Intervention de Jean-Benoît Dujol

Réunion du jeudi 5 novembre 2020 à 14h00
Commission d'enquête pour mesurer et prévenir les effets de la crise du covid-19 sur les enfants et la jeunesse

Jean-Benoît Dujol, directeur de la jeunesse, de l'éducation populaire et de la vie associative et délégué interministériel à la jeunesse :

Il est compliqué d'avoir une vision totalement claire et objective de la capacité qu'ont eue les associations, et toutes les associations, de solliciter et obtenir des aides dans le cadre des mesures d'urgence prises par le Gouvernement lors du confinement. Il serait possible de se poser la même question pour les mesures liées au plan d'urgence mis en œuvre à partir du mois de septembre, même si elles n'ont pas encore eu le temps de se déployer.

Vous avez raison de dire que l'intention première du Gouvernement était la sauvegarde du tissu économique. Mécaniquement, ces aides ont touché les entités qui jouaient un rôle économique. Je dis entité à dessein, pour ne pas dire entreprise. Une association est-elle une entreprise ? En jurisprudence communautaire, par exemple, on considère que tel est le cas, et qu'une association est une entreprise non lucrative. Nous avons donc touché les entités jouant un rôle économique, et qui étaient confrontées à des charges économiques : celles qui avaient des salariés, des locaux, et donc des loyers à payer, toutes celles qui avaient des charges fixes face auxquelles elles se sont retrouvées démunies pendant le confinement.

C'est la raison pour laquelle l'activité partielle a d'abord été destinée aux associations employeuses. J'évoquais un relativement bon taux de recours, par exemple dans le secteur de la jeunesse et de l'éducation populaire. Je m'appuie sur une enquête conduite par le FONJEP. Celui-ci subventionne les emplois, aussi ne traite-t-il que des associations employeuses. Je suis d'accord avec vous pour considérer qu'elles sont minoritaires dans le monde associatif. Mais une association qui n'a pas d'employés, pas de loyer, parce que son local est mis à disposition par la collectivité de manière gracieuse, et pas de charges fixes, a pu se mettre en hibernation pendant le confinement. Elle n'a pas été déstabilisée de manière durable, parce qu'elle n'a pas eu à subir toutes les avanies que j'évoquais.

Une des mesures que nous avons déployées leur est cependant destinée. Il n'a du reste pas été simple de la faire prévaloir. C'est celle du maintien des subventions. Par définition, le confinement a mis un coup d'arrêt au programme d'activités de toute une série de structures. Des évènements étaient prévus à cette période de l'année, d'autant qu'avril, mai, et juin sont des temps forts de l'activité associative. Beaucoup d'événements ont été annulés, ce qui aurait justifié en temps normal un retrait des subventions.

Nous nous sommes ainsi efforcés de définir une doctrine au niveau interministériel, applicable à tous les ministères, invitant chaque financeur public à faire preuve d'une très grande bienveillance dans le réexamen de ces subventions en lien avec l'annulation des événements associatifs. Nous avons encouragé les associations à les reprogrammer quand c'était possible, et quand tel n'était pas le cas, à maintenir les subventions qui avaient été octroyées. Il s'agissait d'aider ces structures, qui avaient consenti des dépenses qu'elles ne pouvaient pas récupérer, par exemple des frais de réservation, à passer l'année.

Je vous soumets l'exemple d'une subvention dont je suis responsable. Nous soutenons modestement le festival Solidays, organisé par Solidarité Sida, qui a lieu tous les ans au mois de juin. Il a été annulé en raison du contexte sanitaire. Nous avons cependant maintenu cette subvention pour ne pas pénaliser une association qui comptait beaucoup sur ce festival pour disposer de recettes supplémentaires dans sa lutte contre l'épidémie de sida.

Outre cet exemple, dans presque tous les cas, les subventions offertes aux associations, y compris les plus petites, ont pu être maintenues. Ces dernières se sont en quelque sorte placées en hibernation. Nous avons essayé d'aider les autres. Il existe en outre un enjeu de redémarrage. En interrogeant les structures cet été, nous étions frappés de constater que toutes se projetaient sur septembre, avec l'idée de reprendre un niveau d'activité normal ou nominal. Dans ce cadre, le second confinement intervient sur un terreau fragilisé par le premier.

Nous ne disposons pas encore de tous les éléments, et nous essayons de les réunir, mais on peut légitimement nourrir quelque inquiétude quant à la possibilité pour les associations de passer ce cap. Il m'a cependant semblé que pour le premier confinement et dans le cadre du plan de relance, nous avions mis en place toute une série de mesures pour les soutenir. Nous pouvons néanmoins faire mieux, et nous y travaillons. Il a eu évidemment des difficultés liées à la trésorerie. En raison des faillites d'entreprises que nous constatons depuis la rentrée de septembre, il est possible de s'inquiéter de cessations de paiement également du côté des associations.

Les services déconcentrés traitant de la jeunesse et de la vie associative sont composés d'environ mille personnes. Un nombre à peu près équivalent traite du sport. Ils se recomposent, puisqu'ils seront transférés le 1er janvier 2021 au sein des rectorats et des services départementaux de l'Éducation nationale. Ils ont également été confinés, comme d'autres services, au premier semestre. Ils ont connu une intense activité, dans des conditions qui n'avaient pas été anticipées et qui étaient très dégradées. Ils ont cependant mené un travail remarquable, notamment en direction des associations. Il y a eu souvent dans les régions et les départements des cellules de veille et de lien mis en place par ces services déconcentrés, visant à assurer un suivi très précis de la situation des associations, à faire remonter leurs difficultés, à les accompagner, et à les aider à surmonter les défis du moment.

Dans un autre registre, ces services ont aussi été très mobilisés sur la question de la réserve civique. Celle-ci n'existe que parce que sur le territoire se déploie un travail d'animation, de promotion, de mise en relation et de contrôle, réalisé par les référents de nos services déconcentrés. Ils ont donc été très mobilisés sur ces deux sujets.

Il existe une baisse tendancielle de la fréquentation des colonies de vacances. Elle s'était cependant enrayée l'année dernière. Pour la première fois depuis la fin des années 1990, le nombre de séjours et de départs en colonies de vacances avait en effet cessé de baisser. Evidemment, nous attribuons cela à la qualité de l'action que nous avons conduite. Nous aurions bien aimé savoir si cette tendance devait se confirmer l'année suivante. Nous ne le saurons pas, car la situation sanitaire a entraîné énormément d'annulations. En dépit des vacances apprenantes, il y a donc eu en 2020 beaucoup moins de séjours de vacances que l'année précédente.

Je crois cependant que l'une des vertus des vacances apprenantes a été de faire parler positivement des colonies de vacances. J'ai cherché des précédents à une telle mobilisation financière de l'État pour celles-ci, et il faut remonter à 1945-1947, à la sortie de la Seconde Guerre mondiale, dans le cadre du plan de reconstruction de la France. Les colonies de vacances étaient alors considérées comme un élément décisif pour permettre aux enfants ayant vécu le traumatisme de la guerre de partager des moments positifs.

L'État n'avait ainsi pas consacré autant de moyens aux colonies de vacances depuis soixante-dix ans. Nous l'avons fait dans une logique qu'on a dit « apprenante ». J'ai entendu certaines critiques sur ce terme, et je vous rejoins pour dire que les colonies de vacances, apprenantes ou non, sont éducatives quoi qu'il arrive. Il s'agissait cependant à mes yeux d'un signal utile vis-à-vis des parents, pour leur faire toucher du doigt que ces colonies n'étaient pas simplement une façon d'être en vacances et de se distraire, mais qu'elles étaient également l'occasion d'apprendre.

Cela a pu produire des effets ambivalents, car pour certaines familles ou certains enfants, ce label était parfois un peu inquiétant. Néanmoins, indépendamment des querelles sémantiques, cette opération a fait du bien aux colonies de vacances. C'est pourquoi je souhaite qu'elle soit reconduite de manière durable.

Je ne crois pas qu'on puisse dire que le service civique se soit éloigné de ses fondamentaux. Effectivement, il est destiné à être ouvert à tous. Il a une vocation universelle. Les jeunes les plus éloignés de l'activité, de l'emploi et de l'insertion doivent pouvoir y accéder, comme les plus diplômés. Ce n'est pas non plus un dispositif de remédiation, qui serait fléché sur les personnes les plus en difficulté. Les volontaires doivent être une image fidèle de la jeunesse. Le service civique doit si possible être l'occasion pour des jeunes issus de milieux différents de se rencontrer, et de partager une expérience d'engagement.

Y parvenons-nous ? En collaboration avec l'INJEP, nous menons un programme d'évaluation des mesures du service civique. Nous actualisons et nous publions une série de chiffres. Or quand on compare les activités de la population générale par niveau de diplôme par exemple, ou par origine socioprofessionnelle, et celles des jeunes qui accomplissent leur service civique, on constate une certaine homogénéité. Nous arrivons ainsi à représenter dans le service civique la société française, avec des riches et des pauvres.

Je tiens cependant à souligner un point positif, parce que nous avons quand même l'ambition d'être plus attentifs à ceux qui en ont le plus besoin. Nous arrivons à surreprésenter les jeunes issus des quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV). Ceux-ci représentent 10 % des jeunes, mais 13 % ou 14 % de ceux engagés dans le service civique. Cela signifie que nous parvenons à cibler les jeunes issus de ces quartiers. C'est un élément de satisfaction, mais cela nécessite une mobilisation très forte de la part des organismes d'accueil, auxquels je voudrais également rendre hommage. Cela n'est possible que parce que les structures d'accueil font leur travail.

Le font-elles toujours parfaitement ? Bien sûr, la réponse est non. C'est le rôle de l'État que d'être vigilant, au stade de l'agrément et au stade du contrat. Il convient également d'être attentif aux remarques des jeunes qui accomplissent un service civique, et qui font un retour d'expérience. Nous devons être à la hauteur de la promesse du service civique. Je n'ai pas en tête de dérives, mais cela suppose une grande vigilance, pour que toutes les structures d'accueil comprennent qu'un service civique n'est pas un stage ou un emploi aidé. Il s'agit d'un volontaire, qui s'engage de manière libre et désintéressée au service d'une cause d'intérêt général. Cela doit obliger la structure à un certain nombre d'aménagements.

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