Intervention de Sylvie Tordjman

Réunion du jeudi 24 septembre 2020 à 15h45
Commission d'enquête pour mesurer et prévenir les effets de la crise du covid-19 sur les enfants et la jeunesse

Sylvie Tordjman, professeur en pédopsychiatrie, chef du Pôle hospitalo-universitaire de psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent (PHUPEA) au centre hospitalier Guillaume Régnier de Rennes :

Tout d'abord, j'aimerais éviter tout malentendu en réaffirmant l'importance de sortir de chez soi et de s'ouvrir à des univers extérieurs. Mon propos concernait des enfants en difficulté scolaire. Plutôt que de provoquer une rupture complète avec l'école, il me semblerait intéressant d'envisager des voies hybrides. Le CNED n'est d'ailleurs pas forcément une solution, et nous voyons parmi les enfants que nous accompagnons que certains finissent par s'effondrer ou tomber en dépression. Nous pourrions aussi nous inspirer de programmes d'enrichissement qui sont développés aux États-Unis, qui invitent les enfants à développer leurs centres d'intérêt. Un lien est maintenu avec l'enseignant mais les enfants peuvent travailler sur ordinateur et les parents peuvent même être associés à la démarche. Il s'agirait de proposer un accompagnement individualisé à chaque enfant. Les écoles essaient déjà de le faire mais pas de manière systématique. Nous n'avons pas couramment recours à tous ces outils, et notamment les programmes d'enrichissement. Cette pratique est très répandue aux États-Unis depuis quasiment une vingtaine d'années mais elle reste très rare en France. Le fait que nous soyons centre national pour les enfants à haut potentiel nous permet de réfléchir à ces sujets, y compris à travers des collaborations internationales.

À mon sens, un développement de notre réseau n'est possible que s'il est porté par des responsables institutionnels. Il a suffi que le DASEN envoie un mail à l'ensemble des établissements pour que notre plate-forme soit officiellement soutenue. Nous avons affaire à des institutions importantes, qui ne sont pas toujours faciles à mobiliser, et nous devons donc chercher à atteindre les responsables qui se trouvent au sommet de la pyramide. Une proposition qui ne serait pas validée par la hiérarchie apparaîtrait comme dissonante. Outre le soutien du DASEN et du recteur, notre réseau ne pourrait pas fonctionner si nous n'étions pas en capacité de nous déplacer deux fois par an dans les établissements. L'objet n'est pas d'entrer en relation avec les enfants car il s'agit d'un lieu à vocation pédagogique avant tout, mais de tisser des liens de confiance avec les équipes. On nous a beaucoup reproché de ne pas rendre compte de notre travail. Il ne s'agit bien entendu pas de briser le secret médical mais il est important de confirmer aux enseignants et autres professionnels de l'établissement scolaire que le cas qu'ils ont signalé a bien a été pris en charge. Les recteurs et les DASEN ne sont pas très nombreux au niveau national, si bien qu'une communication gouvernementale pourrait être mise au point pour insister sur l'importance de ces liens. C'est grâce aux enseignants que nous pouvons détecter les cas précocement et offrir un suivi tout en prévenant le désinvestissement scolaire, le décrochage et l'absentéisme. Le Gouvernement avait soutenu à une époque la création et le financement d'équipes mobiles, ce qui permis à un certain nombre de ces structures de voir le jour sur le territoire national.

Pour ce qui est de la notion d'espace « vital », un enfant peut très bien vivre dans un espace réduit, pourvu qu'il ait accès à plusieurs lieux de vie différents et puisse exprimer son identité de manières différentes et rencontrer des personnes différentes. La vie ne doit donc pas être centrée uniquement sur le domicile. Durant le confinement, nous avons rencontré ce type de difficulté, et pour y remédier, nous avons proposé à des familles d'accéder à des espaces virtuels avec des avatars. À défaut de pouvoir sortir, des enfants qui ne supportaient plus le confinement pouvaient donc évoluer dans ces environnements virtuels.

J'insiste enfin sur l'importance des rythmes biologiques. Les parents endossent une importante responsabilité dans ce domaine. Ils ne doivent pas laisser leurs enfants avec leur téléphone portable ou leur tablette jusqu'à quatre ou cinq heures du matin. C'est respecter les parents que de leur rappeler qu'ils tiennent les rênes et qu'ils ont les ressources pour faire en sorte que le jeune maximise ses chances par rapport à une désynchronisation complète de ses rythmes circadiens. Nous pouvons insister sur les conséquences : troubles anxieux, dépression. Lorsque des troubles du sommeil surviennent, l'enfant peut avoir des difficultés à se concentrer et à apprendre.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.