Intervention de Nathalie Coutinet

Réunion du jeudi 30 septembre 2021 à 16h00
Commission d'enquête chargée d'identifier les facteurs qui ont conduit à la chute de la part de l'industrie dans le pib de la france et de définir les moyens à mettre en œuvre pour relocaliser l'industrie et notamment celle du médicament

Nathalie Coutinet, maîtresse de conférences à l'université Sorbonne Paris-Nord :

Je ne suis pas d'accord sur tout. Je connais mal le modèle belge donc je n'en dirai rien. Concernant l'HERA, je suis en partie d'accord avec M. Frédéric Bizard : c'est une bonne idée, car à mon sens il faut travailler au niveau européen, mais la machine est difficile à bouger. L'agence européenne du médicament bénéficie uniquement aux entreprises, qui se tournent vers ce guichet unique pour obtenir une autorisation de mise sur le marché, mais elle n'a aucun rôle vis-à-vis des patients. Elle pourrait sécuriser les approvisionnements et faire en sorte que la répartition de la production soit européenne.

Je diverge avec M. Bizard sur certains points. Le pouvoir politique pourrait exiger des acteurs pharmaceutiques, pour des raisons notamment de sécurisation de l'accès au médicament, qu'une partie des médicaments remboursés soit produite en France ou, de façon plus pertinente, sur le territoire européen. Les logiques financières sont telles que certaines molécules ne sont produites que dans une seule usine, ce qui entraîne une forte fragilité. Multiplier les sites de production pourrait être exigé par les pouvoirs publics. Pourquoi les pouvoirs publics se sont-ils autant désintéressés de ce secteur si essentiel ? Pourquoi ont-ils complètement laissé aux entreprises privées l'approvisionnement, la recherche et la production sans intervenir, alors que pour les économistes la santé est un bien tutélaire qui doit être régulé par la puissance publique ? La puissance publique a régulé l'activité à l'hôpital et l'arrivée des médecins mais a laissé le médicament dans le champ privé, ce qui est à mon sens une erreur.

La question du prix est l'excuse du syndicat Les entreprises du médicament (LEEM), qui prétend que si les prix augmentent des relocalisations se feront. Je n'y crois pas notamment en raison de la financiarisation. Les entreprises du médicament recherchent le profit. En outre, le LEEM est composé à 80 % par Sanofi seule et interroger le LEEM revient donc à recueillir la position de Sanofi.

Fixer un prix du médicament en fonction de sa valeur est quasiment impossible. J'ai assisté à un colloque à la Banque publique d'investissement (BPIfrance) où des startupers disaient qu'il n'y a pas de limite de prix au médicament. La valeur d'un médicament pour soigner des enfants contre la mucoviscidose n'a pas de prix. On ne peut donc uniquement fixer le prix d'un médicament sur sa valeur thérapeutique, car elle est infinie ; la vie n'a pas de prix. Il faut d'autres mécanismes que la détermination de la valeur pour fixer les prix des médicaments. Il s'agit aussi d'évaluer l'innovation. En cancérologie, beaucoup de médicaments qui arrivent sur le marché sont très peu innovants. En revanche, les prix sont plus élevés qu'ils ne le devraient pour un gain en innovation faible.

Sur la question du financeur unique, à mon sens le 100 % sécurité sociale doit s'appliquer pour le médicament, mais aussi pour les soins de santé. La médecine est à deux vitesses et distingue ceux qui ont une bonne couverture complémentaire pouvant accéder à des soins de qualité, et les autres qui n'ont que la sécurité sociale ou une mauvaise complémentaire et qui n'ont accès qu'à des systèmes de santé hospitaliers avec des temps d'attente très longs. Ce système de double financeurs n'est pas valable économiquement et il génère des inégalités importantes. On en connaît les raisons historiques, mais il faudrait réfléchir autrement aujourd'hui.

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