Intervention de Jean-Benoît Dujol

Réunion du jeudi 5 novembre 2020 à 14h00
Commission d'enquête pour mesurer et prévenir les effets de la crise du covid-19 sur les enfants et la jeunesse

Jean-Benoît Dujol, directeur de la jeunesse, de l'éducation populaire et de la vie associative et délégué interministériel à la jeunesse :

Je retire le terme d'hibernation. Je voulais citer un cas hypothétique, que vous avez à juste titre contredit par toute une série d'exemples beaucoup plus concrets. J'imaginais le cas d'une structure n'ayant ni salariés ni locaux. Je disais que ce type de structure n'avait pas dû beaucoup souffrir de la crise, parce qu'elles n'ont pas de charges fixes. Il s'agissait donc d'un exemple théorique, et je retire ce terme d'hibernation.

Je souscris par ailleurs à ce que vous avez dit sur l'élan considérable de solidarité que nous avons constaté. J'ai mis l'accent sur la manière dont il s'est incarné dans la réserve civique, mais il l'a fait de différentes manières, et les exemples toulousains que vous avez mentionnés sont éloquents. Je suis sûr qu'on pourrait en citer également dans d'autres endroits, par exemple dans les territoires ruraux.

Comme tous les évènements extrêmes, la crise a joué un rôle de révélateur, en bien et en mal. Je dirais qu'elle a fait ressortir le meilleur et le pire, mais surtout le meilleur, y compris dans l'administration. Certains se sont révélés, à tous les niveaux de la hiérarchie. Il ne s'agissait pas nécessairement de chefs, mais de personnes qui occupaient des fonctions peut-être subalternes, qui ont tout à coup été confrontées à des événements extrêmes. Je l'ai vu dans d'autres secteurs ministériels, certains ont pris des responsabilités qui n'étaient pas les leurs, ce qu'ils ont fait avec talent et engagement, avec une volonté de bien faire et une efficacité remarquable.

Cela pose du reste la question de notre capacité à reconnaître et à soutenir le développement des talents qui ont émergé pendant cette crise. Je pense notamment à nos collègues des agences régionales de santé (ARS), qui ont fait un travail remarquable, et au sein desquelles des agents ont fait preuve de talent, d'efficacité et d'inventivité. Nous avons tous été confrontés à quelque chose d'inédit. Nous n'avions pas de mode d'emploi, mais certains l'ont trouvé ou inventé. Il est de notre responsabilité collective de trouver une façon de reconnaître, d'encourager et d'accompagner ces personnes.

Dans mon secteur, cela s'est traduit par des initiatives, notamment en direction des associations. Certains avaient peut-être précédemment une approche un peu bureaucratique de l'accompagnement associatif, dans une logique de guichet. Il a fallu agir différemment en la circonstance, et notamment écouter les structures associatives, et aller à leurs devants. Il s'agissait de trouver ces nouveaux acteurs, qui n'étaient pas recensés, parce qu'ils faisaient autre chose que ce qu'ils se sont mis à faire pendant le confinement. Je crois que dans de nombreux endroits, cela s'est fait avec beaucoup d'énergie.

Il y a sûrement des échecs du côté de l'administration. Il ne s'agit pas de tout peindre en rose. Nous aurions pu mieux faire sur certains points. Je pense cependant que nous abordons le second confinement mieux armés que nous ne l'avons été pour le premier. Il y a eu un sentiment d'urgence, et je crois que nous avons été à la hauteur de ce moment.

La complexité est un mal éternel. Nous nous efforçons évidemment de simplifier les choses depuis des dizaines d'années. En particulier, nous avons mené toute une série de réformes destinées à simplifier. Nous n'avons cependant pas réussi à résorber cette complexité en matière de financements. Il existe en effet des cofinancements. Les structures associatives, pour monter un projet, sont tenues de s'adresser à la collectivité, à tel ministère, ou à tel autre.

Ce phénomène est frappant dans le secteur de l'éducation populaire. Les structures traitent parfois de la jeunesse, ce qui intéresse les collectivités locales, mais aussi de la culture, voire du sport, et il est parfois délicat de créer une synergie entre tous ces éléments. Il est cependant demandé à ces structures d'articuler ces différentes dimensions. Elles sont ainsi obligées de devenir expertes en matière d'ingénierie financière, ce qui se fait parfois au détriment du projet.

Je n'ai pas de solution particulière sur ce point, mais je souscris à votre analyse et à votre diagnostic. Nous devons mener une réflexion pour assurer un accompagnement attentif, bienveillant et proactif du secteur associatif. Nous essayons de la conduire. Une expérimentation aura lieu dans plusieurs régions l'année prochaine. Nous nous sommes en outre rapprochés de nos collègues en charge de l'économie sociale et solidaire (ESS), cette dernière impliquant en effet des associations. Il s'agit de redessiner sur le territoire une offre d'accompagnement qui soit lisible et accessible.

Aujourd'hui, beaucoup de gens s'occupent des associations dans les collectivités locales, ou au sein des services de l'État, avec les délégués départementaux à la vie associative. Des structures associatives sont également spécialisées dans l'accompagnement des associations. On les appelle les points d'appui à la vie associative, et elles sont souvent cofinancées par l'État et les collectivités locales. Tout cela est assez hétérogène sur le territoire. Dans beaucoup d'endroits, il y a peu voire aucun accompagnement. Il y a donc un enjeu sur le taux de couverture.

Il existe également un enjeu de compétence, parce que les besoins d'une association peuvent être très complexes. Comment apporter des réponses précises à des questions compliquées ? Il existe enfin un enjeu de lisibilité. Plus personne ne comprend très bien à qui s'adresser quand on est confronté à tel ou tel problème.

Dans la feuille de route de M. Gabriel Attal lorsqu'il était secrétaire d'État en charge de ces questions, figurait une réflexion que nous avons engagée avec le mouvement associatif sur l'accompagnement des structures. J'espère que l'année prochaine, nous enregistrerons des progrès décisifs en la matière.

Je suis convaincu du caractère positif des colonies de vacances. Nous pouvons cependant nous demander comment communiquer correctement sur ce point. Quelles sont les dimensions qu'il faut mettre en avant pour convaincre les enfants et leurs parents de se rendre en colonies de vacances ? Mme Marie-George Buffet a dit quelque chose de très juste. Le désamour pour les colonies de vacances est lié à une question de prix, mais également à des évolutions sociologiques profondes.

Lorsqu'elles rencontraient un important succès dans les années 1950, les parents disposaient de moins de vacances qu'aujourd'hui. Les vacances en famille étaient donc moins développées, et les colonies de vacances étaient également un mode de garde pour des parents qui continuaient à travailler toute une partie de l'été. Le développement des vacances en famille était une aspiration très profonde, qui a pu se concrétiser avec l'accroissement du nombre de semaines de congés payés, d'une part, et la réduction du temps de travail, d'autre part.

Cela a un peu évincé les vacances dites collectives. Néanmoins, ce temps collectif, loin du domicile parental, est fondamental en termes d'apprentissage, pas nécessairement scolaire ou académique, comme ce que nous avons voulu mettre en avant cette année, mais d'un apprentissage de savoir-faire, l'apprentissage du collectif, de l'autonomie, et d'une camaraderie horizontale, avec la bienveillance d'animateurs qui sont dans une posture assez différente de la posture parentale.

Ce sont des plus-values très fortes des colonies de vacances. Nous devons leur retrouver une place, et offrir cet espace de socialisation original et très bénéfique à davantage de jeunes. Aujourd'hui, avec la baisse structurelle du nombre de départs en colonies de vacances, on se prive d'un lieu d'éducation très riche.

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