions de la société et, bien sûr, aux besoins importants de recrutement – 27 000 jeunes par an – de nos armées.

Le plan Ambition armées-jeunesse 2022, qui apporte une réponse à ces évolutions, est un message de confiance adressé à une jeunesse qui souffre particulièrement du contexte sanitaire : notre ministère lui portait, lui porte et continuera de lui porter une grande attention.

Les objectifs phare de cette politique jeunesse sont tout d'abord le recrutement de jeunes femmes et de jeunes hommes afin de faire connaître nos armées ainsi que les possibilités d'évolution qu'elles offrent, de susciter des vocations et, potentiellement, un engagement.

Le deuxième objectif tient au rayonnement de notre ministère et à la consolidation du lien entre les armées et la Nation : c'est là l'occasion de transmettre la culture de défense et de résilience et de renforcer notre cohésion nationale autour des valeurs fortes portées par les armées et autour des principes républicains.

Particulièrement active, la politique jeunesse du ministère est moteur dans le domaine de l'égalité des chances et de la citoyenneté. Elle participe à l'apprentissage des jeunes, favorise le développement personnel, l'engagement de la jeunesse et l'insertion professionnelle. Chaque année, environ un million de jeunes âgés de 13 à 25 ans bénéficient de nos dispositifs et de nos partenariats avec l'éducation nationale. La Journée défense et citoyenneté (JDC), rencontre annuelle privilégiée et obligée entre les armées et la quasi-totalité d'une classe d'âge, constitue la clé de voûte de cette rencontre avec la jeunesse.

Nous proposons en outre chaque année plus de 10 000 offres de stage, de la troisième au bac + sept, et près de 2 000 offres d'apprentissage, nombre ayant évolué eu égard à la volonté de développer fortement l'apprentissage auprès de la jeunesse.

Alors que le champ des possibles est encore vaste, il était temps de nous renouveler, de nous perfectionner et surtout de clarifier notre offre auprès de la jeunesse. Quelques faiblesses, un défaut de lisibilité des actions et une disparité du dynamisme selon les territoires ont en effet été relevés. Il est également apparu que la cohérence des dispositifs devait être renforcée.

Donc oui, notre politique doit s'adapter aux jeunes, s'inscrire dans le plan gouvernemental « 1jeune1solution » et intégrer l'arrivée et la montée en puissance du service national universel (SNU) dont le parcours modifie l'équilibre général de notre politique jeunesse. En effet, entre la JDC et le SNU, les âges de contact ne sont pas les mêmes. Les armées apportent dans le cadre de ce projet phare qu'est le SNU une contribution, appelée à se développer au fur et à mesure de sa montée en puissance, tant en formation qu'en moyens humains et techniques.

L'adaptation de ces transformations est l'ambition du plan Ambition armées- jeunesse 2022 qui mettra désormais en cohérence et valorisera l'important travail effectué par les armées en direction de la jeunesse. Il comporte quatre phases distinctes qui rythmeront désormais la scolarité et le parcours des jeunes de l'âge de 13 ans jusqu'à, potentiellement, celui de leur engagement, voire au-delà.

La phase initiale, tout d'abord, propose aux jeunes collégiens, à partir de 13 ans, en complément de l'enseignement de défense, un ensemble de dispositifs existants que nous voulons renforcer et mieux articuler. Les objectifs sont d'éveiller à l'esprit de défense et d'accompagner les actions conduites dans le cadre scolaire et périscolaire.

Cette phase conforte le soutien de l'enseignement de défense par notre direction des patrimoines, de la mémoire et des archives (DPMA), qui travaille en coopération étroite avec l'éducation nationale ainsi que par les dispositifs existants : stages de découverte de troisième, cordées de la réussite, rallyes citoyens, cadets de la défense, classes défense et sécurité globales (CDSG) dans les collèges et lycées. Ce sont surtout sur ces dernières que nous porterons un effort quantitatif avec l'objectif de doubler leur nombre, afin de mailler tout le territoire : j'y tiens particulièrement, tout comme Sarah El Haïry, secrétaire d'État auprès du ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports Jean-Michel Blanquer, chargée de la jeunesse et de l'engagement.

La phase 1 est, elle, marquée par le SNU et par la nouvelle Journée défense et mémoire (JDM) que nous avons préparée et incluse dans ce service. Effectuée lors du stage de cohésion, autour de 16 ans, cette dernière est amenée à remplacer à terme la Journée défense et citoyenneté (JDC), qui est aujourd'hui suivie vers l'âge de 17 ou de 18 ans, au moment où les jeunes sont en terminale.

La JDM permet, comme le fait la JDC, mais à un âge plus précoce, de sensibiliser à l'engagement ainsi qu'aux opportunités offertes par les armées. Il est donc primordial pour le ministère des armées de profiter de ce temps pour faire connaître, pour susciter la curiosité et pour identifier les jeunes citoyens les plus intéressés par les armées et par l'engagement militaire. Il nous faudra ensuite garder le lien avec eux.

La phase 2 du plan Ambition armées-jeunesse 2022 est essentiellement constituée par la réalisation par les jeunes volontaires, avant l'âge de 18 ans, d'une mission d'intérêt général intégrée au SNU et pouvant être effectuée au sein de nos armées ou au niveau départemental. Cette phase est essentielle, car il s'agit pour le ministère de convaincre le jeune d'envisager un engagement et de l'inscrire déjà au sein de l'institution. Nous proposons de nombreuses missions de ce type avec un format exigeant, en lien, également, dans certaines unités, avec la préparation militaire (PM).

La phase 3, à partir de 18 ans, est celle de l'engagement, qui peut être un engagement volontaire dans l'armée d'active, dans la réserve opérationnelle ou dans d'autres dispositifs existants, l'enjeu étant la fidélisation et l'attractivité des 27 000 postes proposés par les armées.

Le service civique, dispositif national dans lequel nous nous inscrivons et qui offre dès cette année 240 000 places grâce au plan « 1jeune1solution », pourra représenter une nouvelle opportunité pour attirer des jeunes au sein de notre ministère, charge à lui de travailler afin de développer des missions potentiellement intéressantes et attractives pour des jeunes souhaitant accomplir un tel service.

Après 18 ans, nous pouvons compter sur le service militaire volontaire (SMV) en métropole et le service militaire adapté en outre-mer, dont les missions d'insertion professionnelle sont pérennisées. Avec Florence Parly, nous avions déjà indiqué notre volonté de renforcer ces dispositifs qui ont fait la preuve de leur efficacité. Concernant le SMV, l'effectif actuel de 1 200 jeunes volontaires par an passera à 1 500 en 2022.

Le plan Ambition armées-jeunesse 2022 se caractérise par la mise en place d'un suivi individuel des jeunes ayant marqué leur intérêt pour la communauté de défense tout au long de leur parcours. J'y suis particulièrement attachée car il s'agit de l'une des clés de sa réussite. L'instauration de ce véritable parcours de découverte de l'environnement et de la communauté militaires, de nos armées et de nos valeurs, représente pour le ministère, et notamment pour la direction du service national et de la jeunesse (DSNJ), dont je salue le travail important, une opportunité stratégique.

Je n'oublie pas, en parallèle, nos six lycées de la défense, qui scolarisent près de 4 400 élèves et qui participent à notre politique nationale d'égalité des chances en accueillant près de 15 % d'élèves boursiers. Ils contribuent à l'aide apportée aux familles de militaires dans le cadre du plan famille 2018-2022. Le plan lycées vise d'ailleurs à pérenniser et à moderniser les infrastructures de ces établissements scolaires : il déploie plus de 100 millions d'euros sur la durée de la loi de programmation militaire. Il permet également de développer une offre d'enseignement, ce qui constitue une priorité, et, notamment dans certains établissements, une offre très spécifique utile à nos armées.

Ce plan s'accompagne d'une réflexion, qui me tient particulièrement à cœur, sur l'ancrage territorial de notre politique jeunesse, qui passe par le renforcement de moyens humains et financiers mieux identifiés et innovants.

Parallèlement, le ministère travaillera à maintenir plus durablement le contact avec les jeunes et à moderniser son image auprès d'eux – quoique je ne sois pas certaine qu'elle soit vieillotte et obsolète. Nous avons besoin de faire comprendre à tous que nos armées sont dans la modernité et dans le déploiement de technologies de pointe, le tout au service de la défense du pays, ce qui peut et doit être particulièrement attractif.

L'ambition est donc de créer un véritable parcours bien identifié pour la jeunesse, passant par différentes tranches d'âge – de 13 à 16 ans, de 16 à 18 ans, puis au-delà – et offrant à chacun une attention individualisée afin que nos armées soient attractives. Cela vient en complément du travail que nous menons pour la citoyenneté et pour la lutte contre les inégalités, ce qui fait des armées un partenaire essentiel dans la politique menée dans ces domaines par d'autres ministères.

Une autre politique importante s'agissant du lien armée-Nation est celle que nous menons en matière culturelle. Elle passe parfois sous les radars alors qu'elle est essentielle, le ministère étant le deuxième acteur culturel de l'État et se trouvant à la tête d'un important patrimoine, de nombreux musées et établissements culturels dans les territoires.

Notre politique culturelle compte quatre axes de travail : la préparation de nos musées pour demain, la modernisation des archives, la valorisation de notre patrimoine et la structuration de notre cadre d'information culturelle.

Nous investissons massivement pour la rénovation de nos musées nationaux. Ainsi, le musée de l'air et de l'espace du Bourget, qui a ouvert sa grande galerie au mois de décembre 2019, est désormais doté d'un nouveau projet scientifique et culturel. Il poursuivra les investissements nécessaires afin de continuer d'incarner l'histoire de notre armée de l'air et du spatial français. Il bénéficiera en outre de projets d'infrastructures et d'accessibilité – sa proximité avec une nouvelle ligne de métro lui donnera une attractivité nouvelle.

Le musée national de la marine, dont l'achèvement des travaux a été décalé en raison de la crise sanitaire, sera magnifique et jouera le rôle de tête de pont des musées parisiens.

Quant au musée de l'armée, il prépare également sa mue au sein de l'hôtel des Invalides, une équipe de maîtrise d'œuvre devant être prochainement recrutée pour la réalisation d'études relatives à la première tranche de l'extension.

Nos trois musées nationaux sont donc en pleine évolution, ce qui est une bonne chose. Nous prêterons une attention particulière à leur situation, car la crise sanitaire y entraîne, comme dans tous les musées de France, des pertes d'exploitation.

Nous travaillons par ailleurs à la rationalisation de la conservation des archives au service historique de la Défense (SHD) – dont la mobilisation des équipes en vue d'accélérer les procédures de déclassification a été particulièrement importante – ainsi qu'à la facilitation de leur consultation. Nous concilions ainsi le libre accès aux archives et la protection nécessaire à la défense de la Nation et des personnes.

La décision du Président de la République d'étendre jusqu'à l'année 1970 incluse la procédure plus rapide de déclassification, selon le procédé dit « de démarquage au carton », marque notre forte volonté en la matière.

Nos archives, qui sont un trésor national, s'adaptent et évoluent : un vrai plan de structuration, de conservation et d'accès est ainsi actuellement mis en place. Il est important de les mettre à la disposition de la communauté scientifique et des historiens qui font un travail remarquable dans notre pays. Il convient également de mesurer combien certaines d'entre elles, classées secret-défense, participent à la sécurité de notre pays. Nous avons donc besoin de trouver un équilibre entre l'un et l'autre.

Dernier sujet à propos du lien armée-Nation : l'ambition environnementale du Gouvernement, qui est mal connue et que j'essaie de porter avec force puisque Florence Parly m'a demandé de travailler sur tous ces sujets – et notamment sur le schéma « développement durable » du ministère des armées.

Bien sûr, nos activités ont des incidences sur les milieux, et notre empreinte environnementale est importante. Ayant une responsabilité particulière en la matière, nous avons pris à bras-le-corps les impératifs environnementaux ainsi que le défi de la transition écologique.

Depuis quatre ans, le développement durable fait l'objet d'un de nos seize chantiers de transformation : le numéro 16. Notre ambition environnementale se conjugue évidemment avec nos exigences opérationnelles, car notre première mission demeure la défense du pays.

Néanmoins, nous travaillons sur la performance énergétique : la stratégie ministérielle de performance énergétique a ainsi été signée l'an dernier. Elle comportait deux engagements forts : poursuivre la baisse des consommations et développer le recours aux énergies renouvelables. Les exemples en la matière sont nombreux : plans de mobilité durable dans nos emprises, verdissement de notre parc automobile, contrats de performance énergétique, rénovation exemplaire de nos bâtiments, développement de l'énergie solaire.

Nous œuvrons également dans le domaine des achats pour lesquels nous recherchons constamment des circuits courts et la prise en compte des critères environnementaux.

À titre d'exemple, six contrats de performance énergétique sont déjà actifs sur nos emprises. D'ici à 2025, douze nouveaux contrats devraient être conclus pour un investissement cumulé de 250 millions d'euros.

Dans le cadre du plan Place au soleil, le ministère des armées s'est engagé à mettre, d'ici à 2025, 2 000 hectares de terrain à la disposition des porteurs de projets afin qu'ils y installent des fermes photovoltaïques. À ce jour, les sites adaptés que nous avons identifiés représentent une superficie de près de 1 300 hectares ; un tiers d'entre eux a déjà fait l'objet de dispositifs de contractualisation via des cessions ou des mises à disposition domaniales. Les premières installations physiques seront effectives d'ici à la fin de l'année.

Par ailleurs, nous menons un travail important de préservation de la biodiversité sur nos emprises. D'une superficie totale de 270 000 hectares, celles-ci sont souvent libres de toute culture ; la terre n'y a reçu aucun intrant, de sorte qu'elles constituent des espaces de biodiversité absolument exceptionnels. Nous avons signé des conventions nationales avec de nombreuses associations reconnues pour leurs compétences, afin de mieux connaître, mieux protéger et mieux prendre en compte la faune et la flore de ces espaces tout en protégeant, bien entendu, notre activité opérationnelle. Ces deux exigences ne sont absolument pas incompatibles, comme en témoignent les conservatoires d'espaces naturels avec lesquels nous avons conclu des conventions, qui sont particulièrement heureux du dynamisme de notre politique en la matière. Nous avons également scellé un partenariat scientifique avec le Muséum national d'histoire naturelle, et nous sommes engagés dans le programme européen « L'instrument financier pour l'environnement » (LIFE), dans le cadre duquel nous menons des actions concrètes.

En conclusion, nos armées sont au cœur des enjeux de la société, qu'il s'agisse des défis environnementaux, que nous contribuons à relever, de la jeunesse, que nous souhaitons accompagner grâce à des engagements forts, ou de la culture, qui est un pan essentiel de la politique des pays démocratiques. Le lien armées-Nation, dans ses différentes dimensions – je pense en particulier au monde combattant et à la mémoire –, fait la richesse de notre ministère et inscrit nos armées dans le paysage national comme une entité forte et solide, soucieuse de transmettre, aider et soutenir.

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