Intervention de Marie-Christine Oghly

Réunion du jeudi 12 novembre 2020 à 14h00
Commission d'enquête pour mesurer et prévenir les effets de la crise du covid-19 sur les enfants et la jeunesse

Marie-Christine Oghly, présidente de la commission éducation formation du Medef :

Nous traversons une crise économique inédite, qui a vu la mise à l'arrêt volontaire et soudaine de toute une partie de l'économie et une chute historique du PIB – moins 9,5 %, selon le consensus des économistes en octobre. La baisse brutale de l'activité affecte diversement les secteurs d'activité : certains peuvent poursuivre leur activité, d'autres sont à l'arrêt forcé. Avant que de songer à recruter, nombre d'entreprises cherchent surtout à sauver leur activité et à ne pas supprimer d'emplois.

L'accès des jeunes au marché du travail est très sensible à la conjoncture ; cette période n'échappe hélas pas à la règle et se révèle difficile tant pour les jeunes peu qualifiés que pour les diplômés, ainsi que le montrent les dernières enquêtes, de l'APEC notamment. Le Gouvernement a mis en place des mesures spécifiques en faveur de l'emploi des jeunes, des primes à l'embauche et un soutien à l'apprentissage. Elles semblent bien calibrées et répondent au besoin de simplification des dispositifs et des circuits de décision.

Même s'il est encore tôt pour avoir une vision globale des conséquences de la crise économique sur l'emploi des jeunes, on constate une aggravation forte du chômage et une stratégie de poursuite des études.

Pour le Medef, il est essentiel d'œuvrer collectivement pour soutenir les jeunes – ils sont le vivier des compétences de demain et un investissement majeur pour le futur. Il importe de donner des perspectives à la société française et de ne pas sacrifier les jeunes, surtout les plus fragiles d'entre eux. Dès l'été, le Medef a pris des engagements pour la relance. Il a mobilisé les entreprises pour qu'elles maintiennent leurs objectifs d'emploi des jeunes, notamment par le biais de l'apprentissage, un levier essentiel d'intégration dans l'emploi. Même si les mesures de reconfinement compliquent la donne, nous venons de lancer une campagne de communication en direction des entreprises sur la prime à l'embauche d'un alternant.

Le plan « 1 jeune, 1 solution » est la déclinaison opérationnelle d'un plan à l'intention des jeunes. Les Medef régionaux et territoriaux font état d'un sérieux manque de lisibilité concernant les prérogatives des différents acteurs, dont l'État. Ils ne comprennent pas la nécessité de créer un comité de pilotage régional ad hoc, alors même que les sujets relatifs à l'emploi, à la formation, à l'orientation et à l'insertion sont du ressort des comités régionaux de l'emploi, de la formation et de l'orientation professionnelles (CREFOP), lesquels réunissent déjà, sous l'égide du préfet et du président du conseil régional, presque tous les acteurs mentionnés dans les annexes de la circulaire relative au déploiement du plan « 1 jeune, 1 solution ». Qui plus est, les référents qui doivent être désignés au sein de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) par les préfets ne l'ont pas encore été. Si les premiers résultats, en matière d'embauche d'apprentis et de jeunes en CDD ou en CDI, sont encourageants, ils sont à mettre au crédit des mesures fortes qui ont été adoptées – les primes exceptionnelles. Mais la récente dégradation des conditions sanitaires et, partant, de la situation économique est en train de rebattre totalement les cartes. Sans visibilité, sans perspective claire de sortie de crise, la priorité des PME n'est pas d'embaucher mais de survivre.

Les indicateurs de suivi du plan « 1 jeune, 1 solution » doivent aller au-delà de la simple comptabilisation des entrées en formation. Entrer en formation ne signifie pas pour autant obtenir une certification ; ce n'est pas une garantie d'insertion dans le marché du travail. Bien sûr, le nombre de contrats d'apprentissage conclus au 31 décembre et les taux d'insertion dans l'emploi des salariés ayant bénéficié d'un contrat d'apprentissage et des salariés de moins de 26 ans ayant bénéficié d'un contrat de professionnalisation sont de bons indicateurs, mais ils sont uniquement centrés sur deux des vingt-six mesures du plan. Il pourrait être opportun de retenir comme indicateur global le nombre de jeunes ayant bénéficié d'au moins une mesure de ce plan, en distinguant par exemple les jeunes ayant trouvé un emploi de ceux ayant bénéficié d'une formation. L'un des enjeux sera d'observer si le taux d'emploi des 15-29 ans se redresse progressivement et au moins aussi rapidement que celui de l'ensemble de la population active.

Afin d'évaluer et d'adapter en temps réel l'action et les objectifs des acteurs du service public de l'emploi, il pourra également être utile de retenir comme indicateur le nombre d'entreprises effectivement contactées ou qui ont pris contact d'elles-mêmes pour obtenir des conseils et des informations. Beaucoup d'entreprises en effet ne se saisissent pas des dispositifs, principalement par manque d'information. Par ailleurs, le Medef demande depuis plusieurs mois au Gouvernement qu'une étude d'impact des moyens du plan d'investissement dans les compétences (PIC) soit partagée avec les partenaires sociaux, notamment ceux destinés à l'emploi des jeunes. Le PIC se composant à 50 % de fonds issus de la contribution des entreprises, il convient de pouvoir mesurer ses effets sur le taux de chômage des jeunes et sur le niveau de qualification, notamment de ceux qui sont éloignés du marché du travail, et surtout de capitaliser voire d'essaimer les actions qui ont démontré leur efficience.

Le Medef ne peut que se satisfaire des 314 000 nouveaux contrats d'apprentissage signés depuis le début de cette année. Ce chiffre est proche de celui de l'an passé, puisque 320 000 nouveaux contrats d'apprentissage avaient été signés entre janvier et fin septembre 2019. Le développement des entrées en apprentissage s'est accompagné d'une extension de l'offre de formation, avec 1 830 centres de formation d'apprentis (CFA) ouverts à la fin du mois d'août 2020. Rapportés aux 965 centres historiques, il s'agit d'un quasi-doublement du nombre de CFA depuis l'entrée en vigueur de la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel de 2018 et la suppression de l'autorisation administrative préalable à l'ouverture d'un CFA. Saluons aussi le travail de Pôle emploi, sur le site duquel les entreprises peuvent désormais déposer leurs offres d'alternance. Au 30 septembre 2020, Pôle emploi recensait ainsi près de 38 000 offres de contrats d'apprentissage déposés par les entreprises, soit une hausse de 16 % par rapport à la même date en 2019, avec une hausse de plus de 20 % en août et de plus de 43 % en septembre. Deux tiers des offres ont été déposées par des entreprises de moins de vingt salariés.

Nous pouvons également témoigner de l'engagement des branches. Certaines d'entre elles ont d'ores et déjà annoncé qu'elles dépasseraient leurs résultats de l'an passé, notamment l'agriculture, l'agroalimentaire et le bâtiment. Toutes notent l'impact positif de la prime alternance sur les recrutements depuis la rentrée et considèrent que, sans cette mesure exceptionnelle, la situation aurait été catastrophique. Les situations varient selon les secteurs d'activité. Si la tendance générale est à la stabilisation des effectifs d'alternants, les secteurs les plus touchés par la crise, comme le tourisme et l'hôtellerie-restauration, ne seront pas capables de maintenir le même nombre de contrats qu'en 2019, dans la mesure où ils cherchent, avant tout, à sauvegarder les emplois existants. Certains CFA, en particulier dans les zones rurales et les QPV, font état d'un manque de candidats pour des diplômes menant à des métiers de l'artisanat ou de l'industrie, qui souffrent d'un manque d'attractivité.

Enfin, le Medef souhaite alerter la commission d'enquête au sujet de l'obligation pour France compétences d'adopter des mesures de retour à l'équilibre budgétaire, notamment en matière d'apprentissage. Le Medef est prêt à discuter avec l'État et les autres parties siégeant au conseil de France compétences de la formule et du calendrier de la réduction des « coûts contrats » des CFA. Mais les branches doivent être libres d'appliquer cette réduction aux formations qu'elles souhaitent pour peu qu'elles respectent l'objectif global. Le Medef insiste pour qu'elle ne soit pas le seul levier de maîtrise du financement de France compétences.

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