Intervention de Joël Barre

Réunion du mardi 15 juin 2021 à 17h30
Commission de la défense nationale et des forces armées

Joël Barre, délégué général pour l'armement :

Merci, Madame la vice-présidente Mirallès, d'avoir salué le lancement du porte-avions de nouvelle génération, intervenu, comme prévu, au début de cette année, à la suite des décisions prises par le Président de la République et le Gouvernement à la fin de l'année dernière.

Je peux vous assurer que la DGA a reçu, en particulier depuis 2017, pour consigne claire de rééquilibrer les rapports de force entre l'acheteur public que nous sommes et les industriels fournisseurs des différents matériels. Dans nos contrats, nous cherchons systématiquement à obtenir le juste prix des prestations que nous commandons par une négociation précise et détaillée des devis, dès lors que nous sommes obligés d'agir de gré à gré lorsqu'il n'existe qu'un seul industriel capable de répondre aux besoins du système d'armes que nous voulons réaliser. Pour ce faire, nous augmentons nos capacités d'enquêtes de coûts grâce à des experts en comptabilité analytique industrielle. Si, jusqu'à une date récente, nous nous limitions à des enquêtes de coûts a posteriori destinées à éclairer le futur, nous pouvons désormais conduire des enquêtes a priori, grâce à la possibilité que vous nous avez offerte dans la loi de programmation militaire.

Pour l'ensemble des projets engagés avec l'industrie, nous cherchons à obtenir des participations financières sous forme d'autofinancements ou de cofinancements, en particulier en cas de promesses d'exportation associées. Nous l'avons fait pour le missile MICA NG (missile d'interception, de combat et d'autodéfense nouvelle génération) et pour la torpille Mark 2, que nous avons récemment notifiée à Naval Group. Les actions systématiques de rééquilibrage demandées par la ministre et par le Gouvernement commencent à porter leurs fruits. Je pourrai vous en parler plus en détail pour vous convaincre que c'est bien le cas.

Monsieur Ferrara, je vous prie de m'en excuser mais je ne répondrai pas à la question de la répartition des Rafale entre l'armée de l'air et la marine : le problème est à traiter par l'état-major des armées. C'est une bonne question pour l'amiral Vandier, que vous recevrez demain !

Monsieur Michel-Kleisbauer, vous avez raison de dire que la vente d'occasion des Rafale fournit l'occasion d'introduire le Rafale dans des pays comme la Croatie, pays européen et membre de l'OTAN, où il n'existait pas. Dassault dit lui-même que c'est la première fois que nous vendons un Rafale, certes d'occasion, mais à un pays qui ne faisait pas partie de nos clients usuels pour le Mirage 2000. Nous élargissons ainsi la base de pays clients de notre aviation de combat, ce qui présente un intérêt industriel, économique et stratégique. J'observe que la Grèce va acheter des Rafale d'occasion et des neufs : il existe un effet d'entraînement de l'occasion vers les matériels neufs. Cela correspond à l'objectif d'ouverture de différents pays à notre politique d'exportation.

Concernant la compensation nécessaire au profit de l'armée de l'air, je rappelle que nous étudions deux scénarios.

Le premier consiste à remplacer quantitativement au plus vite les douze avions prélevés pour la Croatie, mais par des avions up to date : nous n'allons pas livrer à l'armée de l'air des avions au standard actuel, et prévoir le standard du futur nous conduit déjà à l'horizon 2026, dans l'attente du fameux standard F4, qui déterminera les pleines capacités opérationnelles en matière de connectivité. L'inconvénient, c'est que pour livrer douze Rafale supplémentaires à notre armée de l'air, il faut dégager 1 milliard d'euros supplémentaire sur la loi de programmation militaire, alors que la recette de cession est estimée entre 400 et 500 millions d'euros.

La seconde solution consiste à profiter de la recette extrabudgétaire de la cession pour compléter les Rafale non pas en quantité mais en qualité. Je n'ai pas voulu dire que le parc du Rafale tombera à 80 appareils mais que, dans le parc de Rafale d'un peu moins de 125 appareils à l'horizon 2025, après livraison des appareils d'occasion, il y aura 80 Rafale de pleine capacité, soit davantage que prévu.

La pleine capacité implique d'abord d'augmenter la disponibilité du Rafale, parce que le nombre d'avions livrés, c'est bien, mais le nombre d'avions livrés en ligne, c'est mieux. Ensuite, il faut doter nos Rafale des capacités de haut de spectre permis par les radars à antenne active dont une trentaine seulement sont en service, soit bien moins qu'un par avion. Des avions Rafale volent avec des radars AESA d'ancienne génération. Une quinzaine de pods TALIOS, qui ont montré leur efficacité, ont été livrés à l'armée de l'air et à la marine. Il en faudrait encore plus. Le viseur frontal est déjà doté d'une capacité visible, mais il faut ajouter une capacité infrarouge. Il s'agit d'un compromis à établir avec les armées. Doter la flotte des Rafale de l'armée de l'air ou de la marine du plus grand nombre d'avions disponibles de pleine capacité, c'est un critère de jugement de la réponse aux besoins capacitaires sans doute aussi bon que le nombre d'avions effectivement livrés – mais, disant cela, je sors un peu du champ de mes responsabilités ; le chef d'état-major fera état du nombre de pilotes. C'est une réflexion que nous devrons conclure d'ici à la fin du mois de juillet.

La première priorité est de lancer le projet Eurodrone, le drone MALE, dans la foulée du système de combat aérien du futur. J'espère que nous allons y arriver. Il restera à faire des choix d'équipements, dont celui du moteur, si tout se passe comme nous l'imaginons, au dernier trimestre 2021. Il devrait y avoir deux propositions sur la table, celle d'Avio et celle de Safran Helicopter Engines, dont on me dit que du point de vue financier, des performances et des exigences d'interfaces, elles sont déjà hors du cadre de la recherche du maître d'œuvre du MALE, Airbus. Si la proposition Avio est soumise à la réglementation ITAR, elle est inacceptable pour les quatre pays coopérants. Il faudra juger sur pièces sur la base des deux propositions.

En tout cas, nous avons aidé Safran Helicopters Engines à formuler la proposition la plus compétitive et attractive possible. Nous les avons aidés financièrement et nous leur avons suggéré de rapprocher leur projet de moteur d'un futur moteur susceptible de remplacer les moteurs Pratt & Whitney sur les avions Daher. Nous avons dit que notre priorité, du point de vue du retour industriel et technologique de la France, était la conception de la chaîne de mission, c'est-à-dire les capteurs, et de la chaîne de communication. Le MALE étant un système d'information et de renseignement installé dans un petit avion, la valeur ajoutée technologique et industrielle réside en effet d'abord dans les équipements de mission et de communication. Nous en avons exigé l'attribution à la partie française sans compétition, mais nous ne l'avons pas exigé pour le moteur, car nous pensions que cela ne se justifiait pas. Il revient à Safran Helicopter Engines d'être le meilleur face à Avio, y compris en prenant en compte le critère ITAR si la proposition Avio se révèle trop dépendante de General Electric. La question se posera au dernier trimestre de cette année.

Les résultats de l'utilisation opérationnelle du système de minidrones de renseignement (SMDR) dans l'opération Barkhane sont bons. L'armée de terre en est satisfaite.

Nous avons tout récemment réussi un tir d'Aster 30 à partir d'une FREMM à l'occasion de l'exercice Formidable Shield, au large du Royaume-Uni, qui a atteint une cible volante supersonique au ras des flots. C'est un excellent résultat.

S'agissant des résultats obtenus en matière de tirs de missiles, je rappelle qu'en 2020, nous avons réussi un tir de missile de croisière à partir du sous-marin nucléaire d'attaque (SNA) Suffren, une première en matière de capacité pour nos armées. Nous avons aussi réussi deux tirs de missiles balistiques de notre force océanique stratégique, l'un en 2020, à partir du sous-marin Le Terrible, l'autre dernièrement, à partir de notre base d'essais de Biscarrosse. Nous avons enfin réussi deux tirs de missile air-sol moyenne portée (ASMP) de notre composante nucléaire aéroportée à partir du Rafale, en 2020 et 2021. Je pourrais aussi citer le missile moyenne portée (MMP) antichar, qui a obtenu d'excellents résultats, y compris depuis un Jaguar.

Notre enjeu majeur concerne la torpille F21 de nouvelle génération, qui doit équiper les SNA et les SNLE. Nous achevons la mise au point de la première génération. Des tirs sont prévus dans les semaines qui viennent dans le cadre de la campagne de préparation de mise en service du Suffren. J'espère qu'ils seront de nature à répondre à ce besoin.

En matière de cyber, nous renforçons notre effort budgétaire dans le cadre de l'A2PM 2021. Plus de 600 ingénieurs travaillent déjà sur le cyber à Bruz, à côté de Rennes. Cela s'ajoute à ce que font les armées par le commandement de la cyberdéfense et à tout ce que nous sous-traitons à l'industrie. Nous obtenons de bons résultats. Le cyber s'élargit. Qui, il y a deux ans, parlait de la lutte informatique d'influence ? Nous devons nous doter des moyens de faire la chasse aux fake news.

Monsieur Brotherson, je suis désolé, mais je n'ai pas en tête la situation de l'entreprise Sabena en Polynésie. Je prends note de votre question et nous vous ferons une réponse écrite plus détaillée. Je sais que nous avons mis cette société en compétition, pas seulement en Polynésie, et qu'elle n'a pas toujours gagné. Elle doit fournir les efforts nécessaires en matière de compétitivité. Dans un grand nombre de domaines, nous sommes obligés de faire des appels d'offres européens, conformément au code de la commande publique, et de retenir le mieux-disant, et ce n'est pas toujours le cas de Sabena Technics. À Dinard aussi, l'entreprise a perdu un marché.

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