Les sociétés adhérentes à notre syndicat contribuent à la constitution du prix de revient de fabrication (PRF) des automobiles : nous traitons pour environ 70 à 80 % du prix de revient d'un véhicule neuf. Elles ont réalisé un chiffre d'affaires d'environ 19 milliards d'euros en 2019, qui a chuté de 28 % pour s'établir à 13 milliards d'euros en 2020 avec la crise de la Covid-19. Par ailleurs, 54 % de ce chiffre d'affaires est réalisé grâce à l'export. Toutefois, la balance commerciale des équipementiers automobiles, très longtemps excédentaire, est devenue déficitaire depuis 2016 et l'est encore à ce jour. Enfin, ces sociétés emploient environ 62 000 personnes sur le territoire français, contre 71 000 en 2019, sachant que ces effectifs sont en diminution structurelle depuis quinze ans.
Le contexte de l'activité des équipementiers s'est mondialisé et complexifié depuis la fin des années 1980. En outre, depuis ces deux dernières années, les conditions des marchés ont été particulièrement bouleversées. La pandémie liée à la Covid-19 a entraîné un arrêt des usines en avril 2020. Elle a été suivie par une crise des composants électroniques provoquant des arrêts de production, tant au niveau des équipementiers que des constructeurs, et un renchérissement du prix des matières premières, de l'énergie et des coûts de transport. Or ces perturbations dureront au moins de mon point de vue jusqu'à la fin de l'année 2022. Elles fragilisent nos entreprises et rendent leur adaptation à la transition énergétique et plus généralement aux mutations en cours de plus en plus difficile. L'industrie automobile fait face, dans un contexte extrêmement concurrentiel, à une révolution technologique de très grande ampleur avec l'électrification de la chaîne de traction, la digitalisation et la modification des usages de la mobilité. En outre, ces évolutions se font dans un contexte d'accélération de la réglementation européenne et nationale qui tendrait à avancer le calendrier de mise en place d'une transition énergétique visant l'atteinte de la neutralité carbone pour 2050. Toutes nos entreprises souscrivent évidemment à cet objectif, mais nous nous interrogeons sur ses conséquences à court terme pour nos entreprises et l'emploi qu'elles représentent sur le territoire national.
La part de la production française de véhicules légers dans la production européenne et mondiale a fortement chuté entre 2005 et 2020, diminuant de 5,5 % à 1,8 % de la production mondiale et de 20 % à 9,5 % de la production européenne. Cette baisse sous le seuil de 2 % de la production mondiale est inédite. La France, un des pays moteurs dans l'invention et le développement de l'industrie automobile du XXe siècle, n'occupe plus que la treizième place mondiale et le troisième rang européen derrière l'Allemagne et l'Espagne. Elle a produit 1 316 371 véhicules en 2020, contre 1 369 705 pour la Russie et 1 264 689 pour la Turquie. La production automobile en Allemagne a connu une chute moins marquée. En effet, la production automobile allemande représente encore 5,1 % de la production mondiale et 27,5 % de la production européenne, contre respectivement 8,1 % et 29,4 % il y a quinze ans. En outre, elle maintient sa position de chef de file européen dans les véhicules haut de gamme, tant au niveau de la qualité perçue que de la recherche et développement (R&D).
Enfin, les constructeurs allemands détiennent grâce à leurs coentreprises 25 % des parts du marché chinois qui est le premier marché mondial et connait une croissance continue, contre moins de 1 % pour les producteurs français. Les constructeurs français sont donc peu présents hors d'Europe, alors que l'Allemagne exporte plus de 50 % de sa production nationale. Par ailleurs, la France ne produit plus que 1,3 million de véhicules en 2020 avec la crise sanitaire contre 3,5 millions en 2005. Or le rythme de production devrait stagner, pour les années prochaines, à 1,5 million de véhicules produits par an en France. La faiblesse de ces volumes rend extrêmement difficile voire impossible l'absorption des coûts fixes sur le seul marché domestique, fragilise la rentabilité des entreprises et leur capacité de développement à l'international, ainsi que leur adaptation aux conditions de la transition énergétique qui renchérit très sensiblement les coûts de R&D à court et moyen terme.
L'industrie automobile est mondialisée, avec des marchés matures en faible croissance en particulier en Europe de l'Ouest et des marchés émergents en forte croissance. Les constructeurs et les équipementiers ont dû s'adapter à cette évolution pendant les vingt dernières années. Or le pouvoir d'achat des consommateurs finaux est un élément fondamental des stratégies marketing et industrielles que les constructeurs, les équipementiers et les fournisseurs ont dû mettre en place. La rentabilité de nos entreprises dépend du prix de vente des véhicules qui est fortement dépendant du pouvoir d'achat des consommateurs finaux, de l'image de marque et de la qualité perçue. Pourtant, en parallèle, les coûts de conception, de développement et de commercialisation des sous-ensembles et du produit fini doivent continuellement être réajustés à la baisse depuis de nombreuses années pour tenir compte des conditions évolutives du marché.
Dans ce contexte d'économie ouverte, la compétitivité de la France sous tous ses aspects, c'est-à-dire à la fois en termes de coût, d'attractivité du territoire et de ses normes sociales et environnementales a été, est et restera encore pour longtemps de mon point de vue le facteur fondamental pour le maintien ou non de la fabrication sur le territoire national. En outre, le développement de l'industrie automobile dans les pays émergents à faible coût de fabrication a eu pour effet l'apparition de nouvelles compétences offrant des opportunités d'approvisionnement à faible coût et qualité équivalente qui n'existaient pas auparavant. Enfin, les stratégies marketing, commerciales et d'implantations industrielles des constructeurs, équipementiers et fournisseurs ont tenu compte des politiques fiscales et réglementaires des États pour optimiser les coûts de production. Dans certains cas, elles ont concouru à une délocalisation et une perte de production sur le territoire national.