Intervention de Jean-Louis Bourlanges

Réunion du mercredi 6 octobre 2021 à 17h30
Commission de la défense nationale et des forces armées

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Louis Bourlanges, président :

Nous avons le plaisir de recevoir M. Jean‑Yves Le Drian, ministre de l'Europe et des affaires étrangères, dans le cadre de la troisième réunion que nous organisons avec Mme Françoise Dumas, présidente de la commission de la défense nationale et des forces armées, sur les développements de l'affaire dite AUKUS.

Les deux précédentes auditions nous ont permis de rencontrer les ambassadeurs de France aux États-Unis et en Australie. La semaine prochaine, nous auditionnerons Mme Florence Parly, ministre des armées. Ensuite, chacune de nos commissions poursuivra sa réflexion en fonction de ses compétences, mais nous nous réunirons de nouveau en commun si nous estimons qu'il y a lieu de le faire. Au Sénat, il n'existe qu'une seule commission, présidée par M. Christian Cambon, pour les affaires étrangères, la défense et les forces armées ; il y en a deux à l'Assemblée nationale, mais nous marchons, comme l'a dit le général de Gaulle à Mexico, « la mano en la mano ».

Monsieur le ministre, vous pourrez répondre aux interrogations et, peut-être, à une certaine anxiété qui ont vu le jour chez les parlementaires de nos deux commissions après l'événement sidérant et traumatisant qu'a été la rupture brutale, par les Australiens, du contrat qui avait été conclu avec la France et son remplacement par une « alliance » avec les États-Unis et le Royaume-Uni pour la construction de sous-marins à propulsion nucléaire – choix dont nous ne mesurons pas encore totalement la portée.

Je tiens à saluer la transparence dont le ministère des affaires étrangères a fait preuve vis-à-vis de la représentation nationale – j'imagine qu'il en est de même au ministère des armées. Nous avons pu échanger d'une façon très libre, à huis clos, avec les deux ambassadeurs que j'ai évoqués. L'audition d'aujourd'hui est ouverte à la presse car les grandes orientations et les conséquences politiques qu'il faut tirer de cet événement doivent être publiques.

Nous souhaitons vous interroger sur ce qui s'est passé, en Australie et aux États‑Unis, mais aussi sur ce qui suivra.

Nous nous intéressons tout particulièrement aux conditions dans lesquelles les États‑Unis ont pris leur décision, que nous avons vécue comme une rupture de confiance – ce sont les termes que vous avez employés – extrêmement violente et totalement injustifiée, compte tenu de la qualité des rapports qui nous unissaient à ce pays. Le fond de la décision qui a été prise peut se discuter ; ce que nous ne comprenons pas, c'est l'atmosphère de totale défiance vis‑à-vis de la République française, voire de complot, qui a entouré cette décision. Quelle est votre analyse ? Les déclarations, assez étonnantes, de l'ancien secrétaire d'État américain, M. Kerry, ont donné le sentiment que M. Biden n'avait quasiment pas été partie prenante dans une décision aussi capitale. Que s'est-il passé au sein de l'administration américaine ? D'où vient une telle brutalité à l'égard de la France ? Qu'est-ce qui explique cette décision que rien ne semble pouvoir justifier sur le plan de la rationalité diplomatique ?

Nous nous interrogeons également sur l'Australie. Notre ambassadeur dans ce pays nous a fourni des explications très intéressantes, mais nous souhaitons aussi vous entendre à ce sujet.

S'agissant de l'avenir, quelles seront les conséquences de cette affaire sur les relations de la France et des États-Unis avec la Chine et les États du Pacifique ? En quoi avons-nous une différence d'appréciation avec les États-Unis ? La décision prise par ce pays, par l'Australie et, un peu accessoirement, par le Royaume-Uni implique-t-elle une modification profonde de la relation stratégique avec la Chine ? D'une façon générale, nous sommes très inquiets du développement des tensions, notamment autour de Taïwan.

J'en viens aux relations transatlantiques. Depuis de nombreux mois, nous sommes engagés dans une négociation difficile – mais, nous l'espérons, créative – avec l'ensemble de nos partenaires, et d'abord les États-Unis, sur le nouveau concept stratégique de l'OTAN.

La première question qui se pose porte sur l'aire géographique de compétence de cette organisation. Doit-elle demeurer atlantique ou s'étendre au Pacifique ? Nous souhaitons naturellement vous entendre sur ce point. Deuxièmement, l'OTAN est-elle une organisation strictement militaire ou doit-elle s'occuper de politique et fournir un cadre, par exemple, pour les relations entre les puissances occidentales et la Chine ? Nous avons, là aussi, une approche assez prudente. Nous souhaitons notamment que le dialogue politique entre l'Union européenne (UE) et les États-Unis ait lieu dans un autre cadre. Le troisième point concerne la portée et la nature du concept d'autonomie stratégique des Européens.

Nous sommes apparemment entrés dans un cycle de négociations qui s'est ouvert par le communiqué conjoint des présidents Biden et Macron et qui va se dérouler au cours des prochaines semaines. Nous verrons quels en seront les premiers développements – heureux ou malheureux – à Rome à la fin du mois d'octobre. Nous serons très attentifs à ce que vous nous direz, Monsieur le ministre, à propos de ces discussions avec les autorités américaines.

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