Le niveau de participation de l'État actionnaire dans les entreprises du portefeuille résulte de mouvements de l'Histoire. Deux vagues de nationalisations sont survenues après la guerre et en 1982, et ont été suivies de vagues de privatisation. Nous avons ensuite assisté à des évolutions progressives de la participation de l'État dans les entreprises en 1986 et 1993 avant l'ouverture du capital de participation. 9 des 11 entreprises cotées du portefeuille sont des entreprises privées dans lesquelles nous sommes minoritaires. Les deux autres, dans lesquelles nous avons une participation majoritaire, sont Paris Aéroport et EDF. La grande majorité des entreprises non cotées sont publiques. L'État y est minoritaire dans quelques-unes d'entre elles. La seule grande entreprise dans laquelle notre participation est minoritaire est La Poste, dont la majorité du capital, depuis la création du grand pôle financier public, a été transférée à la Caisse des Dépôts à l'occasion de l'apport de la Caisse nationale de prévoyance (CNP) à la Banque Postale.
Il n'existe pas de règle concernant le bon niveau de participation au capital des entreprises. La seule règle est celle de la mission du service public, pour les grands services publics où nous sommes majoritaires ou pour lesquels la Caisse des dépôts assure un contrôle. Pour les entreprises privées cotées dans lesquelles nous sommes minoritaires, le premier critère pour garder une influence dans la gouvernance est que l'État conserve un poids dans le conseil d'administration suffisant pour peser dans les décisions. Depuis l'ordonnance n° 2014-948 du 20 août 2014 relative à la gouvernance et aux opérations sur le capital des sociétés à participation publique, notre représentation est proportionnelle à notre poids dans le capital. Il faut également considérer le poids en assemblée générale. Dans la plupart des entreprises cotées privées dans lesquelles nous sommes minoritaires, nous avons une minorité de blocage du fait de l'instauration du droit de vote double. L'ancienneté de l'État nous octroie un droit de vote plus important. Chaque cas est ensuite particulier. Nous détenons 15 % du capital de Renault, mais Nissan en détient également 15 %. Nissan n'a pourtant pas de droit de vote aujourd'hui. La configuration actionnariale est donc particulière et tout mouvement de l'État doit être mesuré avec attention. Nous sommes redevenus le premier actionnaire d'Air France – KLM à hauteur de 28 %, mais nous devons considérer les autres actionnaires comme l'État néerlandais, la compagnie chinoise China Eastern, et la compagnie américaine Delta. L'évolution de la participation de l'État dans ces entreprises doit être mesurée à l'aune du poids des actionnaires non français.
Vous me demandez si, dans le cas où l'État se retirait de ces entreprises, une action de préférence suffirait. La réponse dépend des cas. Une action de préférence ne permet plus de disposer d'aucun pouvoir de gouvernance. Elle permet seulement de bénéficier d'un pouvoir sur des décisions stratégiques majeures. Nous avons une action spécifique chez Engie qui protège toute cession des infrastructures et des structures de stockage des gaz, car il s'agit d'infrastructures vitales pour le pays qui ne peuvent faire l'objet d'un changement de contrôle sans garantie prise par les pouvoirs publics. Si nous ne faisions pas partie du capital d'Engie et que nous gardions uniquement cette action spécifique, ces infrastructures seraient protégées, mais nous ne pourrions peser dans la gouvernance. La réflexion sur le poids de l'État actionnaire dans les entreprises dans le futur doit prendre en compte la question de l'actionnariat français et européen dans les entreprises de taille importante pour leur secteur. Il faut se protéger d'un transfert de pouvoir dans la gouvernance et la gestion courante de l'entreprise qui mettrait en péril les centres de décision et la valeur ajoutée R&D en France, ainsi que les emplois et les activités sur le territoire.