Je m'exprime également au nom de Michèle Tabarot, en notre qualité de rapporteurs de la mission d'information sur le contrôle des exportations d'armement. Le rapport annuel représente un véritable pas en avant par rapport aux versions précédentes. L'analyse politique, comme économique, du contexte concurrentiel reste d'actualité en 2021 même si la rédaction a débuté en 2018. La crise sanitaire n'a pas bouleversé les équilibres. Les appétits d'armement restent intacts, comme les tensions.
Par ailleurs, nous pouvons souligner le renforcement de la transparence et de l'information au travers, notamment, de l'intégration, à l'annexe 11, du rapport annuel de la France au titre de l'article 13.3 du Traité sur le commerce des armes, de la notification des refus de licence et les premières indications concernant les biens à double usage.
Je m'attarderai sur les décisions prises par le Premier ministre au nom du Gouvernement, pour lesquelles je vous remercie. Sept mois après la parution du rapport, nous sommes heureux que la montagne n'ait pas accouché d'une souris.
Ces décisions sont très positives. Le rapport, initialement, ne devait concerner que l'armement. Nous avons décidé de l'élargir aux produits stratégiques, notamment les biens à double usage, et à l'Europe – ce qui explique la modification de son titre.
L'intégration de biens à double usage dans les produits stratégiques est une pratique commune dans de nombreux États. En Angleterre, M. Larsonneur l'a rappelé, les comités ont cette double compétence. La France, en revanche, a pris du retard en sous-estimant les risques politiques, juridiques et d'atteinte aux droits de l'homme que font courir ces technologies. Les contentieux actuels en témoignent. Les juges se montrent particulièrement attentifs aux risques d'atteintes aux droits de l'homme qu'emportent le criblage, la cybersurveillance, que les victimes soient des Libyens ou des Ouïghours. Ces dispositifs sont en effet beaucoup plus attentatoires aux droits de l'homme qu'un système d'armes complexe comme la défense aérienne ou les sous-marins. Vous avez remis à niveau cette question, du point de vue de la communication comme de l'arbitrage.
Par ailleurs, le recentrage des exportations vers l'Europe a du sens car le choix du client est, de toutes les mesures de contrôle, le meilleur indicateur de gestion du risque. Mais plus on s'intègre au niveau industriel en Europe, plus on est tenu par des élastiques dans nos capacités d'exportation. Or se contenter d'exporter en Europe n'est pas suffisant pour amortir notre base industrielle. Si nous ne mettons pas en cohérence nos systèmes de contrôle export, nous arriverons dans une impasse. C'est pourquoi nous avons proposé de commencer à travailler avec des parlementaires des pays de la Letter of Intent ( LoI), dans un cadre intergouvernemental et non communautaire. Nous pourrons ainsi promouvoir des solutions sur le modèle de celles retenues dans l'accord franco-allemand de 2019.
Suite à vos deux décisions relatives à l'implication du Parlement et au contrôle des biens à double usage, la balle se trouve dans le camp du Parlement. À cet égard, nous n'avons pas réellement proposé de créer une délégation parlementaire par crainte des querelles de chapelle. Commençons par travailler dans un climat de confiance, en nous appuyant sur un dispositif le plus léger possible. De la confiance naîtront les solutions et votre proposition de modifier par décret le code de la défense pour matérialiser la volonté de l'exécutif de renforcer le dialogue avec le Parlement nous satisfait.
Nous passerions donc d'un débat annuel à partir d'une contribution du Gouvernement sur le seul sujet de l'armement à un débat annuel enrichi, autour de trois composantes : l'armement, les biens à double d'usage et le compte rendu d'activité de la commission de travail, dans la limite de ce qu'elle peut partager. Nous avons proposé de distinguer entre ce qui relève des questions ou des inquiétudes liées à un contrat ou un enjeu particulier, que l'on ne doit pas rendre publiques pour ne pas déstabiliser la relation avec le client, et ce qui tient à des recommandations ou des réflexions plus politiques, susceptibles d'enrichir le débat. Le rapport que nous avons réalisé avec de nombreux commissaires de la défense prouve que l'on peut aborder le sujet de l'exportation d'armements sans porter atteinte au secret défense.
La législature s'honorerait à terminer un cycle complet l'année prochaine. Le consensus est possible car il est dans notre intérêt de progresser ensemble. Vous nous offrez la possibilité, Madame la ministre, de nous adresser aux Français dans trois directions complémentaires, positives pour le respect de nos engagements internationaux, pour la défense car le contrôle parlementaire renforce la légitimité de l'exportation d'armement, pour l'équilibre des pouvoirs à l'heure où les Français demanderont aux élus d'exercer pleinement leurs responsabilités.