Mon intervention portera davantage sur la régulation des prix des médicaments et les améliorations possibles. En ville comme à l'hôpital, on peut observer une place croissante de l'innovation et des médicaments les plus coûteux : la consommation des molécules les plus récentes est en accélération nette. Les médicaments de moins de 10 ans comptent pour près du tiers du chiffre d'affaires des médicaments remboursables, et ce taux est en progression de 6 points par rapport à 2017. La diffusion des médicaments génériques est en progression modeste, avec une augmentation de 1,2 % par rapport à l'année passée. Les génériques représentent désormais environ 40 % des boîtes de médicaments du champ remboursable contre 80 % en Allemagne. La France se distingue aussi par une place plus importante qu'ailleurs accordée au financement public par la sécurité sociale, tandis que la part des ménages dans le financement est très faible et que celle des organismes complémentaires est en baisse constante.
Sur les limites du système français en termes de fixation des prix, la rémunération est à mon avis trop généreuse pour des médicaments faiblement innovants par rapport à ce qu'on observe à l'étranger, notamment en Allemagne. Par exemple, les médicaments similaires ou « médicaments me-too » sont des molécules ayant pratiquement la même composition que le premier entrant de la classe. En France, on va déployer un système complexe d'évaluation des technologies de la santé (Health technology assessment) pour différencier les prix de ces médicaments alors qu'en Allemagne, on mettrait tous ces médicaments similaires dans des groupes thérapeutiques (jumbo groups) et on aurait un unique tarif de remboursement. La France a également une forte appétence pour les médicaments récents.
Il faudrait également un système de fixation des prix qui récompense moins cette innovation marginale pour inciter les laboratoires français à investir davantage de financements privés sur l'innovation de rupture. Pour financer l'innovation des médicaments, il faut être moins timoré sur les contrats de partage de risque, qui se diffusent de façon importante dans la plupart des pays de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Leur logique est très intéressante : le prix est fondé sur l'indicateur de l'innovation thérapeutique basé sur l'amélioration du service médical rendu (ASMR), établi sur des corps de patients soigneusement sélectionnés et encadrés, mais on ignore ensuite ce qui se passe en vie réelle. Le régulateur, le CEPS, prend donc un risque quand il accorde un prix potentiellement trop élevé pour un médicament qui ne fera pas ses preuves. La logique des contrats de partage de risques est donc extrêmement séduisante puisqu'elle est censée réduire le risque financier pour le régulateur d'accorder un prix trop élevé par rapport à une efficacité plus faible qu'attendu, le risque économique de ne pas allouer les ressources économiques de la façon la plus efficiente, et enfin le risque de santé publique de faire courir des risques inutiles aux patients. Ces contrats permettent au régulateur et au laboratoire de se mettre d'accord sur un prix d'entrée sur le marché, puis une collecte de données est organisée pendant cinq à dix ans afin de réviser si besoin le prix à la baisse.
Malgré l'intérêt de ces contrats, il faut aussi agiter d'autres leviers. Il faut penser éventuellement à réviser le panier remboursable, pour s'assurer que tous les médicaments qui peuvent être déremboursés le soient afin de laisser plus de place au financement des médicaments innovants.