Intervention de Frédérique Vidal

Réunion du mardi 10 novembre 2020 à 17h15
Commission d'enquête pour mesurer et prévenir les effets de la crise du covid-19 sur les enfants et la jeunesse

Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation :

L'audition de ce jour traite d'un sujet essentiel pour la jeunesse et la Nation toute entière. Par cette audition, la représentation nationale consacre l'absolue priorité que nous devons à la jeunesse pendant la traversée d'une crise loin d'être achevée. Aussi violente que durable, la pandémie appelle une mobilisation inédite car il nous faut gérer le présent et l'urgence sans jamais perdre de vue les conséquences de la crise sur l'avenir. Cette dualité a toujours guidé l'action de mon ministère au cours des derniers mois.

Je salue l'engagement de l'ensemble des personnels des établissements d'enseignement supérieur et de recherche et des étudiants. Parfois injustement stigmatisés, nos universités, ceux qui y travaillent et ceux qui y étudient ont, dans leur immense majorité, fait preuve d'un comportement courageux, engagé et responsable. Depuis le début de la crise, la communauté universitaire s'est adaptée et consacrée sans relâche à l'accompagnement des étudiants. Enseignants, personnels administratifs, personnels de direction, personnels des Centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires (CROUS), chacun s'est investi pour accompagner les étudiants dans la poursuite de leur formation, se mettre à l'écoute des plus vulnérables en offrant des solutions adaptées à chaque situation, qu'il s'agisse de la santé, du logement, de l'alimentation ou du bien-être. Je leur dis ma fierté et ma reconnaissance ; nous continuerons, ensemble, à avancer, à enseigner et à apprendre, malgré cette crise, pour qu'il n'y ait pas de génération sacrifiée.

La crise sanitaire a été le révélateur et le catalyseur des difficultés que rencontrent encore de trop nombreux étudiants en France. C'est pourquoi, dès le début de la crise, mon ministère a réagi le plus rapidement possible pour qu'aucun étudiant ne se sente livré à lui-même. En liaison avec l'ensemble des établissements sur le territoire et avec le Centre national des œuvres universitaires et scolaires (CNOUS), nous avons pris de très nombreuses mesures d'accompagnement.

Au mois de mars, après l'instauration du premier confinement généralisé, les établissements d'enseignement supérieur, contraints d'assurer tous leurs enseignements à distance, ont défini de très nombreuses mesures d'accompagnement et ont tout fait pour garder un lien constant avec leurs étudiants et maintenir la continuité pédagogique, tout en veillant le plus possible à la situation sanitaire des étudiants et des personnels.

J'ai souhaité que priorité absolue soit donnée à l'accompagnement des étudiants vivant dans les conditions les plus précaires. Conformément aux orientations adressées par mon ministère, les établissements ont mobilisé environ 19 millions d'euros du produit de la contribution de vie étudiante et de campus (CVEC). Ce soutien s'est traduit par des aides alimentaires, des aides financières d'urgence et des aides pour l'accès au numérique avec la fourniture d'ordinateurs, de tablettes, de supports informatiques ou de clefs 4G. Les CROUS ont distribué des paniers-repas et des produits d'hygiène. Des aides médicales et psychologiques ont été organisées par les services de santé universitaires, les établissements et les CROUS, par téléconsultations, permanences téléphoniques ou mails. Enfin, plusieurs établissements ont créé des parrainages et des aides pour changer de logement, et des cafés virtuels et diverses animations visant au maintien du lien social.

Le logement étudiant a fait l'objet d'une attention particulière. Quelque 50 000 étudiants qui n'ont pas pu ou pas voulu rejoindre leur famille ont pu demeurer dans leur logement ; aucune résidence universitaire n'a été fermée et les étudiants présents pendant le confinement ont été accompagnés par les personnels et par les étudiants référents identifiés par les CROUS. Les étudiants souhaitant se confiner en un autre lieu ont été exonérés du paiement du préavis de départ. Ceux qui se sont confinés dans les résidences universitaires ont été protégés sur le plan sanitaire grâce à la mobilisation conjointe des CROUS et des services de santé universitaires. Le réseau des œuvres sociales a joué un rôle central ; l'engagement et la disponibilité exceptionnelle de l'ensemble de ses agents auprès des 50 000 étudiants confinés dans les résidences a permis de maintenir l'action sociale et de lutter contre l'isolement des étudiants. L'accompagnement psychologique et social a été renforcé, partout, grâce aux étudiants référents des CROUS qui, pour lutter contre le sentiment de solitude et l'angoisse dus à la situation sanitaire, ont organisé des « phoning » et des porte-à-porte dans les résidences.

Toutes ces mesures ont été financées par les 200 millions d'euros supplémentaires ouverts dans le troisième projet de loi de finances rectificative. Une aide exceptionnelle de 200 euros a été versée aux étudiants ultramarins et à ceux, boursiers ou non boursiers, qui avaient perdu leur emploi. Au mois de juillet, sans que les étudiants soient tenus de faire aucune démarche, le versement des bourses a été étendu pour tous ceux dont les concours ou examens terminaux avaient été reprogrammés au-delà du 30 juin. Nous avons également permis que les contrats de thèse, les contrats postdoctoraux et les contrats à durée déterminée dans les laboratoires soient prolongés et financés jusqu'à un an supplémentaire lorsque leur déroulement a été entravé par la crise sanitaire.

Une attention particulière a également été portée aux étudiants étrangers. Il était impératif de continuer à autoriser leur venue tout en s'assurant qu'ils bénéficient des meilleures conditions de vie et d'études possibles en période de confinement. Dès le début de la crise, en concertation avec nos partenaires européens, nous leur avons ouvert nos frontières, y compris à ceux qui venaient de pays où le coronavirus circulait beaucoup. Ce choix n'a pas été remis en question lors du deuxième confinement : être un étudiant inscrit dans un établissement d'enseignement supérieur en France constitue toujours une dérogation permettant d'entrer sur notre territoire, sous réserve bien sûr du respect des règles sanitaires. Nous avons ainsi pu assurer l'accueil, même tardif, de ces étudiants dans les établissements. Pour ceux qui ne parvenaient pas à quitter leur pays, nous nous sommes assurés qu'ils pouvaient suivre à distance les enseignements auxquels ils étaient inscrits, notamment dans des espaces d'enseignement numérique français ouverts à l'étranger. Depuis, nous avons toujours veillé à ce que l'accueil des étudiants internationaux soit garanti, comme leur accompagnement par les équipes pédagogiques et les CROUS. Les visas octroyés pour l'année académique 2020-2021 ont chuté de 27 %, mais grâce aux dispositifs de formation en ligne, le nombre d'étudiants étrangers inscrits dans les écoles et les établissements d'enseignement supérieur français est resté à peu près stable, ou en tout cas la diminution constatée n'atteint pas cette proportion de 27 %.

Les établissements ont dû adapter leurs modalités de contrôle des connaissances tout en veillant à garantir la valeur des diplômes et l'égalité de traitement entre les étudiants. Pour assurer le suivi de l'organisation des concours et examens nationaux, un comité opérationnel de pilotage a été institué auprès de mon ministère et du ministère de l'Éducation nationale, de la jeunesse et des sports, grâce à l'action résolue de Caroline Pascal et de ses équipes de l'inspection générale. Un nouveau calendrier des sessions 2020 a été établi en liaison avec les établissements et les banques de concours. Une fois encore, une attention particulière a été portée aux étudiants étrangers pour qu'ils puissent revenir en France pour passer ces concours. Dans les universités, les examens et les modalités de contrôle de connaissances des diplômes nationaux ont fait l'objet d'adaptations par les établissements. Qu'il s'agisse des universités ou des écoles supérieures privées, le ministère a veillé à ce que partout l'égalité entre les candidats soit respectée, dans des conditions sanitaires particulièrement rigoureuses. Le bilan de cette session est plutôt positif : l'ensemble des examens a pu se dérouler. Le comité de suivi a été maintenu dans ses attributions.

Les actions menées pendant le confinement se sont poursuivies bien au-delà, avec la préoccupation constante de traiter les deux temporalités de front : gérer l'urgence et préparer l'avenir. Grâce à la préparation accomplie et à la mobilisation des personnels et des services du ministère durant tout l'été, la rentrée de septembre a eu lieu dans des conditions adaptées à la crise, en prenant en compte les spécificités de chaque université. La circulaire du 7 septembre et toutes les préconisations adressées aux établissements et aux recteurs ont, bien sûr, toujours respecté les recommandations du Haut Conseil de la santé publique en tenant compte de l'évolution épidémiologique quotidienne, territoire par territoire sans imposer des mesures uniformes mais en accompagnant chacun le mieux possible. Le port du masque obligatoire à l'université, le respect de la distanciation physique partout et l'instauration d'une jauge à 50 % pour tous les espaces d'accueil dans les établissements situés en zones d'alerte renforcée et maximale étaient des mesures impératives pour protéger les étudiants et les personnels tout en leur permettant de reprendre, protégés et confiants, le chemin des établissements, car pour les étudiants comme pour les personnels, une rentrée sur place était essentielle.

La lutte contre la précarité étudiante s'est poursuivie. Á la rentrée 2020, nous avons gelé les frais d'inscription, augmenté le montant des bourses sur critères sociaux pour la deuxième année consécutive et encouragé les étudiants à demander la révision de leur dossier sur la base de leurs revenus de 2020. Avec l'augmentation prévisionnelle du nombre de boursiers et la revalorisation des bourses, c'est un engagement de plus de 80 millions d'euros qui a été pris. Comme l'an dernier, le versement anticipé de la première mensualité de bourse, pour les dossiers complets, a été fait avant le 31 août pour permettre aux étudiants de gérer plus facilement leur budget de rentrée.

Á ces mesures qui concernent les bourses sur critères sociaux, s'est ajouté un dispositif de grande ampleur traduisant l'engagement pris par le Premier ministre le 15 juillet dans son discours de politique générale : la création d'un ticket de restauration universitaire à un euro pour tous les étudiants boursiers. Ainsi les CROUS ont-ils pu proposer à l'ensemble des étudiants boursiers un repas à 1 euro, financé à hauteur de 50 millions. Cette mesure inédite aide les familles et les étudiants aux revenus les plus faibles ; la contribution de l'État leur permet d'accéder à un repas complet, équilibré et de qualité pour un prix extrêmement réduit. Le prix du « ticket U » pour les autres étudiants a été maintenu à 3,30 euros en dépit de l'inflation. Enfin, une prime de 150 euros a été instaurée pour les étudiants boursiers et les 400 000 jeunes percevant l'aide personnalisée au logement (APL). Cet engagement sans faille en faveur de l'accompagnement des étudiants s'est traduit dans le projet de loi de finances pour 2021 présenté le 26 septembre dernier, les moyens consacrés à la vie étudiante augmentant de 134 millions d'euros.

Mon collègue Olivier Véran et moi-même avons aussi souhaité soutenir les étudiants en soins infirmiers qui ont été en première ligne durant leur stage pour lutter contre le Covid-19. Ils percevront une indemnité exceptionnelle, financée à hauteur de 20 millions d'euros dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale. Ce complément se traduit par une majoration des indemnités de stage durant la période de l'urgence sanitaire permettant de parvenir à 136,50 euros par semaine de mobilisation de ces étudiants, que je remercie pour leur mobilisation, leur solidarité et leur dévouement exceptionnels.

Pour compenser la perte d'un grand nombre de « jobs » étudiants, je travaille avec les établissements et les CROUS à la création d'emplois étudiants pour accompagner les plus fragiles sur les plans psychologique et académique.

La pédagogie à distance a été largement soutenue par le ministère pendant le confinement et au-delà, dans une démarche d'hybridation des formations et d'innovation pédagogique de long terme. Des aides ont été attribuées à la création de ressources numériques et à la conception de cours à distance ; les établissements ont conçu des formations pour les enseignants ; un forum du ministère a été créé, qui donne des conseils pour l'organisation des examens et des évaluations à distance.

Pour aider les établissements à se préparer tout en mutualisant les efforts, mon ministère et le secrétariat général à l'investissement ont lancé au début du mois de juin un appel à projets sur l'hybridation des formations, prioritairement dans le premier cycle, afin de créer des ressources pédagogiques accessibles à distance qui puissent être partagées entre les établissements d'enseignement supérieur. Trente-quatre projets ont été retenus. Des subventions pouvant aller jusqu'à 3 millions d'euros ont été allouées aux quinze initiatives les plus abouties ; un fonds d'amorçage a permis aux dix-neuf autres de lancer dès la rentrée la création de contenus tout en perfectionnant leur projet. Dans le cadre du plan France Relance, 35 millions d'euros permettront aux universités d'étoffer leur offre numérique, de former leurs enseignants, de recruter des ingénieurs pédagogie et d'acheter des équipements.

Le plan « 1 jeune, 1 solution », présenté le 23 juillet à Besançon par le Premier ministre, comporte des mesures générales en faveur des jeunes gens âgés de 16 à 25 ans. Pour mon ministère, ce plan a permis de créer des places nouvelles dans l'enseignement supérieur. En plus des 39 000 places créées depuis 2017 dans le cadre du Plan Étudiants, 10 000 places supplémentaires ont été créées à la rentrée 2020 et 20 000 places le seront à la rentrée 2021. Ces places supplémentaires sont ciblées sur les filières les plus en tension, notamment les formations en santé, les formations paramédicales, les formations courtes. Elles visent à amortir les effets de la crise sanitaire et à accueillir la diversité des nouveaux bacheliers pour faciliter leur accès à la formation. Un soutien massif a aussi été accordé aux contrats d'apprentissage pour maintenir cette filière de formation d'excellence. Enfin, 32 millions d'euros du plan de relance serviront à rehausser la garantie par l'État des prêts étudiants : jusqu'alors, 11 500 jeunes pouvaient en bénéficier ; nous pourrons garantir jusqu'à 67 500 de ces prêts.

Cet ensemble de mesures nous a permis d'aborder la nouvelle période de confinement dans un climat d'anticipation. Les universités ne sont pas fermées ni les formations interrompues. Elles continuent d'être toutes à être dispensés à distance par les établissements d'enseignement supérieur, qui se sont préparés depuis plusieurs mois à ce scénario. L'enseignement à distance s'applique au cours magistraux et aux travaux dirigés. Sur dérogations délivrées par les rectorats, des exceptions sont prévues pour certains travaux pratiques, manipulations ou apprentissages de gestes professionnels. Des aménagements ont également été prévus pour les étudiants dans l'impossibilité de continuer à se former à distance. Nous avons ainsi autorisé un accès sur rendez-vous, dans le respect de jauges sanitaires, aux salles informatiques et aux bibliothèques universitaires des établissements.

Les établissements, le ministère et l'ensemble des personnels continueront d'accompagner sans relâche les étudiants au cours du nouveau confinement. La continuité pédagogique doit être maintenue, comme l'attention portée à la situation sociale et sanitaire de nos étudiants. C'est pourquoi les services de santé universitaires et les services sociaux restent pleinement accessibles ; ils continueront à jouer un rôle majeur. De même, des activités sociales associatives à distance pourront être organisées sur les campus. Des mesures de prévention des risques psycho-sociaux et de prise en charge graduée sont aussi en cours de renforcement, en collaboration avec le ministère des solidarités et de la santé. Enfin, pour éviter à tout prix le décrochage, nous travaillons à mettre en place un tutorat pour les étudiants par les étudiants.

Vous le voyez, le ministère est pleinement mobilisé pour accompagner notre jeunesse dans l'épreuve que nous traversons collectivement. Nous avons pour devoir et responsabilité de minimiser les impacts de la crise pour nos étudiants. Cet impératif n'a pas cessé de guider l'action de mon ministère ces derniers mois et nous poursuivrons nos efforts sans relâche.

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