Intervention de Geneviève Darrieussecq

Réunion du mercredi 24 mars 2021 à 9h30
Commission de la défense nationale et des forces armées

Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée :

Madame Roques-Etienne, je veux tout d'abord vous remercier sincèrement pour votre participation très active et attentive à la commission tripartite sur le point de PMI. Je ne peux que regretter que, contrairement à ce qui était prévu, aucun sénateur n'ait participé à cette commission ; j'aurais souhaité que le Sénat y soit représenté, aux côtés des députés, des représentants d'associations du monde combattant ainsi que du ministère des armées et de celui des comptes publics. Je tiens à remercier également, bien entendu, le président de cette commission, Jean-Paul Bodin, pour l'important travail d'animation et de rédaction qu'il a accompli. J'ai moi aussi une pensée pour Alain Clerc, qui s'est éteint de façon très brutale il y a quelques jours, ainsi que pour sa famille et pour la fédération nationale André Maginot, dont il était un des membres importants et qui réclamait de longue date l'installation de cette commission.

Celle-ci m'a remis son rapport il y a quelques jours. Vous l'avez compris, la question est très technique, voire très aride. En 2005, les représentants de l'Assemblée nationale, du Sénat et des associations se sont accordés pour indexer l'évolution du point de PMI sur celle du point d'indice de la fonction publique. Depuis plusieurs années, les associations, estiment que l'évolution de ce point d'indice ne suit pas, pour le dire simplement, celle des prix, de sorte que le point de PMI décroche par rapport au coût de la vie. Elles réclamaient donc la création d'une commission tripartite, que j'ai installée, comme je m'y étais engagée. Je suis très heureuse que cette commission ait pu travailler et rendre ses conclusions, qui nous offrent une base de travail pour la suite.

Je remercie tous ceux qui ont participé à ses travaux, et notamment Jean-Paul Bodin pour ce rapport important. Maintenant que les données ont été objectivées et que nous disposons de préconisations, reste à définir l'évolution. Le coût de la vie a effectivement augmenté un peu plus rapidement que le point d'indice de la pension militaire d'invalidité (PMI) – qui progresse tous les ans, mais parfois de façon insuffisante. Les évolutions passées apparaissent donc légèrement en dents de scie.

Je souhaite présenter aux associations ce rapport. Ensuite, nous intégrerons les décisions dans les discussions budgétaires à venir, pour 2022. Il va falloir trouver un équilibre entre le contexte budgétaire – que nous connaissons – et le besoin de réparation et de reconnaissance, mais aussi évaluer la nécessité d'un « rattrapage », même si je n'aime pas le mot. Telle est mon ambition. La PMI est avant tout une réparation pour les blessés, alors que, pour la retraite du combattant, il s'agit plus de reconnaissance. L'évolution a aussi un effet sur le seuil de la rente mutualiste, qui concerne les militaires.

Enfin, il est essentiel pour l'avenir de prévoir une clause de revoyure avec un groupe de travail – une commission tripartite s'il le faut – tous les deux ans, afin que la situation que nous vivons actuellement ne se reproduise plus et que le point d'indice évolue en toute transparence et objectivité par rapport au coût de la vie.

Monsieur Delatte, le rapport préconise que le point d'indice PMI continue à être indexé sur le même indice de la fonction publique. Nous poursuivons notre réflexion sur cette base, avec les associations et la représentation nationale et cela fera partie de la discussion budgétaire pour 2022. Je vous remercie tous pour l'attention que vous portez à ce sujet.

Madame Poueyto, vous le savez, le service militaire adapté (SMA) est porté par le ministère des outre-mer, mais la participation de nos militaires est essentielle. En métropole, sur ce modèle, nous avons développé le SMV depuis 2015. Il s'agissait initialement d'intégrer 1 000 jeunes par an dans nos six centres. Nous souhaitons passer à 1 500 en 2022, dans un objectif d'insertion. Nous prenons notre part dans cet enjeu national. Bien sûr, les armées ne peuvent – et ne veulent – pas prendre en charge tous les dispositifs d'insertion mais celui-ci est particulièrement pertinent puisque 70 à 75 % des jeunes concernés s'insèrent dans le monde du travail, ce qui est exceptionnel.

En 2020, nos objectifs ont été contrariés par la crise sanitaire : nous avons dû interrompre les formations au moment du premier confinement, entre le 14 mars et le 12 mai, et avons décalé les incorporations de 335 jeunes, prévues entre mars et juin. Néanmoins, les recrutements ont concerné 1 091 volontaires – 933 jeunes, en complément des volontaires encadrants. Cela rattrape donc en partie la dette organique liée au covid. Je salue le travail des centres de SMV.

Nous visons 1 200 volontaires stagiaires et 160 volontaires experts en 2021 – ceux-ci sont des volontaires amenés à encadrer les stagiaires –, et 1 500 en 2022. Nous sommes investis et le resterons. Nous travaillons désormais avec des fonds européens et des soutiens régionaux, dans presque toutes les régions – une seule manque à l'appel –, en collaboration avec tous les organismes de formation et les acteurs économiques des territoires, très satisfaits du SMV et qui accueillent volontiers nos jeunes dans leurs entreprises. En effet, notre plus-value, très importante pour les entreprises, c'est le travail que nous effectuons sur le savoir-être.

Monsieur Gassilloud, vous m'interrogez sur les correspondants défense. Ils sont particulièrement importants et il appartient à chaque commune de les désigner. J'ai été maire et je me suis beaucoup déplacée depuis quatre ans. Reconnaissons-le, certaines communes ont plus d'appétence que d'autres pour ces sujets. Dans certaines, le correspondant défense est l'élu en charge des commémorations ; d'autres sont beaucoup plus engagées, notamment lorsque d'anciens militaires font partie des équipes municipales. Ils sont alors le relais intéressant, et indispensable, de la politique mémorielle territoriale et de la dynamique des associations. Leur travail est important.

Bien sûr, les délégués militaires départementaux jouent un rôle majeur pour créer et animer les réseaux de correspondants défense, et ils le font. Nous devons peut-être amplifier le mouvement, mais aussi encourager les maires des villes moyennes, qui maillent nos territoires et sont les piliers de la République, à désigner des correspondants défense actifs – c'est peut-être plus difficile dans un village de 500 habitants. Si c'est nécessaire, je travaillerai avec l'Association des maires de France (AMF) pour assurer la promotion des correspondants défense et rappeler leur rôle important auprès de la population, et plus spécifiquement auprès de la jeunesse, pour organiser les cérémonies et les événements mémoriels spécifiques au territoire, mais aussi dialoguer avec les associations du monde combattant et avec les unités militaires présentes dans les territoires. Un guide est en cours de rédaction, à leur attention, que nous transmettrons par l'intermédiaire de toutes les associations d'élus des communes françaises. Vous avez raison, il est important qu'ils participent aux réflexions sur le SNU, et ils participeront, à leur niveau, et selon leur volonté. Je l'appelle de mes vœux.

Monsieur Favennec-Bécot, je vous remercie pour votre implication avec le député Ardouin dans la mission flash sur le monde associatif combattant. Avec pertinence, vous pointez du doigt des sujets importants et le risque progressif de disparition de nombreuses associations du monde combattant. Vous portez l'attention sur le grand nombre de commémorations – doit-on toutes les maintenir ou mieux les faire vivre ? Vous évoquez aussi les nouveaux futurs anciens combattants – les jeunes en opérations extérieures – qui formeront le gros des troupes du monde combattant dans une dizaine ou une quinzaine d'années.

Vous le savez, je travaille en lien étroit avec le monde combattant et les associations nationales, qui sont conscientes de ces sujets – nous avons d'ailleurs mis en place des groupes de travail. Mais il faut respecter le temps et la volonté du monde associatif. Nous ne pouvons pas leur imposer des décisions. D'ailleurs, ce serait impossible – le monde associatif est libre. Nous devons nous appuyer sur eux, au niveau national mais également départemental, car les associations présentes dans chaque département sont souvent moins conscientes de ces difficultés que leurs représentants nationaux, qui disposent d'une vision plus globale. Il faut faire plus pour sensibiliser les associations à ces évolutions inéluctables du monde combattant.

Bien sûr, l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONACVG) est notre partenaire privilégié dans chaque département – notre bras armé si je puis m'exprimer ainsi. Il travaille auprès des associations locales ou départementales afin de les coordonner et d'organiser des moments mémoriels ou des cérémonies avec elles. Il faut saluer son travail, particulièrement important.

J'ai demandé à l'ONACVG de réfléchir à vos propositions et de m'en faire. En outre, les directeurs départementaux de l'Office pourront probablement mener une réflexion intéressante sur cette base.

Monsieur Chassaigne, le rapport Stora est assez complet, à la fois mesuré et exigeant. Le Président de la République l'a affirmé et le rapport repris : pas de repentance, mais des actes symboliques. C'est l'objectif que nous devons nous fixer et celui que je défends depuis quatre ans que je suis en charge de la mémoire au ministère des armées. À mon arrivée, j'ai immédiatement senti quels étaient les sujets mémoriels liés à la guerre d'Algérie, combien les mémoires étaient fracturées, diverses, quelquefois antagonistes, sur cette période complexe de notre histoire.

Immédiatement, j'ai souhaité porter une politique de reconnaissance et d'écoute particulière de chaque mémoire, car chacune est légitime et chacune doit se respecter. Nous devons converger vers l'apaisement, sans vouloir en faire une seule mémoire – ce serait impossible, du moins dans les années qui viennent.

En France, l'ONACVG développe des actions particulièrement intéressantes en direction de la jeunesse, en faisant témoigner simultanément dans une même classe différents témoins de cette période : anciens combattants de la guerre d'Algérie, anciens du Front de libération nationale (FLN), anciens rapatriés. Ainsi, toutes ces mémoires parlent en même temps, dans un même établissement scolaire, devant des jeunes. Nous essayons d'ailleurs d'enregistrer ou de filmer leurs témoignages car nos anciens sont de plus en plus anciens et nous souhaitons que le récit de leur expérience puisse servir sur le long terme. Cela peut paraître symbolique, mais illustre l'objectif que nous nous sommes fixés, et que s'est fixé le Président de la République.

Le travail mémoriel doit être utile à la France et à l'Algérie pour avancer, sous réserve de la volonté des Algériens d'avancer avec nous. C'est absolument indispensable afin qu'il ne s'agisse pas d'une démarche unilatérale de la France. La proposition d'une commission « Mémoire et vérité » est intéressante pour décliner progressivement différents projets et aborder toutes les mémoires de ce conflit.

Vous avez également évoqué le fonds d'archives commun aux deux pays. Nos archives sont ouvertes, notamment celles de notre ministère. Le Président de la République a affirmé sa volonté d'étendre la déclassification au carton jusqu'à 1970 inclus, ce qui comprend toute la période de la guerre d'Algérie. Mais il existe beaucoup d'autres archives concernant la guerre d'Algérie en France. Ce fonds commun est souhaitable, mais il faut que nous avancions des deux côtés de la Méditerranée.

Les actes symboliques sont également importants : la reconnaissance de l'assassinat d'Ali Boumendjel est un acte présidentiel fort et le Président de la République poursuivra dans cette voie. Les journées commémoratives se succèdent : 19 mars, 25 septembre pour les harkis. Le sujet est difficile, délicat, mais nécessaire. Nous avançons vers le soixantième anniversaire de la fin officielle de la guerre d'Algérie – qui n'a pas marqué la fin des malheurs… Nous serons au rendez-vous, mais de façon apaisée et constructive.

Monsieur Lassalle, vous m'interrogez sur la jeunesse et les cérémonies. Vous avez raison, le service national universel est une réponse. Pour autant, vous avez évoqué dix mois au service de la France. Nous n'allons pas recréer un service militaire pour nos jeunes. J'entends que certains le souhaiteraient, mais c'est impossible – l'armée est désormais professionnelle. Elle est jeune et les recrutements sont permanents, compte tenu de l'évolution des conflits, des matériels et des technologies militaires. Nous avons résolument besoin d'une armée professionnelle, régulièrement formée.

L'engagement de la jeunesse au service de la France pour une période plus longue, c'est ce que propose le service civique, engagement volontaire, soutenu et piloté par Sarah El Haïry et le ministère de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports.

Dans son format actuel – deux semaines de séjour de cohésion et un certain nombre d'heures de mission d'intérêt général, le service national universel vise aussi à stimuler l'engagement des jeunes au service de la France, dans les armées, mais également au sein de la société française, avec le soutien des collectivités et des associations. Nous travaillons sur le champ des possibles, et il est vaste !

À terme, chaque année, l'ensemble d'une classe d'âge, soit 750 000 jeunes par an, participera au séjour de cohésion de deux semaines, dans un esprit de cohésion nationale et sociale et de meilleure connaissance de l'autre. Nous les ferons aussi réfléchir aux valeurs de la République et leur présenterons nos armées au cours de la journée Défense et Mémoire.

Le rôle des collectivités est important : je lance un appel aux maires pour déployer tous ces dispositifs en direction de la jeunesse. On dit qu'elle souffre ; je crois qu'elle est formidable, qu'on a besoin d'elle, qu'elle est optimiste et qu'elle s'engage. À nous de lui donner les possibilités de s'engager. C'est ce que nous ferons avec le service national universel et ce que nous faisons déjà avec le service civique.

Vous avez raison, les cérémonies mémorielles doivent davantage impliquer la jeunesse. En raison du contexte sanitaire, elles ont été organisées dans un format dégradé, mais des jours meilleurs arrivent et elles pourront être plus largement fréquentées. Je souhaite que la jeunesse y soit associée plus activement. Nous allons y travailler avec l'éducation nationale, en lien avec les directeurs départementaux de l'ONACVG. Il faut se retrouver autour de notre drapeau et autour du souvenir de ceux qui ont fait de la France un pays libre, républicain et démocratique.

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