Intervention de Philippe Vendrix

Réunion du jeudi 22 octobre 2020 à 10h30
Commission d'enquête pour mesurer et prévenir les effets de la crise du covid-19 sur les enfants et la jeunesse

Philippe Vendrix, président de la Commission Vie étudiante de la Conférence des présidents d'université (CPU) :

Madame la présidente, Madame la rapporteure, Mesdames et Messieurs les députés, je vous remercie chaleureusement pour votre invitation à intervenir devant vous aujourd'hui au nom de plus de 120 établissements publics d'enseignement supérieur et de recherche représentés par la Conférence des présidents d'université, la CPU.

Je souhaite commencer en exprimant l'émotion considérable qui a envahi la communauté universitaire après l'assassinat du professeur d'histoire et de géographie, M. Samuel Paty. L'université qui forme les futurs enseignants du secondaire est extrêmement affectée par ce drame atroce. Ce sont ses valeurs, ses fondements, sa raison d'être qui sont attaqués et nous ne manquerons pas de le réaffirmer.

Mesdames et Messieurs les Députés, je suis ici pour parler de la jeunesse, ce qui n'est pas sans lien avec mes précédents propos. Nous devons en prendre soin, car elle est inquiète pour l'avenir, du sien, mais également de l'avenir commun, en particulier celui de la planète. Elle a considérablement souffert et souffre encore beaucoup de la pandémie et de ses conséquences, tant sociales qu'économiques. Soyez donc assurés que les universités sont pleinement engagées en faveur de la santé et du bien-être de leurs étudiants et qu'elles souhaitent leur offrir les meilleures conditions possible d'apprentissage et de socialisation.

Permettez-moi, tout d'abord d'évoquer les enseignements que les universités peuvent retirer de la pandémie de Covid-19 en nous concentrant, dans un premier temps, sur la période allant du mois de mars au mois de juillet 2020. J'aborderai ensuite la rentrée universitaire qui a eu lieu depuis quelques semaines.

Notre Nation vient de connaître une grave crise sanitaire. Celle-ci a, vous le savez, imposé de fortes contraintes aux universités, mais elles ont su s'adapter. En fermant en urgence nos établissements, ce sont quelque 200 000 personnels et 1,6 million d'étudiants que nous avons protégés. De nouvelles modalités de transmission des savoirs et d'évaluations pour les examens de fin d'année ont été déployées. Je tiens, du reste, à rappeler qu'aucun diplôme n'a été bradé. En outre, les universités ont été en première ligne dans le combat contre l'épidémie et les étudiants ont également joué un rôle majeur. Je pense, en particulier, aux étudiants des facultés de médecine et des instituts de formation en soins infirmiers qui se sont fortement mobilisés dans nos centres hospitalo-universitaires et ailleurs pour renforcer les équipes au chevet des malades. Je pense également aux étudiants des facultés des sciences qui, avec leurs enseignants, ont participé à la fabrication de respirateurs, de masques ou de gel. Au total, plus de 130 000 étudiants ont participé à la lutte contre le Covid.

Je n'oublie pas qu'un grand nombre de jeunes ont payé un lourd tribut à la crise. La demande d'aides sociales a augmenté, en moyenne, de 2,5 pendant le confinement. Les universités, en lien étroit avec les CROUS, ont été particulièrement actives dans la mise en place de processus de détection, de suivi et d'accompagnement individuel des étudiants les plus fragiles, en collaboration, dans certains cas, avec des collectivités territoriales ; les régions et les métropoles ont été présentes dans bien des situations.

Nous avons envoyé des centaines et des milliers de SMS. Nous avons réalisé du porte-à-porte dans les résidences universitaires. Nous avons diligenté des enquêtes flash, nous avons envoyé des mails et émis de nombreux appels téléphoniques et tout ceci a été mis en œuvre rapidement.

La CPU a également demandé aux opérateurs téléphoniques d'apporter des gigas complémentaires aux étudiants qui en avaient besoin pour travailler à distance efficacement. Certains établissements ont prêté, voire donné des ordinateurs. Au-delà des cours, ce sont également des aides financières, psychologiques, médicales et des bons alimentaires qui ont été distribués par les services sociaux.

Nos assistants des services sociaux ont réalisé un travail extraordinaire, sans moyens supplémentaires et ce, malgré les annonces gouvernementales parfois contradictoires et généralement, non concertées. Je pense là singulièrement à l'aide concernant les étudiants ultramarins. Un phénomène surprenant a été l'émergence d'une catégorie spécifique d'étudiants que nous n'avions pas l'habitude d'aider, à savoir celles et ceux qui ont perdu leur job étudiant et qui du jour au lendemain, se sont retrouvés sans aucune ressource. Cette situation a particulièrement touché les étudiants étrangers, de surcroît fortement victimes de l'isolement et de la solitude. Je veux ici saluer la solidarité des étudiants envers leurs camarades. Nous parlons souvent, de manière négative, de la jeunesse dans notre pays. Or je peux vous dire qu'elle fait preuve d'une immense solidarité depuis le printemps. Des lignes d'écoute ont ainsi été mises en place, des recommandations pour mieux vivre le confinement ont été transmises, des annuaires de ressources ont été élaborés, des sites pour prendre soin de son bien-être psychologique ont été créés, les coordonnées de professionnels ont été communiquées, des cours ont été partagés et des groupes de discussions se sont créés. Les initiatives estudiantines ne se comptent plus.

Sur le plan des cursus, le sujet des stages a constitué un problème important. Un grand nombre d'étudiants n'a pas pu effectuer le stage qui fait pourtant partie intégrante de leur cursus de formation et qui souvent, conduit à décrocher un premier emploi. L'aide d'urgence de 200 euros, dégagée par l'Etat n'a pas nécessairement rencontré son public, car les critères étaient contraignants (certificat d'employeur, rupture de contrat) et les sommes trop faibles. Il s'agit là d'un point sur lequel nous devons travailler avec le monde économique et les collectivités.

Nous devons, de tout cela, tirer collectivement des leçons afin de capitaliser sur ce qui a été mis en place, nous adapter aux problèmes qui persistent aujourd'hui et mieux anticiper une nouvelle crise de cette ampleur. Nous devons le faire au sein de nos établissements, mais aussi en dehors, en lien avec notre écosystème et nos partenaires.

Depuis la rentrée universitaire de cet automne, nous travaillons ensemble sur les sujets relatifs à la vie étudiante. Permettez-moi de rappeler qu'au mois de septembre 2020, à moyens quasi constants, les universités ont accueilli 50 000 bacheliers supplémentaires, en raison du taux record de reçus à l'examen 2020, dont il convient de se réjouir, mais qui pose également la question des modalités de leur accueil à tous les niveaux.

Le premier sujet de cette rentrée est celui de la santé. Les universités ne sont pas et n'ont pas été des lieux de clusters. Toutes les précautions ont été prises dès le retour sur site des étudiants et bien avant les annonces de l'Etat pour éviter la circulation du virus. Les cours en amphithéâtre ont ainsi été dispensés par demi-groupe, une semaine sur deux. Des mesures très strictes pour le respect des gestes barrières ont été instaurées. Des informations et des actions de sensibilisation ont été systématiques à l'attention des étudiants comme des personnels. Les universités ont également réalisé de nombreux tests, ce qui explique le nombre de cas positifs détectés dans la population estudiantine. Pour autant, ces étudiants positifs au Covid n'ont pas été contaminés dans les universités. Depuis la fin du confinement, nous avons constaté un effet rebond des consultations médicales pour d'autres pathologies dans les services de santé universitaires. Les consultations de psychologues qui s'étaient poursuivies à distance pendant le confinement ont, elles aussi, connu une hausse sensible depuis cet été. Il s'agit là d'un sujet réel de préoccupation.

Les bourses, pour les étudiants, dont les examens ou les stages ont eu lieu après le 30 juin 2020, ont été maintenues, ce qui constitue une excellente nouvelle, même si cette mesure n'a pas toujours été mise en place pour celles et ceux dont le stage a été effectué après le 21 septembre 2020.

Le repas à un euro pour les étudiants boursiers dans les restaurants universitaires constitue également une excellente mesure et particulièrement pour les restaurants qui servent des repas le soir. L'annonce gouvernementale d'accorder une aide au mois de novembre 2020 de 150 euros aux 712 000 étudiants boursiers a été la bienvenue.

Les universités ont complètement réorganisé leur offre de services afin de maintenir le lien social. Les services d'activités sportives continuent de proposer des cours en ligne et des tutoriels. Les services culturels ont poursuivi leurs activités en maintenant les gestes barrières et en respectant les règles sanitaires qui s'imposent. Ces services doivent toutefois s'adapter et rien n'est évidemment parfait.

La Contribution de vie étudiante et de campus (CVEC) ne doit plus servir à accorder des aides d'urgence au détriment des projets structurants pour la vie étudiante pour lesquels elle a été conçue.

Sur l'ensemble de ces enjeux, l'autonomie des universités permet d'agir de la façon la plus réactive possible en fonction des spécificités de chaque territoire et de réagir du mieux possible aux annonces gouvernementales. Néanmoins, la crise a révélé le manque de moyens, notamment humains. Les postes d'enseignants titulaires, les personnels de santé et les aides sociales d'urgence constituent des sujets sur lesquels je souhaitais insister en préambule.

Je remercie de votre attention et je demeure à votre disposition pour répondre à vos questions.

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