Intervention de Pascale Augé

Réunion du jeudi 28 octobre 2021 à 14h30
Commission d'enquête chargée d'identifier les facteurs qui ont conduit à la chute de la part de l'industrie dans le pib de la france et de définir les moyens à mettre en œuvre pour relocaliser l'industrie et notamment celle du médicament

Pascale Augé, présidente du directoire d'Inserm Transfert :

Je vous remercie de nous faire l'honneur de cette audition. Je tiens à préciser qu'au-delà de mon mandat de présidente du directoire d'Inserm transfert, je suis administratrice du groupe pharmaceutique Laboratoire français du fractionnement et des biotechnologies (LFB), nommée par l'assemblée générale sur proposition de l'État.

Je suis également membre du conseil de surveillance du fonds d'amorçage en sciences de la vie Inserm Transfert Initiative, ainsi qu'administratrice des sociétés d'accélération du transfert de technologies (SATT) Aquitaine science Transfert, Sud-Est et Erganeo, pour le compte de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm). Enfin, je suis administratrice du réseau C.U.R.I.E, l'association française des structures de valorisation françaises.

La mission de l'Inserm, dédiée à la recherche médicale, consiste à améliorer la santé de tous par le progrès des connaissances sur le vivant, sur les maladies, par l'innovation dans les traitements et également par la recherche en santé publique.

La recherche à l'Inserm consiste principalement en la découverte de nouvelles cibles thérapeutiques qui seront potentiellement à l'origine de nouveaux médicaments, et aussi à la découverte de biomarqueurs biologiques, cliniques, digitaux ou mixtes, à l'origine de solutions de type diagnostic, pronostic, ou théranostique.

Inserm Transfert est une filiale privée à 100 % de l'Inserm. Elle a pour mission de transformer des résultats de recherche et des découvertes scientifiques en innovations thérapeutiques. Elle cherche également à les transférer au monde économique, soit par la création d'entreprises, soit par des relations partenariales directes avec les industriels.

Les laboratoires académiques se situent en amont de la chaîne de valeur de l'innovation. Ils ont donc pour rôle de générer des résultats de recherche à un fort niveau d'excellence mondiale et d'être sources de découvertes scientifiques.

Les structures de valorisation comme Inserm Transfert accompagnent les scientifiques et les cliniciens dans la détection de leurs innovations et dans la protection de celles-ci afin de mettre la France dans une situation de compétitivité mondiale. Il s'agit aussi de les aider à développer les premières étapes de leurs innovations jusqu'à la preuve de concept.

Ensuite, le transfert est nécessaire. Dans le domaine de la santé, les étapes du développement sont très longues et seuls les industriels, que ce soit par le biais de jeunes pousses (start-ups), entreprises de taille intermédiaire (ETI), ou des grands comptes, peuvent emmener ces innovations aux patients et sur le marché.

Inserm Transfert s'attache plus particulièrement à sourcer et à identifier les résultats de recherche qui pourront devenir une innovation, avec 500 à 600 chercheurs ainsi rencontrés tous les ans. Inserm Transfert accompagne les cliniciens et les chercheurs dans la structuration de leurs cohortes de patients, avec des études longitudinales de patients ou de population générale qui permettent de comprendre l'histoire d'une maladie et de mieux travailler l'innovation ensuite.

Inserm Transfert cherche aussi à détecter les inventions avec entre 250 et 300 déclarations d'inventions par an en moyenne et protège ces innovations au meilleur niveau mondial. L'Inserm est le premier déposant européen dans la catégorie pharmaceutique depuis plus de cinq ans, le septième déposant français tous secteurs, le 83e déposant mondial et parmi les dix déposants français inclus dans le classement des cent plus grands déposants mondiaux avec environ 120 à 150 nouveaux dépôts de brevets par an.

Il s'agit aussi de développer les innovations le plus loin possible : l'Inserm et Inserm Transfert ont investi plus de 20 millions d'euros depuis 2009 dans la preuve de concept sur plus de 300 projets. Lorsque ces projets ont une maturité et un degré d'acceptabilité suffisants pour les industriels ou les investisseurs dans le cadre de la création d'entreprises, ils sont transférés au monde économique par tous types d'accords.

L'accompagnement de la création d'entreprise est un sujet central pour une structure de valorisation telle que l'Inserm Transfert depuis son origine. Elle a notamment créé le fonds d'amorçage Inserm Transfert Initiative. Depuis 2017, Inserm Transfert a renforcé son accompagnement des chercheurs fondateurs pour qu'ils deviennent des « fondateurs éclairés » capables de porter une start-up sur des fonds baptismaux solides, avec une capacité forte de croissance et de création de valeur, ce qui représente environ 80 nouveaux projets de création d'entreprises depuis 2017. Globalement, les start-ups créées par l'Inserm sur les 15 dernières années ont à peu près levé 1 150 millions d'euros, témoignant de la qualité des innovations de l'Inserm et de l'accompagnement d'Inserm Transfert.

Enfin, Inserm Transfert accompagne les chercheurs dans leur recherche de financements collaboratifs européens ou nationaux, je pense ici en particulier au programme Horizon 2020 et éventuellement au dispositif de recherche hospitalo-universitaire (RHU), pour faire avancer leurs recherches et leurs innovations.

Le développement du médicament est un secteur de collaboration historique et très important entre la recherche publique et les entreprises. De nombreuses innovations thérapeutiques qui arrivent sur le marché, y compris dans les grands groupes mondiaux, proviennent directement ou indirectement de la recherche publique académique mondiale.

En ce qui concerne l'Inserm et ses développements thérapeutiques, trois médicaments sont aujourd'hui sur le marché. Une cinquantaine de médicaments est en phase clinique, une dizaine en phase 3, une vingtaine en phase 2, une vingtaine en phase 0 ou 1 et environ le double en phase préclinique. 80 à 90 % des médicaments en phase clinique le sont par des partenaires industriels car ces phases tardives sont très capitalistiques. Elles nécessitent de conclure des partenariats avec des industriels ou des start-ups capables d'aller au bout du processus, comme la société française de biotechnologies GenSight avec le Lumevoq, un des trois médicaments issus de l'Inserm mis sur le marché.

Une réflexion autour de la sélectivité des innovations mériterait d'être travaillée, de façon à construire une « canalisation » (pipeline) nationale qui serait à mettre en regard de la compétitivité mondiale. La structuration de nos start-ups et leur solidité sont clairement des éléments clés de l'avenir et de la réindustrialisation de notre pays.

La consolidation de ces start-ups ou de nos petites et moyennes entreprises (PME) françaises avec de nouvelles technologies qui proviennent du monde académique est également un sujet d'avenir, tout comme le véritable besoin de fonds privés dans notre pays.

Enfin, la vraie différence entre la France et plus globalement l'Europe avec un pays comme les États-Unis réside dans la présence de places boursières avec de vraies liquidités qui permettent de financer de grandes levées de fonds.

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