Vous avez raison. Le pouvoir d'achat a globalement été maintenu, voire augmenté. Le mouvement des gilets jaunes a conduit le gouvernement à débloquer seize milliards d'euros qui ont amélioré les basses rémunérations et soutenu le pouvoir d'achat, à l'exception de celui des 10 % les plus pauvres de la population, ceux qui vivent sous le seuil de pauvreté et ne bénéficient pas de l'augmentation de la prime d'activité.
Néanmoins, la pression s'exerce et les industriels devront y répondre. Certes, dans certains secteurs, les difficultés de recrutement conduiront à une légère augmentation des salaires. Toutefois, la pression actuelle devra trouver une contrepartie.
J'ai proposé qu'un tiers des membres du conseil d'administration soit constitué de représentants des salariés. Notre pays n'est pas prêt à s'aligner sur le modèle de codétermination allemand, soit 50 % de représentation des salariés. Les organisations syndicales et patronales ne sont pas prêtes. Pour autant, je pense que la présence de salariés dans les conseils d'administration constitue un élément extrêmement utile, mais qui nécessitera un bon niveau de consensus. Les salariés connaissent bien l'entreprise et ils la vivent de l'intérieur. En outre, c'est pour eux une formidable occasion de voir comment s'élabore la stratégie d'une entreprise. Il me semble normal que cette partie prenante essentielle que représentent les salariés puisse s'exprimer sur les orientations de l'entreprise. Ce serait donc un moyen d'améliorer la compréhension mutuelle et de sortir de ce dialogue social un peu corseté et théâtral dans lequel nous évoluons trop souvent.
Je suis favorable à un ministère de l'industrie et de l'énergie, parce qu'il n'est pas souhaitable de dissocier les problèmes industriels des problèmes énergétiques. Je prône un ministère de l'industrie de plein exercice, fort, qui dispose de compétences larges. Je lui associe la recherche technologique parce qu'elle s'articule pleinement avec l'industrie. Des organismes tels que le Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA), le Centre national d'études spatiales (CNES), l'Institut national de recherche en sciences et technologies du numérique (INRIA), trouveraient leur place dans un ministère de l'industrie.
La planification coréenne ne suppose pas la mise en œuvre d'un gros appareil. Les Sud-Coréens choisissent une priorité. En 2010, ils ont opté pour la « Corée verte ». En 2000, alors qu'ils avaient du retard dans le domaine, ils ont priorisé l'électronique et créé des entreprises de rang mondial telles que Samsung et LG. Aujourd'hui, nous dépendons de leurs semi-conducteurs. La Corée du Sud est le pays du monde le plus converti à internet. Pourtant, son dispositif est simple : un débat politique est engagé sur la priorité et lorsqu'elle est identifiée, elle est prise en charge dans l'appareil d'État par un ministre qui en a la responsabilité. Un conseil du plan, présidé par le Président de la République, se réunit régulièrement et scande l'effort public, fixe des objectifs et élabore des calendriers. Force est de constater que le système fonctionne bien.
Il ne serait pas impossible de traduire ce dispositif en France. Il s'agirait d'organiser un débat au Parlement sur les priorités et d'en retenir un nombre limité, comme le développement de l'industrie française, d'élaborer des lois de programmation cohérentes dans des domaines comme la recherche, les compétences et l'énergie, de confier le projet au Haut-commissaire au plan et de réunir régulièrement un conseil du plan présidé par le Président de la République. Dans un pays comme la France, il est nécessaire que le portage politique soit extrêmement fort.