Je suis en charge de la formation professionnelle et de l'apprentissage à la CFTC. Je commencerai par une note positive en soulignant que, sur les 100 milliards d'euros du plan de relance, environ 16 milliards seront consacrés à la formation et à l'apprentissage. Même si ce ne sera jamais assez pour les syndicalistes que nous sommes, l'ambition est là !
Néanmoins, et d'après les premiers retours, la mise en œuvre des mesures en direction des jeunes de 16 à 25 ans n'est pas toujours évidente – la troisième demande, par exemple, n'est pas automatiquement acceptée. Inès Minin a parfaitement raison lorsqu'elle dit qu'il faut mettre l'accent sur l'accompagnement et encourager l'appropriation de tous ces dispositifs, dont le coût est très élevé. À l'instar de la CGT, les organisations syndicales regrettent que les aides à l'apprentissage ne comportent pas de contrepartie négociée. L'histoire l'a malheureusement montré, à chaque fois que l'on a donné de l'argent sans contrôle ensuite, cela n'a pas vraiment fonctionné. Il aurait fallu encadrer les aides contenues dans le plan de relance : elles représentent des sommes importantes, qui proviennent de notre argent à tous.
L'accompagnement est essentiel. L'éducation nationale doit travailler sur cette question et faire en sorte de proposer aux jeunes, dès la troisième, une formation en apprentissage dans des métiers porteurs. Aujourd'hui, il n'est plus question de les envoyer dans les secteurs où il n'y a plus d'emploi. C'est fini : les jeunes ne choisissent plus leur métier en fonction de leurs rêves – c'est parfois terrible à dire –, mais selon le marché de l'emploi, parce qu'ils trouveront du travail dans ce secteur-là. L'orientation en apprentissage peut être décisive et l'éducation nationale ne doit pas s'interdire de la proposer à des gamins qui ont 15 ou 17 de moyenne générale. Pourquoi les pousser systématiquement à poursuivre des études, alors qu'elles ne les mèneront pas forcément là où ils veulent, et leur feront quitter leur territoire ? Les sondages montrent que les Français ne sont pas très mobiles : on veut rester près de sa maison, de ses parents ; on ne veut pas bouger, c'est ainsi et on n'y peut rien. Il faudrait pouvoir proposer en troisième l'apprentissage, au même titre que la poursuite des études générales. Je sais bien qu'il faut pour cela faire bouger les lignes et que ce n'est pas évident !
Nous sommes sur la même ligne que la CFDT concernant l'élargissement des mesures aux jeunes de 29 ans révolus. Par parallélisme des formes, l'apprentissage doit être accessible aux jeunes jusqu'à 30 ans.
Ce serait mentir que de dire que les régions ont apprécié que la loi du 5 septembre 2018 transfère l'apprentissage aux branches professionnelles… Certaines d'entre elles ont cessé tout net d'investir et, surtout, de prendre en charge les frais annexes – hébergement, transport, restauration. Elles ont coupé les vivres ! Elles vous rétorqueront sans doute que c'est parce que vous les avez privées de toutes leurs ressources – ce qui n'est pas totalement faux, même si elles ont reçu une compensation. Il n'en reste pas moins que, pour lutter contre la paupérisation des apprentis, elles doivent continuer de prendre en charge ces frais annexes. Ces jeunes, dont les statistiques montrent qu'ils sont souvent issus de familles monoparentales, sont placés dans une situation plus difficile encore par le covid : sans petit boulot, ils n'ont plus d'apport financier.
La loi est claire, la période préliminaire en CFA a été portée de trois à six mois. Cela aide les jeunes à rester en formation, après une orientation souvent vécue comme un échec. S'ils sortent trop tôt et dégoûtés de l'apprentissage, on ne les reverra plus. Il est honteux que certains CFA ne jouent pas le jeu et ne respectent pas cette période. À la CFTC, nous avons été très clairs avec des CFA qui nous avaient été signalés. Il est désastreux de mettre un jeune dehors avant la fin de la période préliminaire et de lui enlever toute possibilité de chercher un autre terrain d'apprentissage. Nous demandons qu'il n'y ait pas de passe-droit et que des sanctions fortes soient prises à l'encontre des CFA de ce type. Un CFA n'est pas qu'un centre de profit, il doit agir pour la nation, pour nos jeunes.
( Mme Marie-Christine Oghly prête serment.)