Intervention de Isabelle Saurat

Réunion du jeudi 14 octobre 2021 à 11h15
Commission de la défense nationale et des forces armées

Isabelle Saurat, secrétaire générale pour l'administration au ministère des Armées :

Comme la ministre vous l'a dit, madame la présidente, mesdames et messieurs les députés, nous sommes dans la quatrième année de la mandature et nous avons pour la quatrième année un budget militaire conforme à la loi de programmation militaire. Pour moi qui suis une ancienne budgétaire et connais le ministère depuis plus de vingt ans, je peux témoigner que c'est important et que cette stabilité est un facteur de performance.

Je porte le programme 212 de soutien à la politique de défense ainsi que les programmes 167 et 169 qui dépendent de la mission « Anciens combattants ». J'en profite pour signaler que nous avons cette année opéré une fusion de ces deux programmes à titre de simplification puisque l'un des programmes portait sur près de 2 milliards d'euros et l'autre sur 37 millions. Nous avions demandé de longue date à nos partenaires de la direction du budget de les rassembler pour des questions de gestion ; cela a été possible cette année. C'est la seule modification de l'environnement et des programmes que je souhaitais porter à votre connaissance.

Sur le programme 212 lui-même, nous avons 12,6 milliards d'euros sur le titre 2 « hors CAS Pensions et hors attributions de produits (AdP) » et 1,3 milliard d'euros pour le « hors T2 ». Je parlerai d'abord du T2 qui est devenu le cœur de mes activités en tant que responsable de programme.

En 2022, le T2 nous permet de respecter la trajectoire qui nous a été fixée par la loi de programmation militaire en termes d'effectifs. Le plafond budgétaire d'effectifs sera sur la ligne avec 273 572 équivalents temps plein travaillé (ETPT). La répartition entre militaires et civils est stable, avec 77 % de militaires et 23 % de civils. L'augmentation du plafond ministériel des emplois autorisés entre 2022 et 2021 est de 1 348 ETPT.

Le schéma d'emplois se traduit par une hausse de 492 postes, dont 450 sur le périmètre de la loi de programmation militaire et 42 postes pour le service industriel de l'aéronautique (SIAé), qui est pour nous toujours un sujet d'attention.

Parmi nos priorités pour 2022 se trouvent, comme c'était déjà le cas en 2021, le renseignement et la cyberdéfense, sachant que la ministre nous a aussi demandé, sous plafond, de réorienter des emplois vers la cyberdéfense. Nous aurons donc créé dans la cyberdéfense, sur les annuités de la LPM, 772 postes en plus des 826 postes prévus dans la loi de programmation militaire sur les années 2022-2025. Je pense que c'est révélateur de l'effort du Ministère. Il faut trouver des personnes à recruter et nous y travaillons maintenant.

Nous recrutons également dans le soutien à l'exportation, mais l'effort porte aussi sur le renforcement des unités opérationnelles des armées, l'accompagnement de la transformation du Ministère et l'action dans l'espace numérique, qui est une de nos priorités.

Nous avons comme chaque année un mouvement important puisque nous devons faire 26 000 recrutements en 2022 dont plus de 15 000 militaires du rang et plus de 4 000 personnels civils. Notre souci est que nous devons recruter chaque année près de 22 000 militaires, ce qui crée un mouvement très lourd pour les directions des ressources humaines (DRH) des armées.

Nous souhaitons aussi garder certains militaires. Vous nous avez aidés à créer notre politique de fidélisation avec la prime de lien au service (PLS). Nous avons ainsi versé 35 000 primes depuis la création du dispositif en 2019. Cette année, l'armée de Terre considère que cette politique commence à avoir un effet. La direction des ressources humaines de l'armée de Terre (DRH-AT) commence à nous donner des chiffres intéressants sur la capacité qu'ils ont désormais à combler le déficit de 8 000 sous-officiers supérieurs que nous avions à l'entrée dans la LPM. Nous pensons que nous aurons comblé, à la fin de cette année, 1 500 de ces 8 000 postes en déficit. Cette évolution est, pour l'armée de Terre, directement liée à la capacité à renouveler les premiers contrats et à faire rester des militaires aguerris pour prendre ces postes de sous-officiers. Cette fidélisation, en augmentant mécaniquement le nombre de caporaux, nous permet de combler le déficit existant du fait des politiques précédentes de réduction de nos effectifs. Je pense que nous pourrons continuer à avoir en 2022 le même type de résultats avec cette prime de lien au service.

Nous consacrons 14,7 millions d'euros à des mesures catégorielles, dont 7,1 millions d'euros pour les personnels militaires et 7,6 millions d'euros pour les personnels civils. Ces mesures concernent aussi bien les praticiens militaires que les primes de rendement des ouvriers d'État. Cette dotation de près de 15 millions d'euros couvre donc toute une série de mesures réservées aux emplois et métiers sur lesquels nous avons du mal à recruter ou souhaitons garder les compétences, avec par exemple des primes pour certains ingénieurs civils de la défense.

Le cœur du sujet est toutefois la nouvelle politique de rémunération des militaires (NPRM) dont nous avons exécuté la première phase en 2021 avec l'indemnité de mobilité géographique des militaires (IMGM). Nous avions un budget de 74 millions d'euros et la prévision d'exécution à date est quasiment équivalente à ce montant, ce qui est très rassurant. En effet, lors de la création d'une nouvelle indemnité, il existe toujours une petite inquiétude sur le fait que la budgétisation corresponde bien à ce qu'il fallait faire. Nous arrivons donc sur la ligne.

Surtout, nous constatons une véritable simplification pour nos ressortissants qui n'ont rien à faire. Ils n'ont pas à remplir un dossier pour obtenir le versement de cette prime, contrairement à ce qui se produisait précédemment avec les « primes de rideaux » pour lesquelles nous ne parvenions pas toujours à respecter l'annualité budgétaire : certaines personnes n'avaient pas ou ne prenaient pas le temps de remplir les papiers et étaient payées à fin d'année voire l'année suivante. Nous avons déjà réalisé plus de 95 % de notre plan annuel de mutation (PAM) puisque nous sommes au mois d'octobre et nous savons que nous payons exactement ce que nous avions prévu. Nous terminerons l'année en ayant payé toutes ces indemnités de mobilité géographique. Ceci montre que la simplification est à l'heure.

Nous attaquons la deuxième phase en 2022 avec un financement de 70 millions d'euros alloué pour l'indemnité de sujétion d'absence opérationnelle (ISAO), la prime de commandement et de responsabilité militaire (PCRM) et la prime de performance (PERF). Je pense que nous pourrons dans les jours qui viennent communiquer vis-à-vis des personnels militaires sur ce sujet.

Parmi les mesures catégorielles et indemnitaires, certaines sont interministérielles et sont adoptées dans le projet de loi de finances (PLF) pour le Ministère. C'est le cas des nouvelles grilles de rémunération pour le personnel paramédical de la fonction publique hospitalière, de la revalorisation des gardes pour les médecins et les internes militaires issues du Ségur de la santé. Nous avons aussi une mesure à 50 millions d'euros au titre de la protection sociale complémentaire (PSC) : dans le cadre de mesures transitoires d'ici l'atteinte du régime cible (en 2025 ou 2026), le Ministère prendra en charge, sous certaines conditions, à compter du 1er janvier 2022, 25 % de la dépense de PSC de ses agents civils et militaires, ce qui correspond à 15 euros par mois au maximum. C'est le versement d'une allocation forfaitaire comme dans toute la fonction publique d'État.

Des mesures concernent la revalorisation des catégories C avec un financement interministériel ; l'application de cette revalorisation au titre de la rémunération des militaires du rang est financée sur le budget de la mission Défense.

Nous aurons aussi une prime pour le télétravail, qui ne concerne que les personnels civils. Elle est évaluée à 6 millions d'euros, ce qui est une évaluation moyenne interministérielle car il est pour nous très difficile aujourd'hui de dire quel pourcentage de personnels civil sera en télétravail et combien de jours par semaine. Au mois de septembre perdurait le régime dit de crise sanitaire et il était difficile en juillet de savoir combien de personnels seraient en télétravail. Nous avons donc pris les normes interministérielles et nous verrons si cela convient.

La ministre de la fonction publique a également créé une prime pour les maîtres d'apprentissage. Vous savez que cette politique de l'apprentissage est importante pour nous ; une prime sera donc créée en 2022 avec un budget de 1,3 million d'euros pour les maîtres d'apprentissage du Ministère. Nous continuons les discussions avec le ministère de la fonction publique car nous souhaitons pouvoir recruter plus facilement les apprentis que nous formons dans certains métiers. Nous sommes capables de leur proposer des contrats, de leur proposer de passer des concours mais nous voudrions avoir un taux plus élevé de conversion des contrats d'apprentissage qu'actuellement. Notre objectif est d'avoir 2 200 apprentis pour l'année.

Vous avez souligné les efforts du Ministère pour respecter nos objectifs en matière de LPM « à hauteur d'homme ». Le plan famille en fait partie et nous attendons des réalisations en 2022, en particulier en faveur de l'emploi des conjoints. C'est une politique initiée l'an dernier, dont l'opérateur est Défense Mobilité. Nous espérons cette année l'intensification des initiatives que prend Défense Mobilité en faveur de l'emploi des conjoints, avec un volet spécial pour l'emploi de ceux qui travaillent dans les fonctions publiques. L'objectif est qu'ils puissent, peut-être, suivre plus facilement mais le sujet est compliqué.

L'ouverture de 300 lits d'hébergements pour cadres célibataires en Ile-de-France est prévue. Elle complétera les 300 lits déjà livrés depuis 2020.

Nous ouvrirons des crèches à Cayenne, à Mont‑de‑Marsan, à Toulon et à Cherbourg.

Nous livrerons aussi des logements familiaux neufs en métropole, à Paris et en petite couronne mais aussi en Guyane et aux Antilles. Vous savez que ce sont pour nous des sujets difficiles car nous avons du retard à rattraper.

Nous continuons à déployer le wifi gratuit dans les garnisons en outre-mer et à l'étranger et nous commencerons cette année à le déployer sur les bâtiments à quai de la Marine nationale.

Nous continuons nos efforts de rénovation des lieux de vie en garnison et le déploiement des espaces Atlas que nos ressortissants utilisent beaucoup. Nous en ouvrirons cette année trente supplémentaires en métropole et quinze dans les Outre-mer.

Vous avez également souligné l'importance du programme d'hébergement dont 70 % des crédits auront été engagés fin 2022. Nous accélérons la livraison d'hébergements neufs grâce à la mise en place à l'été 2020 d'un accord-cadre. Nous avions livré près de 4 000 places depuis 2020 et, en 2022, nous serons capables de livrer 4 300 places.

Nous cherchons par ailleurs à avoir ce type d'accord-cadre dans le maximum de domaines car cela permet une industrialisation dans le secteur du bâtiment et travaux publics (BTP). Cette industrialisation apporte une forme de prévisibilité du chiffre d'affaires et permet d'utiliser des matériaux plus favorables du point de vue du développement durable, ce qui est moins facile à faire avec du béton. Nous commençons à avoir des livraisons de bâtiments dans lesquels sont utilisés du bois ou d'autres types de matériaux.

Vous m'avez aussi interrogée sur la reconversion. 20 000 personnels militaires et civils – ainsi que les conjoints désormais – sont accompagnés chaque année, gendarmerie comprise puisque nous avons gardé, dans le plan Défense Mobilité comme dans le plan d'action sociale, le soutien à la gendarmerie. La dotation au PLF 2022 est de 31,7 millions d'euros.

Concernant la politique immobilière, nous n'avons plus qu'une partie des crédits de politique immobilière sur le programme 212 puisque les autres ont été transférés au programme 146 lorsqu'il s'agissait d'infrastructures liées aux programmes d'armement ou au programme 178 pour les infrastructures opérationnelles des forces. Toutefois, je reste en tant que secrétaire générale pour l'administration responsable de la politique immobilière du ministère. Dans la programmation comme dans le suivi de l'exécution et la façon de rendre compte, je dois pouvoir vous donner les chiffres consolidés de cette politique immobilière. Je vous indique donc que nous avons au total 2,38 milliards d'euros d'autorisation d'engagement au PLF 2022, ce qui est très stable par rapport à 2021, et 1,83 milliard d'euros de crédits de paiement soit une augmentation de 52 millions d'euros par rapport à 2021.

Nous avons programmé des engagements de travaux sur le programme 146 à hauteur de 751 millions d'euros et sur le programme 178 pour 911 millions d'euros. Pour les hébergements dont j'ai parlé, nous avons des engagements à hauteur de 266 millions d'euros sur le programme 212, 172 millions d'euros pour le logement familial et 69 millions d'euros pour la rénovation énergétique. En fait, il faut ajouter à ces 69 millions d'euros ce que nous avons engagé grâce au plan de relance de l'économie, sur les 204 millions d'euros qui nous ont été alloués sur 699 projets. Cela concerne de petits et de grands projets, allant du changement de chaudière dans des logements à un contrat de performance énergétique engagé à Mourmelon pour 40 millions d'euros.

Comme vous l'avez mentionné, la ministre a attribué au début octobre le contrat de concession de service, dit autrefois CEGELOG lorsqu'il s'agissait d'un projet et désormais appelé « Ambition logements » ; il sera conduit par Eiffage SA et Arcade Vyv. Il s'agit d'une attribution et non d'une notification car nous devons encore pendant trois mois finaliser la mise au point du marché avec le groupement et nous ne pourrons notifier que fin janvier ou début février. Nous n'avons pas été en mesure d'inscrire les montants de ce contrat dans le PLF 2022 puisque, au moment où nous l'avons construit en juillet, nous ne les connaissions pas. Les offres nous ont été transmises au début juillet et nous les avons dépouillées durant les mois de juillet, août et septembre. Nous avions reçu trois offres et avons convergé sur une offre le 1er octobre.

Nous avons un volet de transformation numérique. Nous avons consacré beaucoup de temps et d'énergie au système « Source Solde » ce qui a permis à la ministre, en janvier 2021, d'annoncer que nous étions tirés d'affaire pour la solde puisque celle de tous les militaires est désormais établie par ce calculateur.

Nous poursuivons nos efforts sur la RH qui est tout de même le cœur de notre système. Les ressources humaines du Ministère sont vraiment ce qui permet aux armées d'être présentes sur tous les territoires, sur tous les fronts. Nous avons besoin de systèmes d'information RH plus performants, plus accessibles aux personnels et nous devons rendre des comptes plus régulièrement pour mieux piloter notre T2. Nous avons encore des efforts à faire sur l'interconnexion de tous nos systèmes RH.

Pour le recrutement, nous lancerons cette année un projet nommé SPARTA pour « système de parcours de recrutement interarmées ». L'idée est de digitaliser l'ensemble du parcours des candidats, sachant qu'une partie a déjà été digitalisée comme nous l'avons vu au moment de la crise sanitaire puisque les armées n'ont pas perdu le lien avec leurs candidats. Des crédits sont prévus sur le programme 212 et sur le plan de relance de l'économie.

Je finirai en vous parlant de la jeunesse, sujet qui est désormais porté sur le programme 169. Le nouveau plan « Ambition armées-jeunesse » a été validé par Mme Darrieussecq. Il s'agissait pour nous de savoir comment articuler notre politique avec le service national universel (SNU) et la journée défense et citoyenneté (JDC).

La JDC avait pour avantage que nous voyions tous les jeunes vers l'âge de 18 ans ce qui permettait de garder le lien avec ceux qui levaient la main lors de la JDC puisque nous demandions toujours qui était intéressé par rejoindre les armées. Nous pouvions garder le lien avec ces jeunes durant les deux ou trois années qui suivaient, entre 18 et 21 ans et plus tard pour les plus diplômés.

Il est moins facile pour nous de garder le lien avec des jeunes de 15 ans. Nous avons donc remis à plat notre politique jeunesse pour voir comment créer ce lien. Cela se traduira pour nous par la multiplication des classes de défense. Un premier palier à 600 classes est prévu d'être atteint en 2022. C'est dans les collèges et lycées que nous voudrions, à partir de l'âge de 15 ans, avoir plus de liens avec la jeunesse.

Pour être plus en cohérence avec les phases du SNU, nous commencerons aussi à recruter des services civiques au ministère, ce qui n'était pas du tout le cas jusqu'à présent.

Nous essayons donc de diversifier nos capacités d'action avec la jeunesse mais nous continuons aussi nos efforts sur la JDC. En 2022, avec le Quai d'Orsay qui est le responsable du dispositif, nous déploierons une e-JDC pour tous les jeunes Français qui vivent à l'étranger. Nous l'utiliserons aussi pour les jeunes en situation de handicap qui, de fait, sont médicalement exemptés mais nous pensons que, puisque nous avons la possibilité de leur faire faire une e‑JDC, nous allons le leur proposer.

Nous souhaitons aussi développer le service militaire volontaire (SMV). Une antenne sera créée à Marseille. Cela signifie que le jeune suivra sa formation militaire dans l'un des régiments existants mais sera à Marseille pour sa formation professionnelle. Les jeunes que nous recrutons actuellement feront donc leur formation militaire en novembre et décembre dans des régiments et seront à Marseille au mois de mars 2022 pour leur formation professionnelle avec des entreprises dont le recrutement est en cours. Notre objectif est de créer deux autres antennes dans les mois qui viennent.

Nous avons, pour la première fois, obtenu un financement du fonds social européen pour 6,9 millions d'euros. Comme vous le savez, le financement du SMV est largement extrabudgétaire puisque nous nous appuyons beaucoup sur les régions, sur le financement de la formation professionnelle et donc, désormais, sur le fonds social européen.

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