Nous suivons de près le projet de nos amis d'Airbus, plutôt tendance britannique si j'ose dire. Nous étudions aussi les capacités d'observation et de communication intermédiaires entre les avions et les satellites.
Il y a, en gros, deux types de systèmes. S'agissant des High Altitude Pseudo-Satellites (HAPS), nous avons soutenu un projet de Thales Alenia Space, nommé Stratobus, qui fait partie des propositions que la maison Thales va faire dans le cadre du Fonds européen de la défense. Nous avons ensuite vu apparaître le projet Zephyr, qui est plutôt un MAPS, un Medium Altitude Pseudo-Satellite, puisque son altitude est d'environ 20 kilomètres, contre 30 kilomètres dans le cas d'un HAPS. Deuxième différence, nous avons compris que le Zephyr, tel qu'il est imaginé actuellement par Airbus, doit avoir une charge utile de 5 à 10 kg, ce qui est peu par rapport aux 100 ou 200 kg de charge utile que nous cherchons à avoir dans le cadre des HAPS.
Nous sommes attentifs à ce genre de développements. Pour l'instant, nous n'avons pas envisagé de financer de tels projets autrement qu'à travers une coopération européenne, à savoir le Fonds européen de la défense. Comme les Britanniques n'y participent pas, le Zephyr ne sera pas concerné de sitôt, évidemment.
Vous m'avez demandé si le Fonds européen de la défense investirait suffisamment d'argent. J'observe simplement que 8 milliards sont prévus pour la période 2021-2027, alors que rien de tel n'existait avant 2019. Certains ont regretté que le montant ne soit pas de 13 milliards, mais on passe de 0 à 8, et 8 milliards d'euros pour des actions de recherche et de pré-développement, même sur sept ans, représentent un pas en avant. J'espère évidemment que les pas en avant se multiplieront et deviendront de plus en plus importants lors des exercices suivants, mais ce qui est prévu est significatif. Nous comptons bien nous appuyer dessus.
Si nous devions mener le programme MAWS au niveau national en l'absence d'un partenariat avec les Allemands, je ne vois pas pourquoi nous nous focaliserions d'emblée sur le Falcon 10X. Les travaux ont commencé par une étude système à laquelle les avionneurs n'étaient pas associés. Que l'on continue sous forme de coopération ou sur le plan national, il faut regarder les différentes possibilités de plateformes, et il n'y a pas que Dassault en Europe. On peut aussi envisager des plateformes d'Airbus et même, peut-être, de plus bas niveau en matière de performances, du côté d'ATR, voire de CASA, même si cela ne reviendrait pas du tout à jouer dans la même cour. Laissez-nous le temps de faire les études et les analyses nécessaires. Jusqu'à présent, nous n'avons pas travaillé sur la plateforme en tant que telle.
En ce qui concerne la guerre des mines, nous sommes en train d'achever la réalisation des premiers systèmes, qui seront livrés à la fois à la Royal Navy et à la marine nationale d'ici à la fin 2022. Il peut y avoir des difficultés de calendrier pour tel ou tel composant du système, mais ce n'est rien de dramatique. Nous avançons relativement bien avec nos amis britanniques malgré le contexte.
S'agissant du SDAM, nous avons décidé un renforcement dans le cadre du plan de relance de 2020, avec l'achat d'un système supplémentaire. La livraison de ce deuxième drone est prévue en septembre 2022, avant les essais en mer sur une frégate FREMM.
Merci d'avoir rappelé que nous avons notablement progressé, en particulier dans le cadre du dialogue avec les armées, pour assurer ce que vous avez appelé, Monsieur Bridey, de la fluidité dans la préparation et la conduite des programmes. Nous avons essayé de chiffrer les gains de temps réalisés grâce à l'amélioration des méthodes.
En ce qui concerne le porte-avions nucléaire de nouvelle génération, nous avons réalisé en deux ans le plateau de conception qui a conduit à la décision, prise par le Président de la République, de lancer le programme.
L'élaboration des documents uniques de besoins permet de regrouper l'expression du besoin militaire et l'élaboration par la DGA de la spécification technique qui est contractualisée avec l'industriel, ce qui se faisait auparavant en deux temps. Nous avons estimé que le nouveau processus a permis de gagner deux mois sur quinze pour la négociation et la rédaction des documents contractuels du programme AVSIMAR (avions de surveillance et d'intervention maritime), qui s'appelle désormais Albatros. S'agissant des patrouilleurs océaniques, pour lesquels le contrat de définition vient d'être notifié, nous avons gagné deux à trois mois.
Pour le Griffon, la durée des essais de validation, qualification et expérimentation a été de trois ans contre quatre ans et demi selon l'ancienne méthode. Pour ce qui est du Barracuda, en 2020, malgré toutes les contraintes liées à la crise du covid – les marins devaient partir avec des machines pour effectuer des tests PCR –, la durée des essais de qualification a été ramenée de treize à six mois et demi grâce à une préparation intégrée avec les armées et l'industrie et aux travaux de modélisation, de simulation et d'évaluation.
Je pense, et j'espère que les armées vous le confirmeront, que nous avons réalisé un pas en avant très significatif dans ce domaine.
J'en viens maintenant à vos questions plus particulières.
Vous avez raison, le plan France 2030 pourra favoriser la dualité de trois filières concernées par les annonces du Président de la République.
Les investissements en faveur du SMR (Small Modular Reactor) permettront à TechnicAtome et Naval Group de mettre un pied civil, si je puis dire, dans la technologie de la propulsion navale présente dans nos sous-marins et sur notre porte-avions. Cette nouvelle dualité s'ajoutera à celle dont nous bénéficions déjà dans les secteurs aéronautique et spatial : aussi aurons-nous désormais des industriels qui s'appuieront sur deux jambes plutôt que sur une seule. Lors de la crise qui a frappé le secteur de l'aéronautique en 2020, on a bien vu que les entreprises duales, présentes à la fois sur les marchés de l'aéronautique militaire et de l'aéronautique civile, bénéficiaient d'un avantage significatif. La dualité dans le domaine de la propulsion navale est donc une très bonne chose, à condition, évidemment, que la branche civile n'aspire pas les compétences et les expertises dont ont besoin TechnicAtome et Naval Group – mais je ne vois pas pourquoi les deux branches ne pourraient pas s'articuler harmonieusement.
De même, la maîtrise des fonds marins est un domaine parfaitement dual. Nous sommes amenés à nous y intéresser car c'est un champ de conflictualité : quand certains Etats promènent quelque chose autour des câbles sous-marins à 6 000 mètres de profondeur, ce n'est sans doute pas parce qu'ils cherchent des pâquerettes ! Nous devons nous doter des moyens de surveiller ce qui se passe dans les fonds marins, à 6 000 mètres de profondeur. À cet enjeu militaire s'ajoute un enjeu civil, du fait de l'importance de ces lignes de télécommunication. Je me réjouis que nous puissions, là aussi, trouver des synergies entre des applications civiles et des applications militaires.
L'espace est un autre exemple de domaine dual. Nous sommes déjà engagés dans des projets de microsatellites ou de nanosatellites, en tant que capacités militaires. Je pense au programme Kineis, qui a pris la suite du système Argos et qui permettra de doter les objets spatiaux d'une composante dite AIS (Automatic Identification System), ainsi qu'aux projets de microsatellites que nous conduisons avec des start-up bretonnes, Cailabs et Unseenlabs. Vous imaginez sans peine que de tels projets peuvent être d'une grande aide dans le domaine du renseignement.
Les annonces du Président de la République au sujet du plan France 2030 peuvent donc donner une nouvelle impulsion à la dimension duale de certains de nos domaines de compétences. En revanche, il ne faudrait pas que ce nouveau plan aspire des crédits prévus dans le cadre de la LPM 2019-2025 – j'espère qu'il nous apportera plutôt de nouvelles ressources.
S'agissant du programme Tigre standard 3, que nous mènerons donc sans les Allemands et avec les seuls Espagnols, je vous rassure tout de suite : la partie française entend engager ce programme sans dépasser l'enveloppe budgétaire ni le calendrier initialement prévus. Puisque nous perdons une partie des intérêts de la coopération en perdant un partenaire, nous avons demandé à nos partenaires espagnols d'accomplir des efforts, conjointement aux nôtres, en vue d'optimiser encore davantage notre coopération et rapprocher au maximum les configurations des machines française et espagnole, de manière à diminuer les coûts de développement nécessaires. Nous y sommes presque. Si je dois me rendre prochainement à Madrid, c'est notamment pour tenter de conclure un accord définitif sur ce sujet.