Intervention de Perrine Prost

Réunion du jeudi 12 novembre 2020 à 11h15
Commission d'enquête pour mesurer et prévenir les effets de la crise du covid-19 sur les enfants et la jeunesse

Perrine Prost, déléguée nationale pour le Syndicat des enseignants-UNSA :

Pour notre syndicat, cette audition doit permettre de poser des constats, de mettre en exergue les freins à la pratique sportive dans le contexte sanitaire et de proposer également des solutions pour l'avenir.

Pendant le confinement, les élèves étaient effectivement contents que les enseignants d'EPS s'intéressent à eux, dans leur globalité, et pas uniquement en rapport avec l'apprentissage des savoirs scolaires. Les professeurs d'EPS, mais également les conseillers principaux d'éducation (CPE), ont permis d'éviter certains décrochages parce que ces personnels connaissent très bien les élèves.

Deux objectifs ont guidé l'action des professeurs d'EPS au cours du confinement : proposer aux élèves une pratique régulière, autonome, en toute sécurité et dans le respect des règles du confinement et des gestes barrières ; leur permettre de s'engager dans un développement de compétences méthodologiques – savoir s'entraîner – et social – se connaître et se motiver, notamment.

Ce confinement a également offert une occasion de rappeler la nécessité de la pratique sportive par le biais non seulement de l'EPS, mais également des activités qui étaient proposées par les associations sportives et qui concourent également à l'épanouissement des élèves, favorisent la connaissance de soi, la confiance en soi, l'esprit d'équipe ainsi que le développement des valeurs qui ont pris tout leur sens dans un contexte de défiance vis-à-vis de la gestion de la crise.

Lors du déconfinement, la reprise de l'EPS a permis à certains de retrouver une activité physique permettant de sécréter de l'endorphine et ainsi, de réduire les effets de l'anxiété, de l'angoisse et de la dépression. Les élèves étaient heureux de reprendre une activité physique parce que certains avaient vu leur tonus musculaire régresser et présentaient parfois un surpoids lié à une alimentation trop riche pendant le confinement et à de trop faibles dépenses énergétiques.

Nous avons rencontré également des difficultés à enseigner, en lien avec les besoins spécifiques de la discipline et avec le défaut de préparation du ministère. Lors du confinement, l'EPS a dû s'adapter à une situation inédite et les équipes ont dû également s'inclure dans la répartition du volume hebdomadaire proposé aux élèves. Les enseignants se sont attachés à construire de nouveaux outils afin de proposer une éducation physique et sportive praticable, en autonomie et dans le respect des gestes barrières et de la sécurité.

Lors du déconfinement, un travail de concertation et de coordination a fortement mobilisé les équipes. Il leur appartenait en effet de discerner ce qu'il était possible de faire de ce qui ne l'était pas, au regard non seulement des exigences du protocole mais également des infrastructures sportives disponibles et accessibles. Le SE-UNSA regrette que ce travail de concertation se soit déroulé dans l'urgence, alors que de nombreux équipements sportifs étaient encore fermés. Les équipes ont besoin de temps et de confiance, loin de toute injonction et de toute urgence.

Nous regrettons l'absence de dialogue avec les organisations syndicales en vue d'établir les fiches thématiques « EPS et sport ». Selon nous, chaque enseignant, chaque professeur des écoles doit être informé du cadre dans lequel les activités physiques et sportives seront organisées, d'une part afin de les adapter et, d'autre part, afin de fournir des explications et des consignes aux familles et aux élèves.

Nous regrettons que la communication ministérielle ne distingue pas l'éducation physique et sportive enseignée à l'école maternelle – qui vise à permettre aux enfants d'enrichir leur motricité – et le sport pratiqué dans les fédérations sportives, dont les finalités sont différentes car elles visent la promotion et la pratique d'une discipline sportive, et accordent une place plus importante à la compétition. Il ne s'agit bien sûr pas de les opposer mais de mettre leur complémentarité en évidence.

Nous regrettons que les premiers protocoles n'aient pas distingué la pratique de l'EPS obligatoire du sport scolaire, c'est-à-dire le sport et les activités facultatives pratiquées sur le temps périscolaire. Le nouveau protocole en vigueur au 2 novembre précise clairement ce qui est autorisé en EPS mais il établit une distinction avec les activités qu'il est possible de proposer sur le temps périscolaire.

Concernant l'application du protocole, la grande majorité des équipements sportifs appartient aux collectivités locales. Elles mettent en place des protocoles différents des protocoles imposés par l'Éducation nationale, ce qui représente une véritable contrainte. Pratiquer l'EPS en toute sécurité nécessite une désinfection fastidieuse parce que nous utilisons effectivement beaucoup de matériel. Ce protocole est donc long et il requiert un travail important. Nous avons également constaté que les académies imposent des consignes encore plus restrictives ou injonctives. Pourtant, à l'impossible nul n'est tenu. Cependant, la mise en place de la « foire aux questions » a permis de limiter ces situations.

Dans le premier degré, les freins à la pratique sportive sont connus : ce sont les problèmes liés à la formation des professeurs des écoles, au temps de travail des professeurs des écoles (qui est de vingt-six heures face aux élèves), ainsi qu'aux infrastructures sportives et à leur disponibilité.

Enfin, à la réception de l'invitation pour cette audition, j'ai été surprise par les thèmes annoncés comme « le Covid comme révélateur de la crise identitaire de l'EPS : éloignement progressif de l'EPS de la culture sportive ; administration de la preuve de l'intérêt de l'EPS au moment où celle-ci a été arrêtée pendant de longs mois ». Cette crise nous a permis de constater que l'EPS constituait une pratique hebdomadaire, mais aussi que les objectifs de l'EPS étaient méconnus. La confusion est entretenue entre la pratique scolaire et la pratique périscolaire et extrascolaire. Or ces trois pratiques concourent à l'épanouissement des élèves, au bien-être et à la santé.

Cette période est non seulement révélatrice des enjeux de l'EPS, mais également des manques actuels en EPS, qui mettent en exergue la problématique des installations, du vieillissement des installations sportives, mais aussi de leur entretien et leur mise aux normes. Il conviendrait de tirer des enseignements de cette période, notamment en n'excluant pas les publics scolaires de l'utilisation des installations sportives, même en temps de crise, contrairement à ce qui s'est passé dans le dernier protocole.

L'EPS ne s'éloigne pas de la culture sportive. En revanche, nous constatons que la culture sportive s'éloigne de l'éducation. L'EPS appréhende les élèves dans leur globalité, non seulement dans des compétences propres à la pratique sportive, mais également et surtout dans des compétences méthodologiques et sociales.

Nous formulons des propositions pour le long terme : la mise en place de trois heures hebdomadaires d'EPS en lycée ; un temps périscolaire qui permette aux élèves de bénéficier de créneaux d'association sportive parce que l'association sportive s'adresse à l'ensemble des élèves pour un prix de cotisation plutôt modéré ; un état des lieux des infrastructures sportives utilisées par les scolaires ; un aménagement des cours de récréation permettant la pratique sportive. Lors de rénovations de bâtis scolaires, il faudrait systématiser la construction d'un gymnase à proximité de l'établissement public local d'enseignement (EPLE) ou sa rénovation. Nous proposons également une limitation à vingt-quatre élèves des effectifs de chaque classe, de la maternelle au lycée, à vingt élèves dans les territoires en difficulté, à douze élèves en sections d'enseignement général et professionnel adapté (SEGPA) et dans les unités pédagogiques pour élèves allophones arrivants (UPE2A) et à dix élèves dans les unités localisées pour l'inclusion scolaire (ULIS). Il s'agit d'un effort financier conséquent, mais il est indispensable de sorte à favoriser la réussite éducative de l'ensemble des élèves. Nous préconisons également la mise en place d'une foire aux questions afin d'accompagner les enseignants dans ces temps d'urgence et de crise ; une communication rappelant que l'école reste le seul lieu qui permet à tous, à tous les enfants et à tous les jeunes, sans discrimination aucune, d'accéder aux activités physiques et sportives et qu'elle en permet également une pratique régulière.

Enfin, le profil des professeurs d'EPS évolue car les enseignants travaillent de plus en plus dans deux, voire trois établissements. Leurs temps de travail sont de plus en plus longs en raison des heures supplémentaires imposées et des tâches administratives, toujours plus chronophages, notamment dans le cadre du plan Vigipirate.

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