Intervention de Géraldine Duriez

Réunion du jeudi 15 octobre 2020 à 9h00
Commission d'enquête pour mesurer et prévenir les effets de la crise du covid-19 sur les enfants et la jeunesse

Géraldine Duriez, secrétaire nationale du Syndicat national des enseignements du second degré – Fédération syndicale unitaire (SNES-FSU) et responsable du secteur Psy-EN :

Les psychologues de l'Éducation nationale travaillent avec les équipes et en lien avec les enseignants. Il était donc important, de notre point de vue, d'apporter ici cet éclairage auprès des enseignants, sachant que la continuité pédagogique – parlons plutôt du maintien du lien avec l'école – a été maintenue autant que faire se peut avec la plupart des élèves. Les psychologues de l'Éducation nationale se sont aussi emparés de cette affaire, tout comme les personnels de vie scolaire : CPE, accompagnants des élèves en situation de handicap (AESH), assistants et assistantes de service social, infirmiers et infirmières. Tout le monde s'est mobilisé. Le confinement est arrivé très brutalement dans les vies des élèves et des personnels de l'Éducation nationale. Nous avons tous pris la mesure de la situation, et tout le monde s'est emparé du sujet. Les psychologues étaient également présents sur le terrain, et c'est parce que nous étions implantés dans les établissements scolaires, dans les centres d'information et d'orientation (CIO) et dans les RASED que nous avons pu maintenir ce lien avec des familles et des élèves dont nous étions déjà familiers. Nous avons en effet travaillé sur des situations difficiles que nous avions déjà identifiées avec les équipes pluri-professionnelles des établissements. Il était donc important d'apporter cet éclairage.

Lorsque les enseignants, les équipes de direction ou les assistants de service social nous ont fait part de difficultés à maintenir le lien avec certaines familles, nous nous sommes attelés à les contacter. Nous avons pu constater que la crise diminuait la disponibilité psychologique de certains élèves, en raison de la précarité ou de problèmes techniques. Il est notamment très complexe, pour certaines familles, de retrouver le code de l'ENT, même s'il a été transmis à plusieurs reprises. Lorsque nous avons tenté, dans les premières semaines, de maintenir le lien et de dédramatiser la situation pour aider les familles à appréhender cette nouvelle vie scolaire, les contraintes techniques et la difficile maîtrise de l'outil informatique ont rajouté de l'angoisse. Certains élèves nous ont également fait part de leurs craintes vis-à-vis de la caméra et de la visioconférence, puisqu'ils n'étaient pas nécessairement à l'aise avec l'idée que l'on puisse voir leur famille ou l'intérieur de leur domicile. Enfin, la question de la disponibilité psychologique se pose évidemment lorsque la crise traverse la société dans son ensemble. Les plus grands, collégiens et lycéens, ont très vite compris le caractère inédit du confinement, sachant que ce moment presque figé les empêchait de se projeter dans l'avenir. Nous avons échangé sur tous ces sujets avec les familles et les élèves, en insistant sur la nécessité de maintenir le lien avec les adultes de l'école, du collège ou du lycée, sur le bon déroulé des opérations à la maison et sur la nécessité d'identifier des situations difficiles.

Je ne reviendrai pas sur le phénomène de retrait social, qui a pu contenter certains adolescents ou créer des frustrations et des difficultés résultant de la coupure d'avec l'environnement social, même si les liens perduraient sur les réseaux. Nous avons aussi pu observer, surtout chez les plus grands (collégiens, à partir de la quatrième, et lycéens), un phénomène de veille nocturne, qui s'est presque généralisé. Le retour à l'école des collégiens au mois de juin a sans doute atténué le phénomène, qui a toutefois perduré durant les vacances estivales de juillet et d'août.

Pour en revenir à la question des projections dans l'avenir, les psychologues de l'Éducation nationale se sont mobilisés sur la question de l'orientation et des procédures afférentes, puisque nous devions préparer l'année suivante : Parcoursup, Affelnet pour les collégiens. Des calendriers, des dates et des échéances devaient être tenus, contribuant à un phénomène de pression pesant sur les élèves. Il était compliqué d'assurer l'accompagnement psychologique des élèves et des jeunes et le maintien du lien avec l'école tout en étant confronté à des procédures d'orientation très figées et des dates butoir auxquelles nous pouvions à peine déroger.

À la rentrée, nous avons dû nous occuper d'élèves rencontrant des problèmes lors du retour à l'école, et notamment de jeunes appartenant à des familles abritant des personnes fragiles, qui sont plus difficiles à mobiliser sur les apprentissages. Nous avons aussi eu affaire à des élèves sans solution que nous avons dû rapidement rescolariser, et qui ne voient pas toujours comment donner du sens aux apprentissages. Les conséquences de la crise sont donc multiples, alors que la crise n'est toujours pas terminée et que nous devons continuer de la gérer.

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