Nous ne parlons pas de technologies hors d'atteinte mais de technologies abordables, à portée de main. C'est ce qui rend d'autant plus inacceptable la situation. J'ai écrit un livre sur l'incitation à la formation scientifique il y a trente ans et je n'en ai pas changé une ligne. À l'Académie des sciences, j'ai récemment réalisé que l'opinion que je soutenais autrefois – et qui était minoritaire et isolée – est désormais partagée. Si vous voulez connaître mon sentiment, je crois que nous avons laissé dériver la formation scientifique vers une formation excessivement conceptuelle. Lorsque j'étais ministre de l'Éducation nationale, j'avais lancé, avec le lauréat du prix Nobel M. Georges Charpak, l'opération « la main à la pâte » qui ménageait une transition vers la formation scientifique non par le conceptuel mais par l'objet, par tout ce qui permettait de se représenter une opération mathématique ou de sciences physiques à partir du réel. Les mathématiques modernes et le basculement vers le conceptuel ont, dans une certaine mesure, rompu les chaînes de transmission du savoir à l'intérieur des familles. Même si cela parait réactionnaire, cela a joué un rôle dans la perte d'adhésion des élèves et de leurs familles à ce que l'on enseignait parce que sur le cahier que les enfants rapportaient à la maison, on ne comprenait plus ce qui était écrit. Auparavant, les grands-mères étaient encore en mesure de résoudre les problèmes de bassins qui se vidaient parce qu'il s'agissait de problèmes compréhensibles. On en est un peu revenu – quoique je ne mettrais pas ma main à couper. Je ne crois pas que l'on puisse se limiter à une approche conceptuelle : l'enfance a besoin de représentations concrètes.