Intervention de Isabelle Santiago

Réunion du mercredi 5 mai 2021 à 9h30
Commission de la défense nationale et des forces armées

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaIsabelle Santiago, co-rapporteure :

Au terme de nos travaux, il nous est apparu que la stratégie énergétique de défense présentait certes de nombreuses avancées mais également quelques limites et angles morts qui méritent d'être traités dès à présent afin de ne pas grever durablement le processus de transition énergétique des armées.

La première limite a trait à la politique d'innovation du ministère des Armées. La stratégie énergétique de défense identifie bien cet enjeu et prévoit quelques projets pour que l'innovation contribue au processus de transition énergétique des armées. Or, nous avons constaté lors de nos travaux qu'en dépit de l'identification de cet enjeu par l'Agence de l'innovation de défense dans son Document de référence de l'orientation de l'innovation de défense (DROID) et du financement de quelques projets, cette politique reste encore trop peu ambitieuse au regard des investissements colossaux qu'il conviendrait de faire pour permettre de dérisquer les énergies alternatives qui sont déjà déployées dans le secteur civil. En effet, la principale limite au développement des énergies renouvelables dans le secteur de la défense a trait aux risques qu'ils font peser, en particulier en opération extérieure. Or, le secteur civil ne s'attachera a priori pas à dérisquer ces technologies pour le secteur de la défense : seul le ministère des Armées peut le faire. Pour cela, des investissements tant financiers qu'humains importants nous semblent nécessaires afin d'être à la hauteur de l'enjeu, car, comme nous l'a dit le directeur de l'Agence de l'innovation de défense lors de son audition, son agence « ne peut pas être partout et voir toutes les innovations », en particulier eu égard au nombre important de chantiers prioritaires fixés dans le DROID. C'est pourquoi nous plaidons pour un renforcement de la politique d'innovation de l'Agence de l'innovation de défense en lui fixant des objectifs clairs en matière d'innovation dans le secteur énergétique et en renforçant ses effectifs. À ce titre, tout en ayant conscience des apports du secteur civil, le ministère des Armées se doit être un acteur qui investit le champ de la recherche pour innover et ne doit pas se contenter d'attendre que le secteur civil, certes très en avance et porteur, développe les technologies nécessaires. Nous estimons également qu'il est nécessaire d'investir dès à présent dans des programmes de recherche pour le développement d'énergies alternatives déjà opérationnelles dans le secteur civil mais ne pouvant pas encore être déclinées dans le secteur de la défense (hydrogène, gaz naturel liquéfié (GNL), électro carburants ou carburants synthétiques). Si la stratégie énergétique de défense est mise en place telle quelle, le ministère des Armées continuera de souffrir d'un retard chronique vis-à-vis du secteur civil, y compris à l'horizon 2050. Par ailleurs, la stratégie relative aux biocarburants, incorporés à hauteur de 50 % d'ici 2050, n'est pas viable à long terme car elle implique toujours une dépendance vis-à-vis des énergies fossiles, un recours à des matières premières dont l'exploitation n'est pas toujours respectueuse de l'environnement et dont le coût est encore prohibitif. L'opinion publique sera de moins en moins disposée à tolérer ces retards et le décalage entre les armées et la Nation pourrait, dans une certaine mesure, en pâtir. Or, les programmes d'armement étant lancés sur une période de 30 à 40 ans, il convient de prendre en main cet enjeu dès à présent pour ne pas avoir à payer à l'avenir les conséquences de renoncements d'aujourd'hui. Certes, une transition énergétique qui mettrait en péril l'autonomie opérationnelle des armées en OPEX est totalement inenvisageable. Mais, d'une part, un effort considérable doit être mené sur le territoire national afin de ne pas être accusé de laxisme en la matière, et d'autre part, pour l'avenir, il convient de s'attaquer dès à présent à ces sujets pour éviter de payer les conséquences de retards pris aujourd'hui.

Par ailleurs, pour réduire la consommation énergétique du ministère des Armées (consommer moins), la stratégie énergétique de défense mise principalement sur le recours aux simulations et l'évaluation des besoins énergétiques futurs afin de mieux les anticiper. Concernant la simulation, aujourd'hui, les pilotes font beaucoup d'heures de vol par simulateur pour éviter de consommer du carburéacteur. Dans le domaine terrestre, des progrès notables ont été menés en la matière. Mais cela suppose de mettre à disposition des outils de simulation suffisamment performants.

Concernant ce dernier volet, il ressort de nos diverses auditions que la réduction de la consommation demeure, à tort, le parent pauvre du triptyque, alors que, comme l'a indiqué une personne auditionnée, « le seul carburant qui émet 0 % de CO2 est celui qu'on ne consomme pas ». Nous estimons donc qu'il est nécessaire d'établir une feuille de route claire, à la charge du COMEX, pour impulser une politique de sobriété énergétique dans l'ensemble des armées, directions et services (ADS) du ministère des Armées (hors OPEX), eu égard au caractère fondamental de la réduction de la consommation énergétique pour l'atteinte des objectifs fixés par la stratégie ministérielle de performance énergétique 2019-2023 à l'horizon 2030 et, par extension, des objectifs fixés par l'accord de Paris à horizon 2050.

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