Je vous remercie pour l'attention que vous portez à nos armées et aux actions de ce beau ministère régalien.
Il convient de concilier la liberté d'accès aux archives et la juste protection des intérêts supérieurs de la nation à travers la préservation du secret de la défense nationale. L'application de la disposition prise en 2019 a en effet compliqué le travail des historiens. Nous avons donc recruté une trentaine de personnels pour déclassifier le plus rapidement possible « au carton » jusqu'à l'année 1970 incluse, conformément à la volonté du Président de la République.
Le code du patrimoine et le Code pénal doivent être harmonisés afin de mettre un terme à ce que les historiens et les chercheurs vivent comme une entrave. Tous les ministères concernés ont été invités à travailler en ce sens jusqu'à l'été 2021, où des conclusions doivent être rendues. Elles pourraient être intégrées dans notre droit à travers la loi visant à pérenniser les mesures prévues dans la loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme (SILT). Comme les autres ministères concernés, le ministère des armées est très mobilisé.
Les conditions d'accès au titre de reconnaissance de la Nation sont formelles – au titre de la loi du 21 décembre 1967, il faut quatre-vingt-dix jours de présence dans un conflit – et les demandes reconventionnelles sont nombreuses : réservistes participant à des opérations intérieures, sapeurs-pompiers militaires, marins embarqués dans les sous-marins nucléaires lanceurs d'engins (SNLE), gendarmes. Je vous répondrai précisément à propos des 426 personnes de la mission militaire française de liaison, Madame Trastour-Isnart, mais il convient à mes yeux de maintenir ces dispositions en l'état et de les réserver aux combattants car cela a du sens pour nos armées d'active et le commandement.
L'ONACVG prend en charge les jeunes enfants de tous les « Morts pour la France », de tous nos soldats tombés au combat. Ont été rajoutés à ces pupilles de la Nation les enfants de personnes victimes d'attentats et la question se pose en effet de l'ajout d'autres catégories, dont les enfants de personnes ayant participé à un effort national important. Nous y travaillons, sous l'égide du Premier ministre, avec tous les autres ministères, dont ceux de la santé et de l'intérieur. Cette réflexion devrait aboutir très prochainement, peut-être à travers la création d'une nouvelle mention.
Le législateur a instauré dans le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre le régime dit des soins gratuits, auquel nous tenons. Près de 21 millions lui ont été consacrés dans le PLF en cours. Je précise que ce régime s'applique exclusivement aux accidents et complications résultant de la blessure ou de la maladie qui donnent droit à la pension militaire d'invalidité. Ce n'est que dans ce cadre strict que les invalides de guerre sont exonérés du forfait journalier ou du ticket modérateur. Pour les autres soins, en cas de passage aux urgences, ils ne sont pas couverts au titre du CPMIVG et peuvent avoir à s'acquitter d'un ticket modérateur, comme tous les Français, dont le montant est proportionnel au tarif des soins, ce qui peut engendrer des restes à charge élevés pour les patients ne bénéficiant pas de complémentaire santé. Les invalides de guerre tendant à vieillir et à développer des pathologies liées au vieillissement et non à leurs blessures sont de façon plus générale encouragés à prendre une complémentaire santé. Le PLFSS pour 2021 prévoit que le forfait patient urgences s'élève à 18 euros pour tous les Français et, pour les titulaires de PMI, à 8 euros. Ce forfait, de plus, sera obligatoirement couvert par les complémentaires santé. La situation n'est donc pas franchement défavorable pour les titulaires de PMI et la singularité de leur situation a été prise en compte.
Le lien est toujours très fort entre les commandants des emprises militaires et les responsables des collectivités locales. Partout, les élus locaux ont conscience de l'importance qu'elles revêtent : ces hommes et ces femmes vivent au pays, fondent des familles, les entreprises bénéficient des marchés publics et les territoires profitent des investissements prévus par la loi de programmation militaire. Le lien, à la fois humain, mémoriel et économique, favorise les dynamiques territoriales.
Il va de soi que nous tenons informées les collectivités de nos politiques mais, également, que des conventions peuvent être passées avec elles. Des communes peuvent ainsi utiliser nos emprises comme « compensations écologiques » lorsqu'elles souhaitent, par exemple, développer du photovoltaïque. Cela aussi, c'est le lien armées-Nation !
Il convient de donner l'envie aux femmes de rejoindre nos armées, d'y rester et d'y faire carrière. Les premiers résultats sont encourageants. De plus en plus de Français jugent que, dans les armées, les femmes sont beaucoup plus considérées à l'égal des hommes que dans d'autres secteurs de la société ; 81 % des personnels militaires ou civils du ministère des armées jugent que ce dernier favorise l'égalité entre les femmes et les hommes. En deux ans, les effectifs des femmes ont augmenté dans nos armées de près de 5 %. La situation ne stagne donc pas. Aujourd'hui, les femmes représentent 16,1 % des effectifs militaires contre 15,8 % en 2018, le taux de féminisation global des armées ne pouvant bien sûr varier qu'en fonction des entrées et des sorties au sein de l'institution. Enfin, près de 25 % des sous-officiers recrutés en 2020 sont des femmes, contre 22 % en 2018.
Nous avons également assoupli les parcours professionnels pour permettre à chacune de mieux concilier les projets de maternité avec ces grandes étapes de la vie professionnelle d'un militaire que sont les examens et les concours. Florence Parly et moi-même sommes très attentives à poursuivre notre action en ce sens.
Enfin, les référents « mixité-égalité » – on en compte actuellement 900 – ont été généralisés.
Je crois pouvoir dire que nos armées sont assez exemplaires en la matière et que nous avons mis en œuvre ce que nous avions décidé. J'ajoute que nous travaillons avec tous les états-majors pour que tous les métiers soient attractifs pour les femmes mais il conviendra, bien en amont, de faire en sorte que celles-ci s'intéressent aux professions technologiques et à l'ingénierie, ce qui facilitera d'ailleurs leur intégration au sein de nos armées, qui offrent des emplois très qualifiés.
La politique de vaccination s'inscrit pour nous dans la lignée de l'opération Résilience engagée l'année dernière, avec un soutien médical et logistique. Depuis le mois de décembre, nous avons ainsi envoyé des « super congélateurs » et un grand nombre de vaccins notamment aux Antilles, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie, à Mayotte et, le 20 mars, à Saint-Pierre-et-Miquelon.
Nous nous mobilisons également pour vacciner nos personnels et nous associer aux efforts de la santé publique. Nos hôpitaux militaires sont pleinement engagés, avec plusieurs centres de vaccination, y compris en soutien de la médecine de ville. Nous ferons tout ce que nous pourrons et nous pourrons intervenir dans le domaine logistique, dans le cadre d'éventuelles installations de « super » centres de vaccination. Les armées, une fois encore, seront au rendez-vous.
Madame Bureau-Bonnard, le livret sur les combattants africains, dont nous avons pris l'initiative dès la fin 2019, a été mis à la disposition de tous les maires. Le ministère de Mme Nadia Hai a porté, quant à lui, le projet de noms complémentaires, dans des domaines en grande partie différents de celui de la mémoire combattante. Nous travaillons à présent à un livret comportant des biographies de soldats de tous nos territoires et départements d'outre-mer, qui ont été très nombreux à prendre part, de façon importante et courageuse, à tous les conflits. Nous sommes en train de le finaliser avec le ministère des outre-mer.
Il serait peut-être intéressant, à l'avenir, de décliner des petits livrets à l'échelle départementale ou régionale consacrés à des combattants, originaires de ces territoires, afin de donner du sens, localement, à l'engagement et de soutenir des maires qui souhaiteraient attribuer leur nom à des lieux de leur commune.
Monsieur Larsonneur, nous travaillons sur notre immense parc immobilier qui compte 55 000 bâtiments sur tout le territoire. Les enjeux sont énormes, qu'il s'agisse de rénovation, de construction, notamment de logements ou de bâtiments techniques indispensables au nouveau système d'armes qui arrive dans nos unités. Ils correspondent à des investissements considérables inscrits dans la loi de programmation militaire. Les crédits doivent être consommés et les réalisations menées à bien. Nous devons être au rendez-vous de ces transformations progressives, même si la LPM ne suffira pas à elle seule à régler tous les problèmes. En tout cas, la dynamique est enclenchée : cela est reconnu dans toutes les unités dans lesquelles je me rends.
S'agissant de l'idée de peindre en blanc le toit des bâtiments pour lutter contre la chaleur intérieure, j'ai plutôt le sentiment que les états-majors de nos armées préfèrent le camouflage des infrastructures. Trouvons donc une juste mesure.
S'agissant de la stratégie de performance énergétique, notre parc immobilier devrait atteindre la neutralité carbone en 2050, ce qui est très ambitieux compte tenu de son état, à la suite de sous-investissements chroniques. Nous avions également fixé une baisse de 40 % de la consommation d'énergie fossile en 2030, ou encore une diminution de 54 % des émissions de gaz à effet de serre à la même échéance. Atteindre ces objectifs passe par l'application des normes énergie positive et haute performance environnementale pour les constructions neuves, ainsi que par l'application des normes BBC – bâtiment basse consommation – pour les opérations de réhabilitation lourdes à usage tertiaire.
Le niveau minimum E2C1 est notamment attendu pour les constructions nouvelles de logements domaniaux prévues dans notre prochain contrat de concession.
Nous nous étions également fixés comme objectif, en termes de signature de contrats de performance énergétique (CPE), d'en signer au moins deux sur la période 2020-2025. Or il est largement atteint : six CPE étaient notifiés fin 2020, trois sont prévus en 2021, grâce d'ailleurs aux crédits du plan de relance énergétique qui nous permet d'accélérer cette politique, et six sont actuellement en cours de montage.
Il s'agit donc d'une politique très importante, puisque 280 millions d'euros seront investis dans les CPE entre 2020 et 2026 et que le plan de rénovation énergétique des bâtiments, au sein du plan de relance, dont la mise en œuvre va être très rapide, correspond à 207 millions d'euros d'investissement. Cela ira du changement de chaudière à l'accélération de la rénovation thermique de bâtiments.
Afin que chacun puisse mesurer ce que cela représente, je prendrai l'exemple de La Valbonne où un CPE a été signé en 2013 pour vingt ans, et plus de 12 millions d'euros investis : diminution de 80 % des émissions de gaz à effet de serre et augmentation de près de 60 % du recours aux énergies renouvelables, alors que les objectifs étaient respectivement de 60 % et de 40 %. En plus de l'impact positif pour l'environnement, on y constate une économie de 350 000 euros par an pour l'unité : c'est énorme. Nous devons donc poursuivre dans ce sens.
Nous innovons également avec le développement du projet ENSSURE, retenu par l'Agence européenne de défense (AED) et qui vise à rendre autonome un site militaire pour ses besoins énergétiques liés aux infrastructures.
Comme vous pouvez le constater, nous nous saisissons entièrement de ces sujets, avec les moyens qui sont les nôtres aujourd'hui et nous nous adapterons au fil de l'évolution de la recherche, pour atteindre nos objectifs.
Je remercie M. Jean-Philippe Ardouin pour sa mission flash sur le monde associatif combattant.
Nous avons onze commémorations nationales de conflits, mais certains d'entre eux ont deux, trois ou quatre dates, et d'autres se sont ajoutées. C'est un nombre important. J'en discute avec les associations – j'ai d'ailleurs créé un groupe de travail sur cet enjeu. Certaines sont très réticentes. Or nous ne sommes pas là pour créer des sujets de crispation autour de la mémoire combattante : cela revient à respecter les anciens combattants qui sont là avec nous.
Nous évoluons sur les dates des commémorations, leur nombre et leur signification. Il est vrai qu'un conflit commémoré au travers de trois ou quatre dates peut donner l'impression de diluer les transmissions, alors que les mémoires sont très précises. Nous avons encore besoin de conserver ces différentes commémorations, parfois spécifiques ; les choses évolueront, de toute façon.
Commémorer autrement, oui. Ainsi, nous avons tenté, lors de la crise sanitaire, de retransmettre certaines cérémonies, ce qui a permis de toucher beaucoup plus de personnes. Nous pouvons également réaliser avec l'éducation nationale un travail mémoriel plus important en amont des commémorations. Ces différents sujets sont sur la table ; il faut continuer d'y réfléchir. Mais je veux respecter les anciens combattants, qui attendent de nous que nous reconnaissions la mémoire qu'ils ont de ces conflits, et toutes les mémoires. Regardez la guerre d'Algérie : nous sommes encore dans ces temps-là.
Madame Gipson, nous allons bien entendu continuer à travailler à l'ancrage territorial des dispositifs en faveur de la jeunesse avec les DMD, les commandants de formation administrative et les réservistes en charge de la politique jeunesse. Mon souhait, dans le cadre du plan Ambition armées-jeunesse, est que nous fassions mieux et partout. Par exemple, les classes de défense et de sécurité globale sont réparties de façon très inégale dans le pays. Certains départements, où les implantations militaires sont très importantes, en comptent très peu. Cela tient au fait que les projets sont souvent soutenus par des professeurs, des principaux de collège ou des proviseurs de lycée, parfois anciens militaires, qui s'intéressent à ces questions. Nous devons donc travailler à rattacher à des établissements scolaires des unités militaires diverses. Florence Parly a ainsi rattaché notre ministère, en particulier son cabinet militaire, à un lycée parisien. Dans les départements où n'est implantée qu'une fanfare militaire, par exemple, celle-ci doit être rattachée à un établissement scolaire afin de favoriser le maillage territorial. Je souhaite que cela soit fait de façon très volontariste.
Lorsqu'un collège ou un lycée comprend une classe de défense et de sécurité globale, l'ensemble de l'établissement en bénéficie : il suffit d'y faire entrer un drapeau associatif, par exemple, et d'expliquer les actions menées par cette classe. Cette imprégnation est importante. Le nombre de ces classes est passé de 270 à 370 ; l'objectif de le doubler est très ambitieux mais réaliste. Nous devons encourager leur développement.
Madame Mirallès, je sais, en tant que médecin, l'importance de la prise en compte à long terme des blessés psychiques. Leur maladie n'est pas linéaire ; elle évolue constamment et nécessite que nous soyons très attentifs et humbles. Nous devons utiliser tous les moyens à notre disposition pour améliorer la santé de ces femmes et de ces hommes qui ont été blessés dans leur chair et dans leur âme.
Les animaux, on le sait, peuvent jouer un rôle thérapeutique intéressant. Du reste, j'ai participé, à Fontainebleau, à l'un des stages équins qui sont organisés pour les blessés post-traumatiques. Le projet que vous avez évoqué, élaboré par la cellule d'aide aux blessés de l'armée de terre, en lien avec l'université de la Sorbonne, l'Institut de recherche biomédicale des armées (IRBA) et la Société protectrice des animaux (SPA), est intéressant et doit faire l'objet d'une expérimentation, au même titre que tous les autres projets. Si, au terme de son évaluation, cette expérimentation se révèle pertinente, nous envisagerons, sinon de la généraliser, du moins de l'étendre progressivement. Je suis favorable à ce type d'approches. Nous devons bien entendu nous prémunir contre les méthodes un peu curieuses qui n'ont pas fait leurs preuves sur un plan scientifique, mais l'apport des animaux dans le traitement de ce type de maladies est souvent très positif.
Par ailleurs, le dispositif Athos permet de proposer un accompagnement psychosocial, et non médical, à des blessés psychiques et de les aider à reprendre un peu d'assurance. Il est expérimenté dans deux maisons, à Bordeaux et à Toulon. Nous intervenons dans ce domaine de façon très volontariste, car nous ne laissons pas tomber nos blessés, physiques ou psychiques : nous les accompagnons dans la durée.
Enfin, monsieur de La Verpillière, les préparations militaires sont assimilées à la phase 2 du SNU. Il ne faut pas réinventer l'eau chaude tous les jours : le service civique, le service militaire volontaire sont des dispositifs de plus en plus robustes, que nous devons pérenniser et renforcer. Sur le plan budgétaire, le SNU relève du ministère de l'éducation nationale et non de celui des armées, dont le rôle est de participer à une journée et de recruter et former les encadrants. Il est doté d'un budget propre qui, cela ne m'a pas échappé, n'est pas intégré à la loi de programmation militaire.
Je crois avoir répondu à l'ensemble de vos questions. On s'aperçoit que les sujets abordés sont très divers et intéressants, et le lien armées-Nation très profond. Je remercie les députés en général, en particulier les membres de votre commission, qui contribuent beaucoup au maintien et au renforcement de ce lien dans les territoires par leur participation aux cérémonies, leur soutien aux associations du monde combattant, à la jeunesse et à nos armées.