Intervention de Nathalie Vabres

Réunion du jeudi 24 septembre 2020 à 14h00
Commission d'enquête pour mesurer et prévenir les effets de la crise du covid-19 sur les enfants et la jeunesse

Nathalie Vabres, pédiatre au CHU de Nantes, membre du bureau de la Société française de pédiatrie médico-légale :

Par exemple, à la reprise de l'école, un garçon de 7 ans n'avait pas de couverts pour son pique-nique à l'école et aucun adulte ne lui a prêté de couverts. Cela peut paraître tout bête, mais il a fait pipi dans sa culotte l'après-midi alors que cela ne lui était jamais arrivé. Le soir, quand il est rentré, il n'a pas pu expliquer ce qui s'était passé. Il n'a pas osé manger avec ses doigts et aucun adulte ne lui a prêté de fourchette alors que nous savions largement à cette période qu'il suffisait de laver la fourchette sans que cela ne pose problème.

Ce sont aussi des frères et sœurs qui ne peuvent pas être ensemble à la cantine ou à l'intercours dans une école primaire, alors qu'ils habitent dans la même maison.

Chez les moins de 10 ans, certaines données montrent que nous pouvons faire fonctionner notre bon sens. Pour l'enfant choyé par des parents qui s'ajustent à lui et qui respectent ses besoins fondamentaux, ces tracasseries ou petites maltraitances institutionnelles seront compensées. En revanche, pour les enfants plus vulnérables, soit parce qu'ils ont des parents maltraitants soit parce que leurs parents eux-mêmes sont vulnérables, carencés, dépendants d'une drogue, en situation monoparentale ou incapables de s'ajuster, ces petites humiliations, difficultés ou manques de bienveillance ne seront pas compensés et ils peuvent générer de graves dégâts chez les enfants.

Pour les plus petits qui sont face à une personne masquée toute la journée et qui sont carencés dans leur développement du fait d'un milieu familial insuffisamment étayant, la situation devient très compliquée. Cela l'est d'autant plus si les étayages habituels sont absents, tels que les professionnels de l'enfance intervenant à domicile ou les instituts, qui ont fermé.

Dans un autre exemple, un enfant d'environ 8 ou 9 ans souffrant de troubles du neurodéveloppement est placé parce qu'il subit des maltraitances. Il s'agite beaucoup et il est en grande difficulté. Durant toutes les vacances scolaires, il va dans un établissement spécialisé d'un département voisin. À chaque retour de cette structure, l'équipe de protection de l'enfance constate une amélioration de ses troubles, car il y est bien et il y retrouve des amis. Cet établissement a été fermé par décision préfectorale avec interdiction d'accueillir un groupe de moins de quinze enfants, alors que, selon les données disponibles sur le Covid, l'accueil aurait pu être maintenu.

À la fois pour cette crise et pour une éventuelle autre, voilà comment nous pouvons mettre tous les enfants au centre de nos préoccupations, et particulièrement les enfants vulnérables, car l'enfant est notre avenir. À chaque fois que nous prenons une mesure, nous devons réfléchir au bénéfice/risque par rapport à son développement et à ses droits, et ce, dans une démarche éthique. Je pense que nous ne nous sommes pas toujours comportés de manière éthique et je voulais vous faire part ici de ma colère par rapport à cela.

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