Intervention de Sylvie Tordjman

Réunion du jeudi 24 septembre 2020 à 15h45
Commission d'enquête pour mesurer et prévenir les effets de la crise du covid-19 sur les enfants et la jeunesse

Sylvie Tordjman, professeur en pédopsychiatrie, chef du Pôle hospitalo-universitaire de psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent (PHUPEA) au centre hospitalier Guillaume Régnier de Rennes :

Il est essentiel de ne pas placer les enseignants dans la position de soignants. Il est important que chaque acteur exerce son rôle. Je ne suis pas pour ma part professeur des écoles. Cependant, un enseignant peut observer l'évolution du comportement d'un enfant. D'ailleurs, lorsqu'un enseignant fait part de son inquiétude, c'est souvent à juste titre. Avant même le confinement, nous avions déjà une plate-forme téléphonique qui permettait aux professionnels de l'Éducation nationale de nous saisir lorsqu'ils étaient inquiets à propos d'un enfant. Le fait que nous prenions le relais soulageait déjà l'enseignant, puis nous donnions suite en faisant intervenir un professionnel afin qu'il procède à une évaluation.

Je suis également sensible à l'information. Je pense à la contagiosité des tentatives de suicide, lorsque dans un établissement, un jeune effectue une tentative de suicide puis que la presse se met à fournir des détails, transformant le jeune en une sorte de héros, ce qui incite d'autres jeunes à passer à l'acte. Aux États-Unis, pays pionnier en la matière, une réflexion a été menée sur une initiative fédérale, aboutissant à la rédaction d'une charte décrivant la manière dont les tentatives de suicide devaient être traitées, charte que les journalistes devaient signer. Nous avons par ailleurs lancé le programme Parageno en France, qui astreint les journalistes au respect d'une certaine déontologie : ils ne sont pas censés dévoiler trop de détails lorsqu'ils relatent une tentative de suicide chez un jeune. Ils doivent communiquer des informations factuelles mais pas de détails sur la vie personnelle de la victime, qui seraient susceptibles de provoquer un sentiment d'assimilation chez d'autres jeunes.

Pour répondre à la question de tout à l'heure : « à qui profite le crime ? », il me semble que les médias cherchent avant tout à doper leur audience en relayant ce type d'information. Une charte ne serait-elle pas nécessaire dans ce cas de figure également ? Nous allons être confrontés pendant encore plusieurs mois à cette crise sanitaire, et les enfants qui voient certaines informations risquent d'être exposés à des images morbides. Certains – pas nécessairement tous – pourraient développer un traumatisme. Il me semble important d'introduire des filtres à ces informations, sous peine de susciter une phobie généralisée. Sur le plan éthique, cette exploitation de la détresse humaine me semble insupportable.

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