Intervention de Michel Dugnat

Réunion du jeudi 24 septembre 2020 à 14h00
Commission d'enquête pour mesurer et prévenir les effets de la crise du covid-19 sur les enfants et la jeunesse

Michel Dugnat, pédopsychiatre, praticien hospitalier responsable de l'Unité d'hospitalisation conjointe parents-enfant du service de psychiatrie infanto-juvénile du Pôle de psychiatrie de l'Assistance publique-hôpitaux de Marseille :

Je suis le seul « faux docteur » à cette table. À côté des docteurs en sciences ici présents, je suis le seul médecin, avec simplement un doctorat d'exercice.

Je vous invite à être attentifs à la question de la vérité, qui pose la question de la scientificité, de l'utilisation des données. Je vous invite à vous interroger sur la scientificité de certains discours qui présentent les formes de la science, c'est-à-dire qui font appel à des questions de chiffres ; mais il ne suffit pas d'avoir des chiffres pour avoir un point de vue scientifique. Je dirai toute la vérité en la simplifiant, car si nous rentrions dans des questions techniques avec les collègues qui m'entourent, ce serait compliqué.

Je suis très honoré d'exposer ici le point de vue de l'alliance francophone pour la santé mentale périnatale. Ce n'est pas une société scientifique de plus, mais un assemblage des sociétés qui représentent les techniciennes en intervention sociale et familiale (TISF), lesquelles ont joué un grand rôle dans la crise du Covid, et les collègues rassemblés dans le Collège national des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF), dans le Collège national des sages-femmes de France (CNSF) ou dans la Fédération française de psychiatrie.

Ces différentes sociétés et les sociétés scientifiques de pédiatres se sont rassemblées dans un groupe informel pour essayer de faire progresser la santé psychique ou mentale des bébés. Nous essayons de penser ce qui s'est passé pour eux, de l'âge de « moins 9 mois » à 18 mois. Les bébés ne parlent pas ; la question de savoir ce qui se passe pour eux est donc complexe et elle a des dimensions éthiques.

Je suis le porte-parole à la fois de l'Association Nationale des Psychologues pour la Petite Enfance (ANAPSYpe) qui rassemble les psychologues des unités ou des crèches, de Mme Abdou, la femme que j'ai continué à suivre à domicile seul, de l'Union nationale de familles et amis de personnes malades et/ou handicapées psychiques (UNAFAM), ou de la Fédération Nationale des Patients en Psychiatrie (FNAPSY). Cet ensemble de personnes a souhaité de faire progresser la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2021 en proposant l'adoption d'amendements pour obtenir des crédits pour les bébés, outre les 20 millions d'euros supplémentaires pour cent départements, soit 200 000 euros par département ensemble.

Comme la PMI, la pédopsychiatrie est une institution en pleine difficulté et en pleine lutte. Dans ce contexte, dans les prochains mois, l'alliance qui accueille la parole des parents de bébés portera la question de la santé psychique et du développement des bébés au plus haut. C'est inédit en France. Nos collègues britanniques ont investi entre 2015 et 2020 375 millions de livres pour la seule santé mentale périnatale, c'est-à-dire pour la santé psychique des mères et des pères et pour le développement des bébés. En France, le dernier plan pour la périnatalité concernait toute la santé globale, physique et développementale des bébés. C'était de 2005 à 2007 et il s'élevait à 265 millions d'euros.

Les Britanniques continuent actuellement et font un pari, en se basant sur des études médico-économiques selon lesquelles il faut agir pour l'avenir de la nation, car l'enfant est l'avenir de la nation. Je pense particulièrement aux bébés. Dès les années 2000, James Heckman disait qu'il fallait faire un « investissement dans le cerveau du bébé » et non dans les universitaires et diplômés de HEC ou de Polytechnique, dans lesquels les familles ont déjà beaucoup investi. Le rapport médico-économique de la London school of economics donne maintenant les économies que nous pourrions espérer en France, territoire par territoire.

Par exemple, la quatrième circonscription de la Seine-Saint-Denis affiche 2 399 naissances. Combien pourrions-nous économiser par année de cohorte annuelle de naissances si une authentique politique publique associant les professionnels libéraux de santé périnatale était menée ? En soignant les femmes souffrant de dépressions, de troubles psychotiques, de décompensations gravissimes ou d'entrées dans la bipolarité, sur ce seul territoire de la quatrième circonscription de la Seine-Saint-Denis, nous pourrions économiser environ 25 000 euros. Ces économies sont diverses ; elles intègrent par exemple le suicide de femmes en période périnatale, qui représente la première cause de mortalité dans cette période si l'on tient compte de toute la première année de la vie de l'enfant, comme le recommande l'OMS. Bien qu'elles soient limitées, les données médico-économiques nous indiquent qu'il faut investir à ce moment-là.

Pour conclure, pour 750 000 naissances par an en France, 75 000 femmes présentent des troubles dépressifs d'intensité variable. Au moins 8 000 d'entre elles présentent des troubles psychotiques. Au moins 800 femmes « pètent les plombs » juste après la naissance, souffrant de la psychose aiguë du postpartum. Elles doivent être séparées de leur bébé, car trop peu d'unités d'hospitalisation parents-bébé existent en France, contrairement à ce que développent actuellement les Britanniques.

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