Merci Madame la présidente. Mon général, c'est avec une immense émotion que je prends la parole pour cette dernière audition où vous venez nous parler en tant que chef d'état-major des armées. Ce sera une question, puisque l'exercice le veut, mais c'est avant tout un hommage que je souhaite vous rendre. Vous nous avez vraiment donné un modèle de ce qu'était l'union des vertus de l'intelligence et de celles du soldat, et à chaque fois que vous êtes venu nous parler, nous avions le sentiment de sortir de cette salle plus intelligents que nous n'y étions entrés. Un immense merci.
Ce que vous dites sur l'état de la singularité de l'état militaire – j'ai déjà eu l'occasion de le lire dans la revue Inflexions dont vous êtes à l'origine – et je crois qu'il faut marteler que ce n'est pas un métier comme un autre, c'est un état, c'est un engagement, avec la mort comme hypothèse de travail. Il faut marteler que l'armée doit être soumise au pouvoir politique. C'est l'occasion de vous dire, au nom de mon groupe et de tous ici, que l'instrumentalisation dont vous avez pu être la victime est absolument détestable, nous sommes tous derrière notre chef d'état-major des armées. Je voulais aussi humainement vous le dire parce que je sais que ce n'était pas nécessairement facile tous les jours.
Vous parliez des réformes qui ne coûtent rien au contribuable mais qui représentent quelque chose. Je crois que notre génération, en tout cas celle qui est aux affaires aujourd'hui a un symbole fort : le collège interarmées de défense est redevenu l'École de guerre, tout est dit ! Et cette singularité militaire est vitale face aux menaces qui se profilent.
Aujourd'hui, les menaces relèvent de la Défense nationale, mais elles relèvent aussi de l'échelon européen. Cette singularité militaire, la France l'a très clairement. Nos amis britanniques, bien qu'ils ne soient plus dans l'Union, l'ont aussi. Je n'ai pas l'impression que tous nos partenaires européens l'aient au même niveau. Vous parliez de la directive relative au temps de travail qui nous inquiète tous beaucoup, mais ce n'est qu'un élément de cette interrogation. Comment mesurez-vous, au regard des échanges que vous avez eus avec nos partenaires européens, la prise ne compte de la singularité ? Comment la faire grandir à l'échelle de notre continent ?
La singularité que vous avez si bien portée renvoie à la dimension de l'ordre monastique ou de la chevalerie. À ce propos, Régis Debray définit le sacré comme ce pour quoi on tue, et ce pour quoi on meurt. Finalement, c'est bien cela que vous avez défendu. Alors merci mon général, pour ce témoignage, merci pour ce que vous avez fait pour les armes de la France. Nous espérons qu'après vos adieux aux armes, nous pourrons lire sous votre plume ces réflexions dans des ouvrages que nous nous empresserons de lire. Et je m'autorise, comme officier de marine de vous dire bon vent, bonne mer ! Merci pour tout.