Intervention de Pascal Boireau

Réunion du jeudi 13 février 2020 à 17h00
Commission d'enquête chargée d'évaluer les recherches, la prévention et les politiques publiques à mener contre la propagation des moustiques aedes et des maladies vectorielles

Pascal Boireau, vice-président du comité scientifique (HCB) :

Dans sa globalité, la lutte antivectorielle est associative de différentes sous-composantes, y compris présentement avec les outils que nous avons. Nous allons sécher, nous allons utiliser des produits chimiques en cas de menace avérée vis-à-vis d'une population humaine et de l'apparition d'un agent pathogène véhiculé par ces moustiques.

En matière de dangerosité, il faut voir où nous mettons le curseur. Est-elle dans la rémanence d'une espèce de moustiques ou dans l'extinction de la biodiversité ? Entre ces deux points, vous avez des notions très différentes.

On utilise aujourd'hui des méthodes de lutte antivectorielle chimique qui ont un impact sur la biodiversité. Si l'on met le critère biodiversité comme critère principal, une technique RIDL qui va cibler de façon exquise une espèce de moustique, puisqu'il y a une relation sexuée, est hautement sélective par rapport à des méthodes globales.

L'assèchement est radical pour toute la biodiversité aussi. Même des méthodes en apparence douce, comme l'assèchement, sont une contrainte pour la biodiversité, puisque vous allez éliminer aussi d'autres espèces qui ont besoin de cette coupelle d'eau.

C'est là où l'on a besoin de faire varier les curseurs, et en même temps, de voir dans quel état ce type de technologie est le plus efficace. Comme l'a bien souligné tout à l'heure Jean-Christophe Pagès, ces technologies de nouvelle génération, notamment la technique RIDL, ne peuvent pas être utilisées en période de crise, sauf à avoir les moyens de lâcher énormément. Par contre, en phase invasive, s'il y a une espèce de moustiques qui envahit un territoire, ce type de technologie peut se révéler hautement sélective compte tenu du caractère exquis de la sélection de la cible par rapport à d'autres méthodes qui elles vont arroser, malheureusement, plusieurs arthropodes qui vont être pris dans le même panier et détruits. Et là, effectivement, vous voyez qu'il y a un impact différencié.

On peut avoir peut-être plus de chance de bloquer l'invasion au stade primaire localement avec ce type de technologie. Là aussi, c'est un risque. Quelle va être la capacité de notre nouvelle technologie à bloquer une invasion ? Si je prends l'exemple de l'île de La Réunion, c'est l'Homme qui a apporté tous les moustiques. C'est nous qui avons favorisé l'entrée. Là aussi, la notion de véhicule passif est très importante. Comment mettons-nous en place, pour le contrôle des véhicules passifs, les méthodes de lutte à bon niveau pour limiter les nouvelles invasions ?

Le curseur et le paramètre que l'on va mettre dans le caractère dangereux permettront de dire si telle méthode est plus dangereuse qu'une autre. En théorie, dans le cadre du forçage génétique, on met dans la nature quelques couples et ils se reproduisent en entraînant le forçage du caractère à l'infini. Ceci est en théorie, mais nous sommes très loin des relâchés aujourd'hui puisqu'il n'y a pas d'essai terrain. Je rappelle qu'il y a quatre phases avant d'aboutir à un relargage à grande échelle. Là, on n'est même pas à la phase deux, donc au stade laboratoire recherche dans un système de confinement.

Nous ne pouvons pas calculer le risque aujourd'hui puisque nous n'avons pas assez de données en la matière. Une des recommandations de l'expertise qui avait été faite est d'avoir beaucoup plus de recherche dans ce domaine pour faciliter cette utilisation de technologies, de même qu'il va falloir certainement plus de moyens. C'est ce que fait l'Organisation mondiale de la santé (OMS) aujourd'hui en essayant de développer des aides à des essais de phase deux-trois pour la technologie de l'insecte stérilisé et le relargage de moustiques stérilisés dans différentes parties du monde.

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