Intervention de Christèle Gras-Le Guen

Réunion du jeudi 24 septembre 2020 à 15h45
Commission d'enquête pour mesurer et prévenir les effets de la crise du covid-19 sur les enfants et la jeunesse

Christèle Gras-Le Guen, secrétaire générale de la Société française de pédiatrie (SFP) :

Je serai assez brève quant aux aspects somatiques de la maladie, que nous avons déjà abondamment abordés ce matin. Notre niveau de connaissances est très différent de celui du printemps dernier, lorsque nous nous sommes enfermés. Beaucoup d'inquiétudes et d'interrogations persistaient alors à propos de ce nouveau virus que nous découvrions à peine. Ces inquiétudes étaient fondées pour une grande partie de la population, mais pas pour les enfants.

Je vous remercie d'avoir concentré l'attention sur cette population car nous avons aujourd'hui des difficultés à rassurer et à convaincre la communauté des enseignants et celle de parents, ainsi que les enfants eux-mêmes, que cette maladie n'est pas une maladie pédiatrique au sens virologique du terme. J'entends par-là que le virus infecte très peu les jeunes enfants, et d'autant moins qu'ils sont jeunes. Nous avons détecté très peu de cas chez les nouveau-nés par exemple, y compris lorsque leur mère était infectée au moment de son accouchement. Inversement, nous observons que le taux de contamination évolue lorsque l'âge augmente. Très peu de cas ont été décrits chez des enfants fréquentant une crèche, une école maternelle ou une école primaire, mais le nombre de cas augmente au collège, puis au lycée et à l'université – des clusters s'y sont formés à la rentrée.

Par ailleurs, les enfants qui sont infectés développent, dans l'immense majorité des cas, des formes bénignes de la maladie. Nous avons eu quelques inquiétudes avec des symptômes évocateurs de la maladie de Kawasaki – le sujet a été évoqué ce matin – mais la plupart des enfants développent des formes asymptomatiques – ou quasiment – de la maladie. Les enfants représentent moins de 5 % du nombre d'infections total. Enfin, les enfants ne contribuent que très peu aux chaînes de contamination. Avec le recul, riches de l'analyse des clusters, nous savons que les enfants sont exceptionnellement à l'origine de la contamination d'adultes. Les adultes sont beaucoup plus souvent sources de contamination, soit d'autres adultes, soit d'enfants.

Avec nos connaissances actuelles, nous sommes rétrospectivement en mesure de considérer que certaines mesures prises durant la première phase de l'épidémie étaient manifestement excessives. Nous avons tous vu des images d'enfants qui devaient rester chacun dans un cercle, ne pas s'approcher de leurs camarades et ne pas partager leur balle ou leur crayon. Ces mesures apparaissent inadaptées au vu de nos connaissances actuelles sur la manière dont la maladie peut se transmettre entre enfants. Si nous parvenons à rassurer les enseignants, les parents et les enfants, nous pourrons faire reprendre aux enfants leur vie en collectivité et en milieu scolaire avec une meilleure sérénité, tout en respectant des mesures barrières bien entendu. Il n'est pas du tout question de négliger la dangerosité du virus, qui a contribué à plus de trente mille décès en France, mais nous pourrons probablement apaiser les esprits quant à la reprise de la vie scolaire. Les parents pourront ainsi déposer leurs jeunes enfants à la crèche le matin avant de se rendre eux-mêmes à leur travail lorsque nous aurons besoin d'eux – car on ne peut pas exclure que nous ayons besoin de faire appel de nouveau aux forces vives de la Nation afin de nous aider à surmonter la crise sanitaire.

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