Intervention de Bastien Lachaud

Réunion du mercredi 16 février 2022 à 9h05
Commission de la défense nationale et des forces armées

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBastien Lachaud :

Je remercie les rapporteurs pour leurs travaux et pour leurs contributions à la réflexion collective. Les tensions dans le monde s'accroissent et les dépenses d'armement augmentent. La hiérarchie des puissances est contestée et plusieurs États revendiquent une prééminence régionale à laquelle certains avaient imprudemment voulu croire qu'ils renonceraient. Les avancées techniques et leurs généralisations ont permis à divers acteurs, étatiques ou non, de rivaliser avec des forces armées objectivement plus nombreuses, mieux formées et mieux dotées. À ces paramètres, il faut bien sûr ajouter la crise écologique, source de déstabilisation. Enfin, la pandémie de Covid-19 a mis en évidence certaines vulnérabilités en matière d'approvisionnement, notamment. Dans ces conditions, il est certes logique de se demander comment adapter notre outil de défense.

Il me semble cependant que la nouveauté du problème devrait être un peu relativisée. Depuis une quinzaine d'années, nos forces sont engagées dans des opérations dures au cours desquelles nous avons perdu des soldats et eu de nombreux blessés. Le besoin d'une préparation à la haute intensité s'explique surtout du fait de la réduction du format des armées, de la baisse des budgets et de l'intensité opérationnelle sous les derniers quinquennats. L'usure du matériel et des hommes appelle des réponses qualitatives autant que quantitatives. Je suggère, selon une méthode bien connue, d'examiner les présupposés et implications de notre sujet sous l'angle de la doctrine, de l'organisation, des ressources humaines, de l'entraînement, du soutien et de l'équipement (DORESE). Je ne pourrai malheureusement pas entrer dans les détails.

Sur la doctrine : la haute intensité, pour quoi faire ? Premièrement, la haute intensité ne doit pas être une alternative à la dissuasion. Elle répond certes à des situations dans lesquelles la dissuasion peut être prise en défaut mais il est fondamental de ne pas banaliser l'idée d'un engagement majeur. Deuxièmement, la haute intensité ne peut se concevoir que dans le cadre d'un conflit engagé pour la défense d'intérêts clairs : le territoire et la population. Il ne saurait être question de penser ce genre de sacrifices au nom de grands principes qui nous érigeraient en gendarme du monde ou pire, nous embarqueraient dans des conflits de géants pour l'hégémonie. Par conséquent, c'est plutôt en regardant vers nos outremers qu'il faut penser la haute intensité et c'est en partant de leurs réalités qu'il faudra faire des choix. Enfin, il me semble que le véritable scénario de l'engagement majeur, c'est celui qui résulte des crises cumulées, lorsque se rencontrent l'attaque informatique, la catastrophe naturelle, l'action militaire opportuniste et peut-être d'autres encore. C'est à cela que nous devons le plus sûrement nous préparer.

Sur l'organisation, une des principales sources de vulnérabilité actuelle résulte de la recherche d'efficience qui a déterminé toutes les politiques menées au ministère des Armées depuis Nicolas Sarkozy : le choix d'une logique, non plus de stocks, mais de flux, et de la mutualisation des ressources. La réforme des bases de défense de 2015 est la quintessence de cette approche. La redondance est la clé de la résilience et la condition d'un effort continu.

Sur les ressources humaines, à ce sujet, la leçon me paraît certaine. Il n'y a pas de haute intensité sans une forme d'implication populaire dans la défense, d'où l'instauration nécessaire d'une conscription. C'est une question de démocratie et aussi d'efficacité. Une action militaire d'ampleur suppose a minima un soutien moral fort mais aussi des structures permettant de changer de dimension rapidement.

Sur l'entraînement, je ne m'étendrai pas, sur un aspect qui est proprement la compétence de l'état-major mais qui nécessite néanmoins les moyens nécessaires.

Sur le soutien, il est indispensable de poser deux questions : celle du service de santé des armées et celle ensuite de la fin prochaine du pétrole.

Sur les équipements, il sera indispensable de disposer d'une masse critique de matériels et de pouvoir en augmenter rapidement et durablement le volume. On ne saurait l'envisager sans que l'État ait dans sa main tous les moyens d'une planification rigoureuse. On ne peut non plus le concevoir si nous restons enferrés dans une logique commerciale qui fait préférer la haute technologie plutôt que l'efficacité de matériels rustiques.

Il y aurait encore beaucoup à dire mais la défense de la patrie implique d'envisager des scénarios multiples, et la haute intensité en est un. Il ne doit pas occulter les autres ni être instrumentalisé. Au contraire, il faut y faire face et se donner les moyens essentiellement politiques de le traiter conséquemment.

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