De nombreuses questions ont porté sur la manière dont l'effort national en faveur de la défense peut s'appuyer sur les investissements européens et dont le présent budget contribue à ces derniers.
De manière inédite, dans la LPM, nous avons fait le choix, assumé et innovant, de nous appuyer sur des coopérations européennes. Le budget pour 2022, qui traduit la LPM, ne déroge pas à cette règle : il contribuera à l'effort de défense européen en permettant des coopérations, opérationnelles comme capacitaires, entre les États membres.
Dans le domaine opérationnel, pour certaines opérations, comme Takuba, au Sahel, chaque État apporte ses propres moyens et financements ; d'autres, telles qu' Irini en Méditerranée ou que les missions de formation de l'Union européenne ( European Union Training Missions, EUTM), bénéficient de financements européens ; enfin, des coûts communs, par exemple le soutien médical, sont pris en charge pour partie lorsque des opérations sont menées dans le cadre de la facilité européenne pour la paix.
Dans le domaine capacitaire, depuis 2017, la politique communautaire de coopération structurée permanente a permis de lancer de nombreux projets dans lesquels la France est souvent impliquée. Nous en conduisons onze, et participons à vingt et un d'entre eux : nous sommes donc présents dans trente-deux projets sur les quarante-six des trois premières vagues. Nous sommes à l'orée de la quatrième vague, dans laquelle la France portera quatre projets, notamment un sur l'espace.
En outre, alors que, pendant plus de soixante ans, aucun financement communautaire n'avait été alloué aux projets de recherche technologique dans le domaine militaire, le Fonds européen de la défense prévoit plus de 8 milliards sur la période allant de 2021 à 2027. Il financera des briques technologiques, c'est-à-dire des segments utiles à d'autres projets, notamment pour le système de combat aérien du futur (SCAF), un projet de coopération phare sur le plan européen, que le présent budget permet également de poursuivre : grâce aux efforts déployés en 2021, nous avons en effet pu débloquer la première phase du projet, qui s'étendra sur les deux prochaines années.
Le projet de budget contribue donc à l'effort de défense européen et bénéficie de l'apport de financements de l'Union européenne. Pourrons-nous utiliser ces moyens avec un nombre croissant de partenaires ou sommes-nous condamnés à intervenir seuls ?
Nous démontrons chaque jour que nous sommes capables d'agréger nos partenaires européens dans le cadre non seulement de projets capacitaires mais aussi d'opérations. Tel sera notre objectif lors de la présidence française de l'Union européenne : pousser sans cesse plus loin l'ambition européenne en matière de défense – le contexte géostratégique nous y appelle – et, parallèlement, montrer de façon pragmatique et concrète que les Européens ont la capacité d'intervenir.
Par « Européens », je n'entends pas nécessairement les Vingt-Sept. nous construisons des systèmes de décision efficaces dans le cadre d'opérations constituées pour des besoins spécifiques, avec des coalitions ad hoc. Nous ne sommes donc pas nécessairement tributaires d'une autorisation du Bundestag pour déployer tel ou tel équipement. Avec nombre de partenaires, nous parvenons à faire jouer non seulement une solidarité européenne, mais une compréhension pragmatique des enjeux de sécurité pour les Européens. Au Sahel, par exemple, l'opération Takuba est un laboratoire de ce que nous souhaitons développer sur le terrain, avec des Européens volontaires et capables, pour protéger leurs intérêts, partout où ils se trouvent.
Nous reparlerons de ces questions en préparant la présidence française de l'Union européenne. Nous voulons à la fois défendre une ambition forte, grâce à un Livre blanc de la défense européenne appelé « boussole stratégique » – l'actualité récente nous conduit à être encore plus ambitieux, tous ensemble, pour notre défense et notre sécurité –, et poursuivre les opérations sur le terrain ainsi que les coopérations capacitaires pour développer une culture stratégique commune et une base industrielle et technologique de défense à l'échelle européenne en vue d'accroître la souveraineté de l'Europe.
J'en viens aux équipements navals et terrestres. Notre propre BITD représente 200 000 emplois au total, dont 40 000 pour le secteur naval et 20 000 pour le secteur terrestre, auxquels il faut ajouter les 60 000 emplois de l'électronique, qui se répartissent entre les deux.
En 2022, la dernière FREMM de défense aérienne, la Lorraine, ainsi que, après le Suffren, le deuxième exemplaire du sous-marin nucléaire d'attaque (SNA) de type Barracuda seront livrés à la marine nationale. Nous attendons également la livraison du premier bâtiment ravitailleur de forces de nouvelle génération, du système de lutte antimines du futur (SLAMF) et d'une frégate de type La Fayette rénovée.
En ce qui concerne notre accélération des commandes de FDI, au printemps, lorsque j'ai annoncé cette décision pour la marine nationale, nous n'avions pas la certitude que nous pourrions exporter les frégates selon un calendrier cohérent avec le plan de charge de Naval Group à Lorient. La première FDI, qui sera livrée en 2024, est destinée à la marine nationale, mais les deuxième et troisième exemplaires, qui auraient dû lui être livrés, seront utilisés pour honorer le récent contrat passé avec la Grèce. En tout cas, l'accélération des commandes est effective, même si leurs bénéficiaires ont été modifiés depuis le printemps.
Avec Naval Group et ses sous-traitants, nous travaillerons également à traiter les conséquences de la remise en cause du contrat du sous-marin australien.
Parallèlement, nous avons lancé le programme du porte-avions de nouvelle génération. Les bureaux d'études de Naval Group sont très occupés par ce projet ainsi que par le lancement en réalisation de la troisième génération de sous-marins nucléaires lanceurs d'engins (SNLE 3G). Le premier a vocation à être livré après 2030, en cohérence avec le retrait du premier SNLE de type Le Triomphant.
Par ailleurs, la loi de programmation militaire a confirmé le besoin de 15 frégates de premier rang pour la marine nationale. Nous maintiendrons ce format à l'horizon 2030 en assurant la rénovation à titre transitoire de frégates de type La Fayette, dont une sera livrée dès 2022. Nous avons l'objectif de disposer de 5 frégates de défense et d'intervention, auxquelles s'ajoutent les 8 FREMM, dont la dernière sera livrée en 2022. La flotte comportera donc 13 navires de nouvelle génération, complétés par les frégates de type La Fayette.
Dans le domaine terrestre, nous recevrons en 2022 119 Griffon, 108 Serval, 18 Jaguar ainsi que 120 véhicules blindés légers (VBL) régénérés et 4 Leclerc rénovés, ce qui nous permettra de franchir une étape significative dans la modernisation des équipements de l'armée de terre. Nous poursuivrons les commandes de matériels liés au programme SCORPION. Nous commanderons 396 blindés ainsi que la rénovation de 50 chars Leclerc. Nous poursuivrons aussi les études sur le char de combat du futur, en lien avec nos partenaires allemands. Les matériels de taille plus modeste mais essentiels – postes radio, treillis, gilets pare-balles et munitions – continueront d'être livrés aux forces.
Dans le domaine spatial, le nombre de personnes affectées au commandement de l'espace sera porté à 337, soit une augmentation de 48 postes. Des travaux immobiliers seront lancés sur l'emprise de Toulouse, à proximité du CNES. En 2022, un tiers des effectifs du commandement y seront stationnés.
J'ai mentionné la mise en œuvre opérationnelle de la capacité de renseignement d'origine électromagnétique (CERES), dont nous serons les seuls à disposer en Europe, ainsi que le lancement du troisième et dernier satellite de la composante spatiale optique (CSO-3), prévu pour 2022 dans le cadre du système multinational d'imagerie spatiale pour la surveillance, la reconnaissance et l'observation ( Multinational Space-based Imaging System, MUSIS). En outre, nous lançons le successeur du système de surveillance de l'espace, le grand réseau adapté à la veille spatiale (GRAVES), au sein du programme action et résilience spatiale (ARES). Nous préparons également les capacités futures, avec les programmes IRIS (instruments de renseignement et d'imagerie spatiale) et CELESTE (composante électromagnétique spatiale), ainsi que le développement du programme ARES et de l'alerte avancée.
En 2022, 85 millions pour les études spatiales et 31 millions pour l'achat de services spatiaux viendront s'ajouter aux 530 millions de crédits de paiement du programme 146 : au total, 646 millions seront donc alloués pour accompagner la stratégie spatiale.
Monsieur Corbière, vous aviez déjà regretté l'année dernière que les documents budgétaires ne parviennent pas plus vite à la commission. La Constitution prévoit que le projet de loi de finances est déposé sur le bureau des assemblées le premier mardi d'octobre. Le document est donc disponible à la bonne date, et ce n'est que le début d'un processus : loin de moi l'idée d'avoir épuisé le travail consistant à comprendre, analyser et questionner le projet de loi. J'espère que nous pourrons poursuivre le dialogue conformément aux étapes prévues, notamment l'examen en séance publique.
Je ne partage pas le constat qu'a établi le Sénat il y a quelques mois. Avec la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat, nous avons décidé de reprendre ensemble ce travail, de façon méthodique, pour disposer d'éléments expertisés et documentés.
Le prix de l'énergie est en hausse pour tout le monde, y compris pour les armées. Le projet de loi de finances pour 2022 a retenu l'hypothèse d'un baril de pétrole à 70 dollars, soit 55 euros – il faut bien faire une hypothèse dans ce type d'exercice. La loi de programmation militaire prévoit certains mécanismes de révision au cas où l'hypothèse devrait être revue, à la hausse comme à la baisse. Ces clauses seront examinées non ab initio, mais quand nous discuterons de l'exécution du présent projet de loi de finances.
Nous avons décidé d'appliquer la nouvelle politique de rémunération des militaires en trois étapes. Après avoir instauré une indemnité unique de mobilité géographique en 2021, nous introduirons en 2022 une indemnité de sujétions d'absence opérationnelle, une prime de commandement et de responsabilité militaire ainsi qu'une prime de performance. La première étape représentait un effort d'environ 38 millions, contre 70 millions pour la deuxième. L'objectif est non seulement de rendre plus lisible la rémunération des militaires, mais aussi de la faire progresser afin d'augmenter leur pouvoir d'achat. La troisième tranche a vocation à être appliquée dans le cadre du PLF pour 2023.
S'agissant du SSA, toutes les mesures que j'avais annoncées l'an dernier sont en cours de déploiement, hormis le projet de rénovation de l'hôpital de Laveran, pour lequel les discussions se poursuivent avec l'agence régionale de santé de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur (PACA) et le ministère des solidarités et de la santé.
La crise sanitaire, qui se poursuit, mobilise fortement le SSA. M. Chassaigne a rappelé comment, dans un délai très court, nous avons pu mettre au point l'élément militaire de réanimation (EMR), appelé à tort hôpital de campagne car il s'agit non pas d'une tente avec des lits et du personnel médical, mais d'un véritable bloc de réanimation, sous tente ou non. Le concept a évolué et, comme nous l'avons fait récemment en Martinique, nous pouvons installer des modules avec du matériel et des soignants pour prendre en charge des malades nécessitant une réanimation intensive. Sept modules militaires de réanimation ont été déployés depuis le début de la crise du covid, à Mulhouse, à Mayotte, en Guadeloupe, en Guyane et en Martinique, où le module est toujours installé.
Nous avons transféré 227 personnes par avion et mobilisé les moyens du SSA pour contribuer à la campagne de vaccination des militaires et de la population générale : 1 million de doses ont été administrées depuis le début de la campagne, soit dans les hôpitaux militaires, soit dans les grands centres de vaccination ouverts dans certaines villes. L'EMR donne donc toute satisfaction.
Concernant la dimension budgétaire et comptable de cette forte mobilisation du SSA, lorsque les armées sont, comme c'est le cas ici, l' ultima ratio, le moyen de dernier recours, elles ne pratiquent pas la facturation interne : le ministère engage les ressources sur sa substance pour le plus grand bénéfice de tous sans que cela donne lieu à remboursement.
Le budget que le Royaume-Uni consacre à sa défense est assez comparable à celui de la France. À l'horizon 2023, pensions incluses – tous les autres chiffres que je vous ai cités jusqu'à présent les excluaient –, la contribution devrait être sensiblement la même dans les deux pays : 53 milliards d'euros. Nous y parvenons par des voies différentes : nous le faisons dans le cadre de la LPM, qui va même plus loin que ce montant puisqu'elle s'étend à 2025 ; quant au Royaume-Uni, il a publié en novembre 2020 un document pluriannuel annonçant une augmentation de l'ordre de 27 milliards en quatre ans.
Quant au budget de défense de l'Union européenne, le FED représente 7,9 milliards d'euros de 2021 à 2027, auxquels s'ajoutent les sommes mobilisées par le programme européen de développement industriel dans le domaine de la défense (PEDID) : 500 millions en 2019 et 2020, 750 millions à partir de 2021.
Enfin – j'ai déjà longuement parlé de nos partenariats européens –, avec les États-Unis, notre partenariat, important et très consistant, se traduit concrètement chaque jour, en particulier au Sahel, et notre dialogue politique et diplomatique a été réamorcé par un échange entre le président Biden et le Président de la République. Il nous restera à vérifier que l'engagement à restaurer la confiance entre nos deux pays est tenu au cours des prochains mois et des prochaines années.