S'agissant des motifs d'inquiétude de certains jeunes, il est étonnant de constater qu'ils sont somme toute relativement malléables. Au final, ils acceptent et s'adaptent aux évènements. Pour autant, nous constatons leur inquiétude liée, je pense, à nos propres incohérences, aux informations qui leur proviennent de divers horizons. L'épidémie a frappé certains d'entre eux ou un membre de leur environnement.
Pour ce qui concerne le port du masque, comme je l'ai déjà indiqué, certains refuseront de le retirer pendant nos cours, quoi que nous fassions, quoi que nous disions ; d'autres, au contraire, se montrent réticents à le remettre.
Parfois, des élèves se sont confiés à leur professeur à la fin du cours d'EPS, sur leurs craintes liées justement à une situation familiale particulière (en cas de maladie chronique d'un proche, par exemple). D'autres avaient eux-mêmes des problèmes de santé avant l'épidémie et les professeurs ne savent pas évaluer le degré de risque.
Certains enseignants nourrissent également des inquiétudes, notamment par rapport au port du masque. En outre, les polémiques relatives aux masques qui nous ont été distribués renforcent d'autant moins notre sentiment de sécurité qu'il était prévu d'équiper les professeurs d'EPS de masques chirurgicaux, qui semblent être les seuls à protéger réellement lorsque l'interlocuteur n'en porte pas. Nous ne disposons toujours pas de ces masques.
S'agissant du protocole, j'ai personnellement la chance de travailler dans un établissement qui fonctionne sur la base de la concertation et d'une écoute mutuelle. Pour autant, la rentrée s'est révélée complexe, notamment en raison des récents attentats. Nous sommes fatigués. Mais nous avons choisi de privilégier ce qui nous semblait important, c'est-à-dire l'activité des élèves et donc de ne pas tout arrêter. Nous disposons d'informations livrées par différents collègues qui ne peuvent pas pratiquer leur discipline en raison d'un protocole qui fait l'objet d'interprétations multiples. Les distances de sécurité, le port du masque sont autant de contraintes qu'il n'est pas toujours possible de respecter en fonction des installations. Par exemple, les vestiaires sont désormais condamnés, ce qui pose des problèmes dans le respect des mesures d'hygiène que nous essayons tant bien que mal d'inculquer à nos élèves. Ils étaient indispensables à l'acquisition de ces réflexes d'hygiène et ils sont fermés pour des raisons sanitaires. Tous ces paradoxes créent de l'incertitude et donc de l'anxiété, tant chez les professeurs que chez les élèves.
La plupart des professeurs ont décidé de ne plus pratiquer les activités dites « de contact direct » (telles que la lutte). Toutefois, nous essayons malgré tout d'intégrer différentes activités dans nos programmations, sachant que les distanciations sociales sont complexes à respecter, même sur une piste d'athlétisme. Nous essayons d'adapter ce protocole non seulement aux risques mais également aux besoins que nous ressentons de la part de nos élèves. Nous tentons d'évaluer si le risque est plus important dans un arrêt complet des activités physiques ou dans leur poursuite, en procédant aux ajustements qui nous semblent les plus pertinents.
Je voudrais vous livrer une anecdote relative au port du masque. Nous comprenons son utilité. Toutefois, dans les classes de réseaux d'éducation prioritaire (REP), les élèves mettent leur masque dans leur poche, le reprennent, le mettent sur le nez, sur la bouche, prennent éventuellement celui du voisin, le posent, le reprennent. Nul doute que des microbes circulent au cours de ces manipulations.
Quoi qu'il en soit, dans son préambule, le protocole qui nous a été transmis conforte le rôle de l'EPS. Ce constat est satisfaisant.