Madame la présidente, mesdames et messieurs les députés, l'exécution budgétaire de l'année 2020 s'est déroulée comme prévu. Pour le programme 146, nous avons consommé intégralement les ressources allouées en crédits de paiement, soit 12,6 milliards d'euros, le report de charge arrêté en fin d'année s'établissant à 2,5 milliards d'euros, comme prévu par la LPM. Nos annulations de crédits, relativement limitées, à 124 millions d'euros, ont compensé comme chaque année les dépenses des opérations extérieures (OPEX) sans incidence opérationnelle majeure puisque, depuis quelques années, nous assurons une gestion dynamique de cette réserve de précaution.
Nous avons été moins bons en ce qui concerne les engagements : nous n'avons engagé que 13,8 milliards d'euros. Les retards sont essentiellement dus à la coopération, en particulier franco-allemande, sur laquelle je reviendrai. Nous avons également pris un retard d'engagement concernant le SNLE 3G, la troisième génération de nos sous-marins nucléaires lanceurs d'engins, mais nous avons notifié au début de l'année 2021 le premier contrat correspondant à la première tranche de ce programme important pour notre force de dissuasion.
La crise sanitaire a eu un effet réel sur le programme 146. Nous avons géré les moindres besoins de paiement consécutifs aux retards pris sur certains projets, évalués à 750 millions d'euros, ce qui nous a permis de lancer à l'été 2020 le plan de relance aéronautique : nous avons utilisé ces crédits pour soutenir notre industrie dans le contexte de la crise de l'aéronautique commerciale et, plus généralement, de la crise économique consécutive à la crise sanitaire.
Un an après son lancement, nous en sommes satisfaits. Nous avons notifié les commandes prévues en matière d'avions et d'hélicoptères. Il nous reste à notifier la commande des dix hélicoptères H160 destinés au ministère de l'intérieur, pour la gendarmerie, parce que nous voulons négocier cette commande en même temps que l'adaptation militaire du programme H160, qui aboutira au Guépard, avec Airbus Helicopters. Comme dans toute négociation, il faut un peu de temps pour converger vers le prix que nous estimons le bon.
Nous avons obtenu de bons résultats pour notre industrie dans les appels à projets pilotés par Bercy et la direction générale des entreprises (DGE) avec notre soutien technique, dans les domaines de l'aéronautique et de l'électronique. Dans ce cadre, en plus des commandes aéronautiques évoquées précédemment, 220 entreprises de notre base industrielle et technologique de défense (BITD) ont pu être soutenues, pour un montant total de 220 millions d'euros, soit, pour ces petites et moyennes entreprises, des contrats d'une valeur moyenne de 1 million d'euros.
De même, ce qui était prévu dans le domaine spatial a été engagé pour 2021, qu'il s'agisse de la subvention de recherche duale couvrant des travaux du Centre national d'études spatiales (CNES) et du Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) ou des études complémentaires dans le domaine des satellites d'observation, de communication ou de navigation. Les demandes d'offres ont été faites et nous attendons les notifications correspondantes dans les mois qui viennent.
Je me permets donc de souligner le bon avancement et les bons résultats que nous avons obtenus dans le cadre du plan de relance pour notre industrie.
Les retards de livraison imputables à la pandémie seront rattrapés dès la fin de l'année 2021, en particulier, pour le programme Scorpion, la livraison de véhicules Griffon.
Nous avons soutenu les petites et moyennes entreprises de notre BITD par une task force dédiée qui nous a permis de faire le point sur la situation de 1 200 entreprises et de lancer 140 actions de soutien, telles que des avances de paiement, des avances de commande ou des aides à l'établissement de prêts garantis par l'État (PGE).
Quant au programme 144, nous avons payé le montant prévu, soit 805 millions d'euros. Notre niveau d'engagement nous place sur la trajectoire du fameux milliard d'euros de crédits de paiement prévu en 2022, l'un des objectifs essentiels de notre loi de programmation militaire.
Notre politique de soutien à l'innovation s'est déployée grâce à l'Agence de l'innovation de défense, créée en 2018. L'orientation de notre politique d'innovation est satisfaisante. Sur le milliard d'euros visé, 750 millions correspondent à la préparation des technologies de défense de demain, nécessaires aux programmes du futur – ce que nous faisions déjà très bien –, tandis que les 250 millions restants sont consacrés à de nouvelles formes d'innovation. Il s'agit des projets d'accélération de l'innovation visant à trouver dans le domaine civil ce qui peut nous être utile pour répondre aux besoins des armées, des projets d'innovation participatifs, résultant de l'innovation de terrain par les forces elles-mêmes, et des projets de recherche en vue d'anticiper le futur. Le bilan récent de cette action en matière d'innovation, en particulier la création de l'Agence de l'innovation de défense, est satisfaisant.
Cette politique d'innovation comprend des investissements. Nous avions déjà créé le fonds Definvest. Destiné à soutenir les entreprises de notre base industrielle en situation critique et doté de 100 millions d'euros sur cinq ans, il a déjà investi dans dix entreprises. L'une d'entre elles, Fichou, active dans le domaine des composants optiques, a été « désinvestie », c'est-à-dire consolidée grâce au rachat par un autre groupe. Cette action qui se poursuit avec succès sera complétée par le Fonds innovation défense (FID), qui s'adressera à des entreprises plus en amont, s'agissant de technologies duales dont nous pensons qu'elles présenteront un jour un intérêt pour la défense. Doté de 200 millions d'euros, il est en cours de mise en place avec Bpifrance, qui en sera l'opérateur.
Je ne reviendrai pas sur les résultats de l'exportation en 2020, qui ont été récemment communiqués au Parlement. Les 4,9 milliards d'euros de prises de commande, valeur faible, s'expliquent par la crise sanitaire, mais nous prévoyons pour 2021 un chiffre beaucoup plus élevé, en particulier du fait des exports Rafale.
Afin de compenser la vente à la Croatie de douze avions d'occasion, nous étudions actuellement deux stratégies possibles pour notre armée de l'air et de l'espace. Le général Lavigne vous en parlera, si ce n'est déjà fait.
La première est un recomplètement quantitatif rapide, qui pourrait avoir lieu en 2026 afin d'obtenir des avions aux standards de performance avancés. Il en résulterait une incidence financière, puisqu'il faudrait mettre à disposition dans le cadre de la LPM un peu plus de 1 milliard d'euros, compensé par les ressources extrabudgétaires que fournit cette cession, d'un montant de 400 à 500 millions d'euros. Nous examinons cette hypothèse avec l'armée de l'air et de l'espace, l'état-major des armées et notre ministre.
La seconde stratégie vise à rester financièrement neutre vis-à-vis de la loi de programmation militaire, en employant les recettes de la cession pour accroître la capacité Rafale de notre armée de l'air dès 2025 et continuer à améliorer des performances de disponibilité déjà significativement augmentées grâce au plan d'amélioration de notre maintien en condition opérationnelle (MCO) et au contrat RAVEL (Rafale verticalisé) passé avec Dassault. Il s'agirait en outre de doter le plus rapidement possible nos Rafale d'équipements de mission encore plus performants, en augmentant les livraisons de pods TALIOS (système optronique d'identification et ciblage à longue portée) de désignation laser, le nombre de radars à antenne active AESA et le parc des optiques frontales dotées de voies visibles et infrarouges.
J'en viens à nos objectifs pour 2021.
Les besoins de paiement du programme 146, d'investissement, s'élèvent à 13,7 milliards d'euros. La livraison de nouvelles capacités est prévue cette année, en particulier la mise en orbite, en octobre, des satellites d'interception CERES (capacité d'écoute et de renseignement électromagnétique spatiale) par un lanceur Vega.
Nous évaluons notre besoin d'engagement à 24 milliards d'euros, en intégrant le rattrapage du retard pris en 2020. D'ici à la fin de l'année, nous devrons boucler avec Airbus Helicopters la négociation sur la construction des hélicoptères interarmées légers (HIL) Guépard de nouvelle génération, que nous comptons engager avant cette date.
Dans le programme 144 d'études amont, nous poursuivons notre trajectoire vers 1 milliard d'euros de crédits de paiement en 2022, par une augmentation de 12 % des paiements et de 18 % des engagements par rapport à 2020.
Il convient de rappeler que nous avons exécuté les deux premières annuités de la loi de programmation militaire sinon à l'euro près, du moins aux annulations de crédits près : le montant total des annulations de crédits a été de 221 millions d'euros sur les 23,476 milliards de ressources prévus par la loi de finances initiale, soit moins de 1 % – un résultat satisfaisant.
Parmi les ajustements de capacités par rapport aux prévisions de la LPM initiale, je citerai les renforcements ou accélérations prévus ou en cours. Dans le domaine spatial, le nouveau programme de maîtrise de l'espace baptisé ARES (action et résilience spatiale) consiste à doter nos forces de capacités de surveillance de l'espace, c'est-à-dire de l'activité en orbite des satellites et autres objets qui nous survolent, et d'autoprotection de nos satellites. Nous allons doter les prochains satellites de télécommunications Syracuse de caméras de surveillance de rapprochement. Nous travaillons à un projet de démonstrateur de nanosatellites guetteurs chargés de surveiller sur l'orbite géostationnaire d'éventuelles menaces visant nos propres satellites. Une troisième composante pourrait impliquer des moyens d'action vers l'espace, soit depuis le sol, soit depuis l'espace à partir d'un satellite, au cas où nous serions menacés ou attaqués par un ennemi.
Vous avez cité le programme à effet majeur ARTEMIS visant à doter le ministère des armées d'une infostructure de traitement massif de données et d'algorithmes d'intelligence artificielle (IA). Dans le domaine de la protection contre les agressions NRBC, nous avons engagé un nouveau programme à effet majeur incrémental visant à doter nos forces de protections individuelles, à développer des contre-mesures médicales, des moyens d'identification biologique et de développement de filières de réactifs biologiques, afin de faire face à toute agression biologique ou chimique, en particulier en prévision des grands événements de 2023 et 2024.
J'en arrive aux décisions proposées dans le cadre de l'ajustement de la programmation militaire (A2PM) pour 2021, pour laquelle nous devons prendre en compte l'exercice d'identification des menaces réalisé lors de l'actualisation de l'analyse stratégique effectuée en début d'année. Je suppose qu'il en a déjà été fait rapport devant votre commission.
S'agissant du premier axe d'amélioration et d'accélération identifié, c'est-à-dire mieux détecter et contrer les menaces, notamment dans les nouveaux espaces de conflictualité, nous avons décidé de renforcer le programme à effet majeur Cyber, qui vise à développer les actions de lutte informatique active, de lutte informatique défensive et de lutte informatique d'influence face aux fake news. Nous avons également décidé, je l'ai dit, de développer le programme à effet majeur ARTEMIS. Dans le domaine de la santé, nous renforcerons les moyens d'évacuation sanitaire à bord d'hélicoptères ou d'avions. Dans le domaine de la protection biologique et chimique, j'ai évoqué le renforcement de nos actions de protection individuelle et des contre-mesures médicales.
Dans le domaine de la lutte anti drones, nous avons décidé la création, au mois de février, d'un programme à effet majeur incrémental, dont nous avons déjà engagé l'incrément 0, capable de répondre aux besoins à très court terme, dès cette année. Il comprend des moyens mobiles de lutte anti drones, qu'il s'agisse du programme MILAD (moyens interarmées de lutte anti drones) développé avec l'entreprise CS, de fusils brouilleurs qui complètent ce programme ou du système BASSALT produit par la filiale Hologarde du groupe Aéroports de Paris, destiné à la protection des sites événementiels, comme le 14 Juillet et les événements de 2023 et 2024. Nous soutenons des adaptations réactives réalisées par l'armée de terre depuis 2020, consistant à doter un véhicule de l'avant blindé (VAB) d'une capacité de lutte anti drones associée à ses tourelleaux téléopérés. Nous avons lancé le marché PARADE, consistant à préparer l'incrément 1 de notre programme de lutte anti drones, qui doit démarrer à la fin de l'année. Nous sommes en train de réceptionner les candidatures à ce projet à partir d'un appel à compétition lancé à l'échelle européenne, dans le respect du code de la commande publique. Nous avons enfin engagé des innovations technologiques, dont une expérimentation d'armes laser à énergie dirigée, qui a fait l'objet d'un contrat entre l'Agence de l'innovation de défense et la compagnie industrielle des lasers (CILAS) et qui a déjà permis, sur le site DGA Essais de missiles, à Biscarrosse, des démonstrations prometteuses de destruction de drones. Nous avons donc consenti un effort significatif en matière de lutte anti drones. Nous sommes tous pleinement convaincus que c'est une nécessité impérative.
Concernant le programme SCAF, un rendez-vous important avec nos amis allemands est l'examen par le Bundestag, le 23 juin, du projet d'accord de coopération conclu au mois de mai dernier avec les Allemands et les Espagnols pour couvrir la tranche 2021-2027 et aboutir à la démonstration en vol d'un prototype. Nous espérons obtenir le feu vert définitif de nos amis allemands sur cette tranche et notifier le contrat correspondant à l'industrie dans les semaines qui suivront. La négociation finale du contrat est en cours. Nous espérons que tout sera bouclé d'ici à début juillet et que la notification pourra intervenir dans le courant de l'été, à mesure du déroulement de nos processus internes de notification de contrats.
Suite au feu vert du Bundestag, nous attendons également le déclenchement du programme Eurodrone dans la foulée du SCAF, sous réserve que les deux autres coopérants, l'Italie et l'Espagne, soient aussi au rendez-vous.
La situation est plus délicate pour les trois autres programmes inclus dans les accords conclus entre le président Macron et la chancelière Merkel en juillet 2017.
Pour le Tigre standard 3, notre hélicoptère de combat aux performances améliorées, il me paraît réaliste de dire que nous n'espérons pas une décision allemande dans les jours qui viennent et que nous devrons examiner une solution d'attente. Nous envisageons donc un engagement du programme en octobre 2021, en espérant être rejoints par l'Allemagne à l'issue du processus de changement de gouvernement et de coalition.
Concernant l'avion de patrouille maritime MAWS, dont nous avions engagé l'étude en compagnie de nos amis allemands, nous risquons fort d'être déçus après leur choix, préannoncé par les Américains, de l'avion Boeing P-8A. Même si les Allemands nous le présentent comme une solution transitoire, une livraison du P-8A à l'Allemagne en 2025 remet en cause le besoin initialement commun du MAWS à l'horizon 2035. Si la décision allemande d'achat du P-8A se confirme, je crains donc que celle-ci nous contraigne à reconsidérer la poursuite de la coopération pour ce projet.
Le dernier projet franco-allemand concerne le char de combat du futur MGCS. Nous n'avons toujours pas trouvé d'accord de partage industriel pour les huit premiers prédéveloppements technologiques en préparation, en particulier entre Nexter, pour nous, et Rheinmetall, pour eux, à propos de la fonction feu, évidemment essentielle. J'espère que les réunions prévues dès le 28 juin à Berlin avec la partie allemande et les deux industriels nous permettront d'engager ces prédéveloppements bloqués depuis quelques semaines.
Je compléterai le panorama des coopérations bilatérales ou multilatérales en rappelant que nous avons bouclé avec les Britanniques le développement des systèmes de guerre des mines à base de drones en 2020. Nous réalisons les premiers systèmes qui seront livrés à nos marines respectives en 2022. Dans le courant de l'été, nous espérons engager avec les Britanniques le prédéveloppement des futurs missiles de croisière et des futurs missiles antinavires.
J'ai déjà évoqué nos partenaires espagnols, avec qui nous coopérons notamment sur le SCAF.
Avec les Italiens, j'espère que le traité du Quirinal redynamisera notre coopération, notamment dans le domaine spatial. Nous sommes en phase pour la suite du programme de système de défense sol-air SAMP/T de nouvelle génération, pour laquelle nous avons lancé récemment un contrat. Concernant Naviris, la joint-venture de Naval Group et Fincantieri, de premiers travaux de prédéveloppement et d'étude technologique sont en cours, mais la coordination en matière d'exportation est encore perfectible comme l'illustre la récente annonce selon laquelle Fincantieri aurait vendu des frégates à l'Indonésie, démarche commerciale dans laquelle la JV Naviris n'a pas été impliquée contrairement à l'approche convenu entre Naval Group et Fincantieri.
Par ailleurs, nous sommes pleinement satisfaits de notre coopération avec la Belgique. Nous avons engagé l'acquisition de matériels terrestres pour la Belgique dans la cadre du partenariat CAMO (capacité motorisée). Nous envisageons d'engager ensemble le développement du futur VBAE (véhicule blindé d'aide à l'engagement) en remplacement du VBM (véhicule blindé modulaire). D'autres acquisition réciproques ou communes sont à l'étude. Peu à peu, la coopération franco-belge devient une vraie collaboration bilatérale et ne se limite plus à la livraison de systèmes par la DGA.
S'agissant de l'avancement de la coopération communautaire, c'est-à-dire des actions de la Commission européenne, nous devrions avoir de bons résultats pour le programme européen de développement industriel dans le domaine de la défense (PEDID), programme d'exploration préparatoire au FED (Fonds européen de la défense).
La DGA fête ses 60 ans. Nous avons célébré cet anniversaire en ligne faute de pouvoir faire de l'événementiel physique. Nous espérons que ce sera possible un peu plus tard. Le 14 Juillet sera d'ailleurs un événement important pour nous, puisque les avions de banc d'essai de la DGA feront partie du défilé aérien, les élèves de l'ENSTA (École nationale supérieure de techniques avancées) Bretagne défileront à pied et, comme chaque année, une exposition de matériels sera présentée sur le parvis de la mairie de Paris.