Intervention de Martine Balençon

Réunion du jeudi 24 septembre 2020 à 14h00
Commission d'enquête pour mesurer et prévenir les effets de la crise du covid-19 sur les enfants et la jeunesse

Martine Balençon, pédiatre-médecin légiste, présidente de la Société française de pédiatrie médico-légale :

Pour la pédiatrie, notamment médico-légale, la crise sanitaire a bousculé les lignes. Dès le début du confinement en mars, nous nous sommes retrouvés dans un silence assourdissant, nous qui étions coutumiers de rencontrer des enfants victimes de violences. Il ne restait que le Covid. Rapidement, la Société française de pédiatrie médico-légale et nos services respectifs se sont demandé comment faire face à la crise. Nous avons constaté que le problème des enfants en danger était extrêmement prégnant et qu'il nécessitait une réflexion et des actions de notre part. Il fallait également réfléchir aux modalités de nos consultations, en présentiel ou à distance. Si les consultations à distance ont amené de nouvelles façons de consulter, les consultations en présentiel restent primordiales en pédiatrie.

Le 119 et les communications autour des violences faites aux femmes ont rendu visible le phénomène des violences intrafamiliales. Ils ont aussi probablement permis à la population de lancer des alertes sur les violences et de réagir face à cela.

Dans mon hôpital comme en France, l'activité des urgences pédiatriques a baissé de 30 à 70 %. Notre activité relative aux violences faites aux enfants est restée strictement la même. Néanmoins, nous avons reçu moins de saisines par les services de l'école, puisque les enfants n'étaient plus présents dans les écoles, et plus d'alertes par les voisins qui avaient connaissance de huis clos ou de violences.

En tout cas, les urgences pédiatriques des hôpitaux sont restées ouvertes pour les enfants victimes de violences pendant toute la période du confinement. La justice a également continué à gérer notamment les privations de liberté. Les affaires courantes étaient traitées avec plus de distance que les flagrances, ce que l'on peut comprendre aisément.

Ainsi, nous nous sommes retrouvés comme étant la porte d'entrée des enfants en danger, tandis que nous avons pu collaborer avec les acteurs qui étaient sur le terrain (PMI, enquêteurs) ou qui parfois travaillaient à distance, sur du travail social et judiciaire, et cela était très précieux. Dans notre quotidien routinier, certains freins nous empêchent parfois d'agir. Or, en pédiatrie médico-légale, nous voulons faire tomber ces freins.

Finalement, le tout-venant a diminué et le Covid a mis en évidence que les violences existaient, certes avec des particularités. Nous avons probablement reçu moins de petits enfants, car s'ils pleurent et ont des lésions sentinelles, ils ne peuvent pas passer des appels téléphoniques ; s'ils ne sont pas amenés par leurs parents, nous ne les voyons pas. Nous avons reçu plus d'enfants de 2 à 10 ans dans notre service.

Le côté positif de cette crise est que nous pouvons agir ensemble dans une dynamique de pédiatrie médico-légale : les enfants nous sont adressés et nous pouvons les prendre en charge.

Un autre point à souligner est que les violences faites aux femmes ont représenté une activité importante de nos collègues enquêteurs et du parquet. Pour autant, il est important de redire dans cette commission que les violences intrafamiliales sont non seulement les violences faites aux femmes ou aux hommes, mais aussi aux enfants. Elles ont un facteur commun dont il faut s'occuper, à savoir une grande vulnérabilité, mais il est essentiel de ne pas confondre ces violences. Il est important que les enfants aient un traitement distinct des femmes. Nous ne devons pas faire l'erreur de penser que les femmes ne sont jamais maltraitantes. Par ailleurs, les enfants ne sont pas de mini-adultes. À ce titre, il faut faire un fléchage particulier sur la prise en charge des violences qui leur sont faites, qui doivent être distinguées des autres violences faites aux femmes, ou encore en gériatrie.

Nous avons aussi observé notre capacité à travailler de façon éthique durant le confinement, sans dissocier le constat du soin ni le somatique du psychique. Nous avons pu réaliser des prises en charge globales parce que nous avons travaillé ensemble.

Par ailleurs, nous avons beaucoup moins vu d'enfants placés en institution ou en alternance de garde entre père et mère. Or les enfants qui ont pu se poser au cœur de leur parcours et avoir des temps centrés sur leur intérêt allaient mieux. C'est un message important à passer.

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