Intervention de Guirec Le Lous

Réunion du jeudi 7 octobre 2021 à 14h30
Commission d'enquête chargée d'identifier les facteurs qui ont conduit à la chute de la part de l'industrie dans le pib de la france et de définir les moyens à mettre en œuvre pour relocaliser l'industrie et notamment celle du médicament

Guirec Le Lous, président d'Urgo Médical, président de MedTech in France :

Merci de nous permettre de nous exprimer sur le secteur des technologies médicales, qui est doté d'un immense potentiel. La France peut créer des champions mondiaux des technologies médicales susceptibles de faire naître des emplois dans les territoires.

Je suis président d'Urgo Médical, entreprise familiale française très innovante, basée à Dijon, et de MedTech in France, association qui réunit des entreprises françaises des technologies médicales. Au titre d'Urgo, je suis également membre du SNITEM.

Les technologies médicales sont moins bien connues que les médicaments. Il s'agit du prolongement du bras des soignants, de ce que les soignants utilisent au quotidien pour soigner les patients : les scanners, l'imagerie par résonnance magnétique (IRM), les masques, les lits dans les hôpitaux, les systèmes de perfusion, les aiguilles, les pansements technologiques, les cœurs artificiels, font partie de ces solutions très variées, d'intérêt majeur pour les patients. Chacun a déjà utilisé une technologie médicale au cours de sa vie, au bénéfice de votre santé.

Les technologies médicales ont la spécificité de naître de la rencontre d'un médecin et d'un ingénieur. Des technologies issues des secteurs industriels tels que le textile, la plasturgie, ou l'électronique sont utilisées pour être transformées en produits de santé bénéficiant aux patients. Les bandes de compression, dispositif aujourd'hui le plus efficace pour traiter des ulcères de jambes, viennent par exemple de l'industrie textile. Le développement des entreprises de technologie médicale permet de revaloriser des bassins d'emploi en perte de dynamisme grâce à la valeur ajoutée qu'apporte la technologie médicale.

Le secteur des dispositifs médicaux représente autant d'emplois que le secteur du médicament, soit environ 90 000 emplois en France. Le dispositif médical est cependant un secteur beaucoup plus fragmenté, composé à 95 % d'entreprises de taille intermédiaire (ETI) et de petites et moyennes entreprises (PME), regroupant 1 500 entreprises au total sur des technologies et secteurs très variées. Dans tous les territoires, lorsque les conditions de succès de la filière seront réunies, ces PME pourront devenir des ETI et créer davantage d'emplois en exportant leurs technologies vers d'autres pays. Cette fragmentation du marché est aussi un gage de résilience et de solidité, pour le système de santé en France et pour l'emploi dans les territoires.

La crise de la Covid-19 a montré l'importance de ce secteur et des industries de technologies médicales. Disposer d'entreprises françaises de fabrication de masques aurait permis au pays de mieux faire face à la crise. Beaucoup d'autres technologies médicales n'ont pas manqué pendant la crise grâce au tissu industriel solide qui est un gage de résistance face aux crises sanitaires à venir.

Nous avons donc tout pour réussir : de belles entreprises, de bons ingénieurs, de bons chercheurs, de bons médecins. Les talents existent sur le territoire et l'environnement est favorable à l'innovation grâce au soutien à l'innovation à travers la Banque publique d'investissement (BPI) et aux soutiens locaux et régionaux. Donc les nouvelles idées, innovations et produits foisonnent dans ces entreprises, ce qui peut s'avérer bénéfique pour les patients. Des freins apparaissent cependant lorsque le produit doit être remboursé. La première étape du développement d'une technologie médicale consiste à en démontrer l'efficacité et la sécurité conformément aux exigences fixées par la réglementation communautaire, c'est ce qu'on appelle le « marquage CE ». Sur ce point, cette procédure fonctionne bien. Cependant, la seconde étape que représente le remboursement du produit afin que tous les patients y aient accès requiert en France des délais plus longs que dans d'autres pays européens. Les technologies médicales peuvent être remboursées dès le premier jour après l'obtention du marquage CE en Allemagne, et au bout de six mois au Royaume-Uni, alors que les délais s'élèvent à quatre ou cinq ans en France. Ce retard est dommageable pour les patients, qui ne peuvent être traités avec les meilleures innovations et technologies, mais aussi pour les entreprises. Cette attente peut mettre en danger la survie des jeunes pousses (start-ups) qui développent des technologies innovantes. La mise sur le marché doit être accélérée. Des signaux encourageants ont été observés dans la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2021, comme l'introduction de dispositifs d'accès précoces au marché qui ont été appliqués en 2021. Le plan santé 2030 présenté à l'issue du Conseil stratégique des industries de santé en juin 2021 souligne l'importance stratégique du secteur et la volonté d'accélérer l'accès au marché. C'est le premier point sur lequel nous pouvons nous améliorer.

Les paris gagnants représentent une deuxième piste d'amélioration. Certains dispositifs existent sur le marché, leur efficacité a été démontrée et un processus d'évaluation très rigoureux par la Haute autorité de santé (HAS) et d'autres agences a permis de fixer leur prix. Ils sont utiles pour le patient et pour le système de santé, car ils permettent de réaliser des économies. Une quinzaine de ces produits apparaissent chaque année sur le marché, mais ils ne sont pas utilisés auprès de tous les patients qui pourraient en bénéficier. Tous les acteurs doivent mettre en œuvre leurs efforts afin que les patients puissent y accéder. Cela est un enjeu d'équité d'accès aux soins, mais cela permettrait également au système de santé de faire des économies et aux entreprises du secteur de se développer beaucoup plus rapidement. Cela permettrait de créer un environnement favorable au secteur des technologies médicales.

Enfin, un très grand risque est apparu pour le secteur avec le nouveau règlement européen (UE) 2017/745 du 5 avril 2017 relatif aux dispositifs médicaux dit « Medical Device Regulation » (règlement MDR), entré en application en 2021, qui introduit d'importants changements dans le secteur. Je crains qu'il n'entraîne des risques de délocalisation, de perte de compétitivité et de manque d'accès à certains produits pour les patients français.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.