Intervention de François-Régis Moulines

Réunion du jeudi 7 octobre 2021 à 14h30
Commission d'enquête chargée d'identifier les facteurs qui ont conduit à la chute de la part de l'industrie dans le pib de la france et de définir les moyens à mettre en œuvre pour relocaliser l'industrie et notamment celle du médicament

François-Régis Moulines, directeur des affaires gouvernementales au sein du syndicat national de l'industrie des technologies médicales (SNITEM) :

Je représente le SNITEM, organisation référente du secteur des dispositifs médicaux à laquelle adhèrent plus de 550 entreprises, qui sont à la fois des start-ups, des PME françaises, quelques ETI, et des groupes européens et internationaux.

Plus de 90 % des entreprises du secteur du dispositif médical sont des PME. Il s'agit d'un secteur industriel, au cœur du numérique en santé, car ce matériel médical nécessite un très grand nombre de composants et de main-d'œuvre. Aux 90 000 emplois directs de ce secteur s'ajoutent ceux de la sous-traitance. Le SNITEM réalise actuellement une étude sur la sous-traitance qui sera disponible en janvier 2022. Ce secteur repose sur l'innovation de rupture, mais également sur l'innovation incrémentale ou graduelle. Le dispositif médical représente en France 30 milliards d'euros de chiffre d'affaires et 9 milliards d'euros à l'export. La balance commerciale reste cependant déficitaire, avec un déficit d'environ 2 milliards d'euros.

La Covid-19 a démontré que l'industrie de santé est un secteur stratégique, ce qui est bien assumé en France, constitué d'une chaîne d'acteurs publics et privés allant de la recherche fondamentale à la distribution des produits de santé. Ce secteur soulève l'enjeu des collaborations publiques privées. Il est soumis à des mécanismes de solvabilisation collective et pose la question de la maîtrise des dépenses, mais les prix sont administrés. C'est l'un des secteurs les plus réglementés et les exigences sont constamment renforcées sur le plan sanitaire, mais également sur le plan des préoccupations environnementales. Comme dans tout secteur, les gains dépendent des prix et doivent être supérieurs aux coûts, ce qui nécessite d'avoir un accès suffisamment rapide à un marché assez large tout en garantissant le préalable de la sécurité sanitaire.

Chaque industriel du dispositif médical a ses particularités, qui doivent être comprises par le régulateur et qui diffèrent de celles du médicament. Assimiler ces deux secteurs serait une erreur profonde, notamment sur le plan industriel. Le dispositif médical repose sur une chaîne de production complexe. Les produits sont très variés pour une petite population cible de patients. Il s'agit donc souvent de petites séries de fabrications, avec un grand nombre de référencements pour répondre à tous les profils. Le coût de production d'un dispositif médical n'est donc jamais marginal. Il est ainsi difficile de créer des économies d'échelle, du fait de la diversité des matières premières et des composants. Le dispositif médical est soumis à une augmentation très forte du coût des matières premières et des transports, mais du fait des prix administrés, il ne peut ajuster les prix comme les autres secteurs industriels. Enfin, le dispositif médical repose sur l'innovation graduelle de tous les sous-secteurs sur lesquels il s'appuie, comme la mécanique, l'informatique, le textile, la métallurgie ou la plasturgie.

Il faut aider les entreprises françaises à croître et à investir massivement dans la science et l'innovation incrémentale. C'est un facteur de croissance et notre meilleur avantage comparatif. Nous devons également veiller à l'attractivité de notre territoire. Plusieurs grandes entreprises internationales investissent sur notre territoire et créent de nombreux emplois. Ils emploient environ 41 000 personnes.

Pour y parvenir, les marges doivent rester soutenables. La régulation économique doit être proportionnée aux capacités contributives de ces secteurs. Il semblerait que l'objectif d'économie pour les dispositifs médicaux du PLFSS 2022 soit estimé à 200 millions d'euros. Alors que la crise sanitaire n'est pas terminée, il n'est pas soutenable d'atteindre le même montant d'économies qu'en 2020. Le système de régulation doit prendre en compte l'ensemble de la chaîne de soins. Lors du Conseil stratégique des industries de santé (CSIS), le Président de la République et la ministre déléguée chargée de l'Industrie ont relevé les problèmes de pression des prix sur les produits de santé et ont rappelé que davantage d'importance a été accordée à la maîtrise des dépenses qu'aux aspects industriels, jusqu'à présent. Le CSIS s'oriente dans la bonne direction en veillant aux délais et aux conditions d'accès au marché pour éviter des exclusions brutales. Je suis très inquiet du projet de décret sur le référencement sélectif qui sera prochainement annoncé. Il prévoit des appels d'offres en ville pour obtenir les prix les plus bas et le déremboursement de produits qui sont actuellement dans la liste des produits de prestation.

Mes préconisations sont donc la simplification, l'adoption d'une approche européenne et mondiale, une meilleure visibilité, et la création de conditions de développement de la recherche et des activités économiques sur le territoire. L'ensemble de la chaîne, depuis la recherche jusqu'à la transformation du système de santé, doit être pris en compte. Nous pouvons nous inspirer des idées observées à l'étranger.

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