Intervention de Jacques Biot

Réunion du mercredi 29 septembre 2021 à 18h00
Commission d'enquête chargée d'identifier les facteurs qui ont conduit à la chute de la part de l'industrie dans le pib de la france et de définir les moyens à mettre en œuvre pour relocaliser l'industrie et notamment celle du médicament

Jacques Biot, ancien président de l'École polytechnique, président du conseil d'administration de Huawei France et auteur du rapport au Premier ministre Mission stratégique visant à réduire les pénuries de médicaments essentiels :

L'économie du médicament est complexe. Le caractère public de la marge des médicaments nouveaux est en effet susceptible d'intéresser l'opinion.

La plupart des médicaments anciens sont désormais commercialisés par des fabricants de médicaments génériques ou génériqueurs, entreprises dont la rentabilité n'est logiquement pas au même niveau que celle des laboratoires qui fabriquent les princeps puisqu'elles ne supportent pas le risque. Le prix que reçoit le génériqueur rémunère son activité de coordination de l'ensemble des fabricants qui se situent en amont. Le génériqueur cherche bien sûr à optimiser ses coûts de fabrication en s'appuyant sur un chimiste capable de lui fournir les principes actifs au meilleur coût et sur la firme de répartition pharmaceutique, de mise sous forme pharmaceutique, la plus à même de l'approvisionner. Il s'agit donc davantage d'un métier d'organisation et de coordination d'une série d'autres métiers qui s'enchaînent, où chacun fait sa marge. La marge finale du génériqueur, qui n'est pas particulièrement élevée, rémunère son activité de coordination, mais elle s'ajoute au cumul des marges des différents intervenants et interlocuteurs situés en amont de la chaîne de fabrication. Il s'avèrerait donc très complexe de contrôler cette marge.

S'agissant des laboratoires pharmaceutiques qui développent et fabriquent les médicaments nouveaux, je pars bientôt à la Conférence sur la politique mondiale – World Policy Conference, à l'invitation de Thierry de Montbrial, afin de lancer une réflexion sur l'économie globale du médicament. Un rapport publié par Deloitte il y a deux ans montre que la rentabilité de l'ensemble des acteurs, producteurs de soins et fournisseurs de produits de santé, pour l'essentiel, diminue, notamment celle des laboratoires pharmaceutiques. Cette baisse de la rentabilité n'est pas illégitime puisque l'industrie pharmaceutique s'est beaucoup délestée de sa recherche qui repose de plus en plus, pour la découverte de produits nouveaux, sur des jeunes pousses (start-ups). Le rapport indique qu'environ 50 % des demandes d'autorisation de nouveaux médicaments portent sur des molécules développées par des sociétés de biotechnologie. Donc, au fond, il n'est pas illégitime que l'industrie pharmaceutique voie sa marge diminuer, puisqu'elle a renvoyé le risque sur les sociétés de biotechnologie.

La rentabilité de l'industrie pharmaceutique a en effet choqué l'opinion qui considère que l'industrie pharmaceutique jouit d'une rentabilité trop élevée. Historiquement, cette rentabilité récompensait le risque, mais elle diminue. La perspective de la contrôler ou de la limiter empêcherait probablement les industriels de s'implanter en France, car ce contrôle de la marge ne serait certainement pas approuvé par l'ensemble des pays du monde. L'industrie continuerait donc, comme elle le fait depuis 1989, à s'orienter vers des pays où elle se sent mieux aimée.

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