Intervention de Pascale Augé

Réunion du jeudi 28 octobre 2021 à 14h30
Commission d'enquête chargée d'identifier les facteurs qui ont conduit à la chute de la part de l'industrie dans le pib de la france et de définir les moyens à mettre en œuvre pour relocaliser l'industrie et notamment celle du médicament

Pascale Augé, présidente du directoire d'Inserm Transfert :

J'apporterai préalablement quelques éléments de réponses à la question précédente relative à la montée en puissance des start-ups dans le domaine de la santé.

Cette montée en puissance commence souvent par un tour d'amorçage, de l'ordre de 4 à 6 millions d'euros dans le domaine de la santé, avec la thérapeutique qui demeure le plus capitalistique même s'il ne faut pas sous-estimer la quantité d'argent nécessaire pour faire un bon dispositif médical de santé digitale. Ensuite, il y a la série A avec des montants de l'ordre de 10 à 15 millions d'euros, voire 20 millions d'euros. L'amorçage et la série A, en tout cas au moins l'amorçage, peuvent être effectués avec des investisseurs en capital-risque ou des investisseurs providentiels (business angels) purement français.

Lorsque les montants dépassent 20 millions d'euros, les projets s'inscrivent souvent dans le cadre d'une syndication entre investisseurs français et internationaux puisque les investisseurs français ne sont pas capables de porter seuls des syndications de long terme. Cependant, ce n'est pas nécessairement un sujet majeur.

Au-delà de 30 à 50 millions d'euros selon les sous-domaines de la santé humaine, il s'agit de la série B. Jusqu'à la série B, les choses se font assez bien et nous avons en tout cas une quantité d'entreprises. Je pense notamment à ENYO Pharma dans le domaine des virus, ImCheck Therapeutics en oncologie ou encore Innoskel pour les thérapies géniques.

Les vrais sujets pour pouvoir faire des relais de croissance et faire passer nos belles start-ups à des PME voire des ETI arrivent après. Lorsque nous avons besoin après la phase de série B d'une série C autour de 100 ou 150 millions d'euros voire plus, il est nécessaire d'avoir en France des fonds capables de suivre sur des montants aussi élevés pour pouvoir mettre en place des syndications nationales. Nous en avons trop peu en science de la vie.

Nous avons cependant de nombreux fonds qui travaillent très bien avec les académiques. Ils sont de moindre envergure mais ils permettent de beaux tours d'amorçage et des séries A. Je pense entre autres à Advent et à Kurma, avec lesquels nous entretenons une relation forte. Ces fonds ne pourront cependant porter les actifs académiques seuls. Ils auront des relais français ou internationaux. Or il faut savoir que plus les relais internationaux seront dominants, plus le prisme des start-ups sera international.

Il faudrait néanmoins que nous parvenions à des tours suffisamment grands pour pouvoir créer une masse critique pour les sociétés sur le territoire français en termes de recherche et développement (R&D), mais aussi de développement de leur modèle économique et de leurs relations commerciales pour éviter qu'elles puissent être délocalisées du jour au lendemain.

Par ailleurs, s'il est important de créer, il l'est tout autant de consolider. Nous avons un certain nombre de start-ups ou de PME qui existent depuis un certain temps et la question peut se poser de savoir s'il est vraiment pertinent de créer des start-ups qui les concurrenceront. Il sera en effet difficile de trouver un réseau d'investisseurs pour investir dans un projet similaire. Il pourrait être préférable de s'adresser à ces PME déjà existantes. Selon nous, cette notion de consolidation des acteurs existants de type PME n'a pas encore été suffisamment travaillée. Cela demanderait d'y consacrer du temps et de trouver des incitations, par exemple pour les chercheurs-inventeurs des nouveaux actifs pour qu'ils aient une place dans la future société.

Par ailleurs, lorsque ces sociétés auront une taille raisonnable, elles auront des besoins capitalistiques importants : soit nous les ancrons dans le long terme en leur permettant d'accéder à du capital de développement et non plus du capital-risque, soit nous sommes capables de les faire sortir avec une introduction en bourse ( initial public offering – IPO) sur des marchés avec des places boursières aux liquidités importantes.

Or, nous avons peu de places boursières avec des liquidités importantes en Europe. Cela explique que de nombreuses entreprises se tournent vers les États-Unis et le Nasdaq car c'est une de leurs seules façons de lever des quantités d'argent significatives pour qu'elles puissent se développer. Il y a des places boursières en Europe, mais elles n'ont aujourd'hui visiblement pas assez de liquidités ou en tout état de cause ne déclenchent pas assez d'appétence pour que nos sociétés européennes puissent se développer par la voie de l'IPO.

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