Intervention de Marie-Andrée Blanc

Réunion du jeudi 5 novembre 2020 à 9h00
Commission d'enquête pour mesurer et prévenir les effets de la crise du covid-19 sur les enfants et la jeunesse

Marie-Andrée Blanc, présidente de l'Union nationale des associations familiales :

Ce sont des gens qui s'investissent, au-delà de leur vie familiale, au-delà de leur vie professionnelle, qui sont là, non pour défendre leur intérêt particulier, mais l'intérêt général. C'est une population qu'il convient de féliciter et de reconnaître.

Conformément au code de l'action sociale et des familles, nous gérons des services de protection de l'enfance, mais aussi de protection juridique des majeurs. Si nous n'étions pas là pour ces personnes vulnérables, elles seraient peut-être laissées de côté sans avoir accès à leurs droits. Nos mandataires juridiques effectuent un travail exceptionnel, permettant à des personnes vulnérables de gagner en autonomie et en reconnaissance de leurs droits.

La protection de l'enfance compte 80 UDAF gestionnaires de services de protection de l'enfance. Nous accompagnons environ 30 000 enfants, sans compter l'exercice des mesures ad hoc pour mineurs.

Pour entrer plus directement dans le thème de la commission d'enquête, je vous propose d'articuler mon propos autour de cinq champs d'action, dans lesquels notre réseau intervient au quotidien pour les enfants et les jeunes.

Tout d'abord, je souhaiterais mettre en avant la parentalité et la politique familiale, notamment la conciliation entre vie familiale et vie professionnelle. Les familles ont tenu face à la crise et ont permis à la société de tenir. C'est grâce aux familles que le premier confinement s'est déroulé de manière exemplaire. Dès le premier jour, elles ont été mobilisées et ont pris le relais, avec l'appui des enseignants, du suivi pédagogique des enfants. Ce sont les parents, privés de crèches, d'accueils de loisirs, d'écoles, de cantines, qui ont cumulé télétravail et garde des enfants, alors que certaines solidarités familiales – comme les grands-parents – avaient disparu.

Les aidants familiaux ont parfois dû cohabiter avec leurs proches vulnérables, notamment des enfants en situation de handicap et des personnes âgées dépendantes. D'autres familles ont accueilli leurs étudiants, leurs jeunes adultes. Les familles ont donc fait face et ont montré qu'elles étaient un maillon essentiel de la solidarité dans le pays.

Au début de ce quinquennat, le Gouvernement n'a pas nommé de ministre des Familles. Je veux donc saluer l'arrivée d'un secrétaire d'État dédié à l'Enfance et aux Familles, Adrien Taquet, interlocuteur privilégié de l'UNAF.

Certaines familles ont effectivement été fragilisées pendant ce confinement et des actions sont nécessaires pour prévenir les risques d'appauvrissement de certaines d'entre elles. Des tensions, des conflits ont pu émerger, voire des violences. Des services de médiation familiale permettent d'apaiser ces tensions, ainsi que des espaces de rencontres, permettant aux parents séparés de rencontrer leurs enfants, ou des services permettant de traiter les violences. Tous ces services doivent être renforcés et pleinement mobilisés dans une logique préventive.

D'autres familles se sont appauvries du fait des coûts liés au confinement. L'absence de cantine, l'absence d'équipements numériques, le retour d'un proche au domicile, des baisses de revenus de travail : ces éléments pèsent très lourd sur le budget des familles, notamment celles qui étaient déjà fragilisées avant la crise. Pour celles-ci, les actions de prévention du surendettement sont indispensables. J'y reviendrai.

Au-delà de ces urgences, il faut miser sur les familles pour relancer l'économie. Le lien qui n'est à nos yeux pas suffisamment mis en avant est celui entre les enfants et les parents. Un ménage avec enfants sur trois a vu sa situation financière se dégrader pendant le confinement, contre seulement 18 % des ménages sans enfants. Il s'agit là de l'un des premiers enseignements de l'enquête EpiCOV, menée auprès de 135 000 personnes entre mars et mai 2020 et publiée le 14 octobre dernier par l'INSEE.

Les parents sont les principaux aidants financiers des jeunes et ont d'ailleurs l'obligation légale de le faire. L'appauvrissement des parents interagit de fait avec celui des jeunes. Les parents assument les premiers le chômage prolongé de leurs jeunes et les aident à faire face dans la mesure de leurs moyens. Il ne faut donc pas opposer aides aux familles et aides aux jeunes. Dans notre dernière publication « Jeunes, vie active et autonomie », nous avons souligné que près de huit parents sur dix aident leurs enfants jeunes adultes, avec un montant moyen de dépenses évalué à 3 700 euros par an, soit environ 8 % de leurs revenus.

Le confinement a également montré une forte attente des parents en matière de soutien à la parentalité. L'ouverture des crèches, des collèges et des lycées en ce moment était demandée par l'UNAF. Il est en effet important de renforcer l'axe de soutien à la parentalité.

Quatre grands types de besoins des parents ont été identifiés dans notre réseau : tout d'abord, un besoin d'information et de réassurance sur la pandémie du covid-19 et la manière d'en parler avec ses enfants. Nous avons aussi identifié un besoin d'idées, d'activités éducatives et ludiques pour occuper les enfants et trouver une alternative aux écrans, un besoin d'appui en termes d'accompagnement à la scolarité : les parents ne sont pas des enseignants. Enfin, l'on a constaté un besoin d'accompagnement, d'appui, de conseil et d'écoute en matière de soutien à la parentalité, pour prendre du recul sur ses pratiques, faire autrement avec ses enfants, mais surtout, faire retomber les tensions.

Cette question de la réassurance des parents à l'endroit des enfants est importante pour la prise en charge de ces derniers. Le rapport du comité d'expert présidé par Boris Cyrulnik sur les 1 000 premiers jours de l'enfant y consacre un long développement. Il propose notamment un accompagnement personnalisé aux parents. Pour l'UNAF, l'accompagnement des parents doit se prolonger au-delà des trois premières années de l'enfant, pour traverser l'adolescence et les âges suivants, pour une information et une communication de proximité. Le bouche-à-oreille permet ainsi un accompagnement de proximité. Dans tous les âges, les parents demandent que les actions de soutien à la parentalité puissent se tenir à proximité de chez eux.

Un autre point très important est la conciliation entre vie familiale et vie professionnelle. Ce sujet doit être pris à bras le corps, pour le mieux-être des enfants et pour permettre aux parents d'assumer leur rôle. Le confinement a montré qu'un temps avait été retrouvé, ensemble, même si des tensions ont évidemment existé. Il a aussi montré l'importance des dispositifs de conciliation entre vie familiale et vie professionnelle. Pour nous, l'évolution des mentalités passe par une reconnaissance plus importante par les employeurs de leurs salariés en tant que parents. De nombreux pères seraient favorables à la prise d'un congé parental. Il faut donc leur permettre de le prendre. Les entreprises seraient bien évidemment impliquées, car, dans cette reconnaissance, se jouent leur avenir et leur attractivité. Quand on se sent bien dans sa vie familiale, on se sent bien au travail, et réciproquement. Il est important de souligner cette évidence.

Il apparaît fondamental de repenser les congés de naissance : maternité, parental et paternité. La commission d'experts des mille premiers jours considère nécessaire la présence des parents pendant la première année de l'enfant. Elle appelle les politiques publiques à soutenir le choix des parents en ce sens, pour que du temps soit libéré pour les parents. Pour ce faire, cette commission avance trois propositions fortes, étroitement liées : tout d'abord, du temps en plus pour les mères, soit deux semaines de congé postnatal ou d'adoption supplémentaires, pour atteindre trois mois pleins ; ensuite, du temps en plus pour les deux parents à partir du 4e mois, par la mise en place d'un congé parental de neuf mois partageable, avec un niveau d'indemnisation suffisamment attractif, qui correspondrait à un montant minimum de 75 % du revenu perçu, quel que soit le statut ; enfin, du temps en plus pour les pères, avec un congé paternité allongé à neuf semaines.

Aujourd'hui, le congé parental est réhabilité, alors qu'il avait été sabordé ces dernières années. En 2015, le congé parental était par exemple réduit. Or ce congé parental est indemnisé à hauteur de 398,40 euros mensuels pour le parent qui le prend. Ce montant ne permet pas de faire face à de nombreuses dépenses. Il convient évidemment de revoir cette prestation, pour la rendre plus en adéquation avec la rémunération du parent qui décide de prendre un congé parental. Nous savons en outre que seuls 4 % des pères prennent ce congé parental.

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